Gustave Pierre Trouvé est né en 1839 à La Haye-Descartes, en Indre-et-Loire, dans une famille de petite bourgeoisie aisée. En 1855, il intègre l’École Impériale des Arts et Métiers d’Angers. Passionné de miniaturisation, il obtient un premier emploi chez un horloger parisien en 1859.
Vers 1860, c’est le début d’une nouvelle ère d’industrialisation. Les rues sont faiblement éclairées au gaz, les habitations le sont à l’huile, aux bougies et au gaz. L’électricité reste un sujet de laboratoire et c’est l’époque des piles électriques. C’est aussi le premier brevet de Trouvé pour une pile électrique lilliputienne, portative, cylindrique, étanche, zinc-charbon, pour éclairage portatif.
En 1866, il produit une trousse médicale d’induction électrique, un appareil de faradisation. Il s’agit d’un petit coffret en acajou équipé d’une petite pile à sulfate et d’une bobine d’induction pour la production d’un courant induit permettant d’avoir au choix une action excitatrice électrique sur les muscles ou sur les nerfs. La même année, il s’installe au 6 de la rue Thérèse, près du Palais Royal. Il est inscrit comme « Mécanicien à façon, appareils électriques ». Il enregistre sa marque, G.Trouvé : j’ai trouvé : eurêka : « ευρηκα ».
En 1867 le monde de l’électricité de Trouvé est alors celui de la miniaturisation avec ses bobines d’induction, ses électro-aimants, ses interrupteurs, ses piles, ses systèmes de bijoux éclairants.
En 1869, il conçoit un dispositif électrique pour le repérage des projectiles dans les plaies. En 1870, il imagine et construit un oiseau mécanique, l’ornithoptère, qui est sans doute la première maquette à moteur d’un engin plus lourd que l’air à avoir décollé et volé, un ancêtre des drones ! En novembre de la même année, un système de télégraphie militaire est démontré et commandé à 120 exemplaires.
Du premier endoscope électrique au hors-bord à moteur
Fin 1872, Trouvé conçoit, construit et met au point un nouvel appareillage : le polyscope. Il s’agit d’un dispositif d’éclairage pour l’inspection des cavités naturelles au speculum : bouche, pharynx, gorge, arrière-gorge, œsophage, vagin, rectum, nez. C’est le premier endoscope électrique. Basé sur le principe du thermocautère, il est destiné à l’éclairage et au repérage des pathologies, mais aussi à la cautérisation et au traitement de ces pathologies. La source de lumière est produite par un fil fin de platine aplati en son milieu de manière à former un petit disque à incandescence très lumineux lorsque passe le courant, entouré d’un mini-réflecteur de protection. C’est une mini-lampe à incandescence sans ampoule protectrice, bien avant la première ampoule électrique à filament de Thomas Edison qui date de 1879. Associés à ce polyscope, différents accessoires opératoires sont proposés. Pour disposer d’un courant constant, on y joint de préférence une batterie de quatre éléments Trouvé-Callaud équipée de régulateurs et d’un galvanomètre à deux circuits. Trouvé reçoit pour son polyscope la médaille du progrès à l’exposition de Vienne en 1873.
En 1877 le Docteur Onimus, passionné d’électrologie médicale, fait paraître un Guide pratique d’électrothérapie qui recense plus de dix ans de recherche. Trouvé a construit pour lui de nombreux appareils expérimentaux et prototypes.
Lors de l’Exposition universelle de Paris de 1878, dans la section Médecine, Trouvé expose soixante-dix instruments et appareillages d’électrothérapie ! Il y reçoit une médaille d’or. C’est une exposition importante : Paris est la Ville Lumière.
Trouvé apporte des améliorations au téléphone récemment inventé (1876) par Alexander Graham Bell, en ajoutant des membranes vibrantes complémentaires. En 1879, il travaille sur les sonneries et commutateurs téléphoniques par simple décrochage et raccrochage du combiné. Il fallait y penser !
Ses recherches s’étendent également à d’autres domaines… Ainsi, en 1881, Trouvé participe à l’équipement d’un vélocipède tricycle de 160 kg avec deux moteurs électriques. Et sur la Seine est démontrée avec succès la motorisation électrique d’un canot à hélice. C’est la première fois qu’un bateau est réellement propulsé efficacement par l’électricité. Lui vient aussi l’idée du moteur hors-bord démontable en concevant un gouvernail contenant une hélice et son moteur, dont l’ensemble est amovible et que l’on peut facilement retirer et remettre dans le bateau.
