Dans un « relevé d’observations provisoires » sur les soins bucco-dentaires, dévoilé par Le Figaro dans son édition du 26 avril, la Cour des comptes dresse un constat qu’elle juge « accablant ». Elle y dénonce « la faillite des politiques publiques face aux professionnels ». Les magistrats de la rue Cambon dressent la liste des griefs : « désengagement des pouvoirs publics », « manque de transparence du secteur », « indigence des contrôles de la profession », « dépassement d’honoraires ». Tout cela expliquerait selon elle l’état de santé bucco-dentaire « médiocre » des Français et le fait qu’un sur cinq renonce à se soigner. La charge est lourde pour la profession « qui n’aurait pas tenu ses engagements », mais aussi pour l’Assurance maladie coupable de laxisme. Ses remèdes : l’obligation de présenter au patient le prix d’achat des prothèses, le plafonnement des prix de la prothèse dont le remboursement serait totalement à la charge des complémentaires santé, ce qui permettrait à l’assurance maladie de revaloriser les soins, et le recours accru aux réseaux de soins pour faire baisser les prix…
Sidération et vives réactions
C’est d’abord une certaine sidération qui a gagné les représentants de la profession. Car si tous les syndicats ont été auditionnés par la Cour des comptes dans le cadre de ce rapport, au mois de juillet pour la CNSD, en novembre pour la FSDL et l’UJCD, rien dans ce « relevé d’observations », à charge, ne le laisse paraître. « Nous avons parlé gradient thérapeutique, soins conservateurs, prévention… rien de tout cela n’est évoqué », s’étonne Patrick Solera, président de la FSDL. Surtout, pas un syndicat n’a été destinataire de ce pré-rapport, alors même que d’autres acteurs du secteur bucco-dentaire l’auraient reçu. De quoi alimenter les suspicions sur les auteurs de ce document et de cette fuite dans la presse. Seraient-ils sous influence de quelques lobbies : prothésistes, réseaux de soins, centres low-cost… ? Mais l’intérêt semble entendu : saper les négociations qui vont s’ouvrir en septembre prochain avec l’assurance maladie, en tout cas les mettre sous tension. « Cette affaire est d’une extrême gravité, car l’enquête a été engagée et conduite dans un esprit partisan, totalement contraire à l’objectivité que l’on peut attendre d’une institution de la République », s’indigne Philippe Denoyelle, président de l’UJCD. « Quel manque de transparence, regrette Catherine Mojaïsky, présidente de la CNSD. Comment justifier qu’après avoir été longuement auditionnés on nous refuse un droit de relecture ? Et puis les constats que fait la Cour sont tronqués : nous n’avons jamais bloqué quoi que soit. Au contraire, nous nous sommes toujours engagés sur des évolutions du système. Et nous n’avons pas, de notre propre chef, pratiqué des honoraires libres sur la prothèse et l’orthodontie. On nous les a autorisés. Comment peut-on dire maintenant que l’on fait des dépassements sur des honoraires libres ? On confond tout. »
Face à la réaction forte des syndicats qui ont vertement réagi dans les médias, mais probablement aussi sous la pression du ministère de la Santé, la Cour des comptes a fait amende honorable, « déplorant » la publication du Figaro. « L’enquête sur les soins bucco-dentaires se poursuit, la procédure contradictoire n’étant pas achevée, souligne-t-elle dans un communiqué. Des auditions ont déjà eu lieu et vont se poursuivre plus largement avec les organisations professionnelles représentatives des chirurgiens-dentistes. » La Cour a en effet envoyé un questionnaire aux trois syndicats et les a convoqués le 4 mai pour une nouvelle audition. Le rapport définitif devrait être publié en septembre.
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