En 1881 au Palais de l’Industrie de Paris, se tient l’Exposition internationale de l’Électricité. Gustave Trouvé y présente ses nombreuses inventions et productions : canot électrique, motorisation du dirigeable de Tissandier, motorisation de la machine à coudre, huit ans avant Singer, et, sur le stand 551, toute une production d’électrologie médicale. Trouvé y reçoit la médaille d’argent du jury, et est décoré de la Légion d’Honneur.
En 1883, le photophore Hélot-Trouvé, conçu et produit en collaboration avec le Dr Hélot, est présenté à l’Académie de Médecine. L’idée de ce petit éclairage électrique porté sur le front de l’opérateur avec optique de focalisation relié à une pile Trouvé est géniale ! C’est notre lampe frontale adoptée par tout le corps médical.
Des applications dentaires à foison
Le 24 avril 1888, lors d’une séance de la Société d’Odontologie de Paris consacrée aux applications de l’électricité à l’Art Dentaire, Gustave Trouvé occupe une place centrale. Il présente tout d’abord une nouvelle pile au bichromate de potassium avec six éléments dans un coffret de transport en ébonite de 3 kg : pile remarquablement fiable, simple et économique.
Trouvé fait fonctionner un petit moteur électrique de 2,5 kg, réversible pour entraîner un tour à pédale. Mais surtout, il présente l’électro-fraise à partir d’un petit moteur Siemens de 90 g. L’axe du moteur se prolonge par une tige qui porte le support de la fraise. Le tout, pesant 150 g, tient facilement dans la main et se manie comme un crayon, sa pile offrant deux heures d’autonomie. Cependant, l’électro-fraise n’a pas une puissance suffisante pour être efficace en bouche, mais incontestablement l’idée du micromoteur dentaire est là, son application réelle ne surviendra qu’un siècle plus tard vers 1960-1970 avec les micro-tours dentaires.
Durant cette même séance, Trouvé présente aussi naturellement son photophore Hélot-Trouvé, comme le polyscope, bien appréciés par la profession dentaire. Il n’oublie pas son nouvel auxanoscope électrique : premier projecteur électrique avec une lampe incandescence de 70 W et son optique. C’est un nouveau concept de projection d’image, toujours actuel, pour toutes communications et pédagogies. Et c’est naturellement que Trouvé tient un stand très fréquenté au premier Congrès Dentaire International de Paris en décembre 1889.
En 1893, il fait paraître un Manuel d’électrologie médicale, volumineux ouvrage de 788 pages, destiné au monde médical pour le bon usage de ses inventions avec 273 figures. Au cours des années 1897-1900, il conçoit et réalise, avec le Docteur Foveau de Courmelles, de nombreuses lampes photothérapiques efficaces.
En juillet 1902, Gustave se blesse en travaillant sur un appareillage et meurt à Paris d’une septicémie.
Pour plus d’informations
www.gustave-trouve-eureka.com
www.biusante.parisdescartes.fr/sfhad
www.biusante.parisdescartes.fr/aspad/expo108.htm
http://www.biusante.parisdescartes.fr/mvad/
Le Thomas Edison français
L’inventivité et les résultats de Gustave Trouvé font immédiatement penser à Thomas Edison, mais celui-ci était un remarquable commerçant et communicant, ce que l’inventeur français n’a jamais vraiment cherché à être. Manifestement, cet esprit génial et avant-gardiste, ce visionnaire, était d’une grande modestie.
Trouvé s’est naturellement intéressé à beaucoup d’autres domaines non abordés dans cet article : c’était un esprit scientifique du XIXe siècle. Les praticiens de l’Art Dentaire ont apprécié plus spécialement son polyscope, son cautère à anse prolongeable, son photophore, son coffret de faradisation. Sa production instrumentale était d’une remarquable qualité de finition, avec le soin du détail. Son apport à l’électrothérapie médicale du XIXe siècle a été vraiment très important.
Le 15 octobre prochain, inauguration d’une plaque par la ville de Paris
En 1878, Gustave Trouvé avait transféré son atelier au 14 rue Vivienne, galerie alors très passante près de la Bourse, à Paris. Inventeur célibataire, il vivra et résidera dans son atelier jusqu’à la fin de sa vie.
Sur l’instigation de certaines associations, et plus particulièrement de l’historien scientifique Kevin Desmond, le samedi 15 octobre 2016, à 11 heures, le Maire de Paris dévoilera une plaque à la mémoire de Gustave Trouvé à son adresse de la rue Vivienne. La profession dentaire se doit d’y être fortement représentée en reconnaissance à cet homme exceptionnel.
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