Le Grenelle de la santé bucco-dentaire a cassé les dogmes au profit du patient et du praticien », s’est félicité Gilbert Bouteille, le président de l’Ordre des chirurgiens-dentistes en ouvrant la conférencede presse du 28 septembre au siège de l’Ordre, à Paris. Organisé en début d’année, ce grand rendez-vous de la profession (syndicats, industrie, pouvoirs publics, universités, étudiants… étaient représentés) a permis de formuler 23 propositions concrètes tant en matière de prévention que de formation et de démographie, publiées dans un livre blanc (lire id n° 24). « C’est maintenant aux autorités de tutelle, aux syndicats, aux universités, à l’industrie, de mener à bien les réformes nécessaires », estime Gilbert Bouteille qui fête sa première année de mandat à la tête de l’Ordre, « fier et satisfait du travail accompli ».
Avec Paul Samakh, vice-président de l’institution, ils ont égrainé les sujets d’actualité et fait le point sur les dossiers en cours.
Formation des étudiants
10 % des chirurgiens-dentistes de l’Union européenne nouvellement diplômés n’ont jamais pratiqué d’actes sur un patient, montre une étude menée par l’Association européenne des étudiants en chirurgie dentaire (EDSA) publiée le 8 juillet (lire id n° 28). 20 % n’ont jamais pratiqué d’extraction simple, 15 % n’ont jamais fait d’anesthésie, 10 % avouent n’avoir jamais pratiqué un examen intra-oral… « Ce constat accablant pose un vrai problème à l’heure de la libre circulation des diplômes, constate Paul Samakh. Comment inscrire au tableau de l’Ordre des jeunes qui n’ont pas de formation pratique, alors que nous sommes les garants de la capacité et de la compétence des praticiens, donc de la sécurité des patients ? » Pourtant, les textes européens garantissent, au niveau national, un cursus de formation pratique minimal. L’Ordre, qui n’a pas le droit de faire passer des tests – ce serait une discrimination –, a saisi la Commission européenne, les Parlementaires français et la ministre de la Santé. Il espère obtenir au moins plus de contrôles de la part des autorités européennes, au mieux une réforme de la directive sur la reconnaissance automatique des diplômes. « Ce sera long », prévient Gilbert Bouteille.
Accès partiel
Un projet d’ordonnance du gouvernement prévoit d’appliquer l’accès partiel pour toutes les professions de santé, y compris les chirurgiens-dentistes et les assistantes dentaires. Par exemple, un hygiéniste dentaire espagnol pourrait ainsi accéder en partie à la profession en réalisant des détartrages. « À quoi sert l’acquisition de compétences si l’on organise leur contournement, interroge Paul Samakh. Et comment l’Ordre pourrait-il contrôler l’exercice de professionnels non-chirurgiens-dentistes, venus de l’étranger ? » Là encore, l’Ordre assure qu’il sera très vigilant sur le contenu de ce projet et se réserve le droit d’entamer tout recours juridique utile.
Assistantes dentaires
L’Ordre milite pour devenir le guichet unique d’inscription des nouveaux professionnels de santé que seront les assistants dentaires après leur inscription au Code de la Santé. Dans le projet de décret en cours de rédaction, ce sont les Agences Régionales de Santé (ARS) qui ont ce rôle. « Si nous devenons le guichet unique pour l’inscription nous aurons une meilleure visibilité de qui exerce dans les cabinets et pourrons nous assurer des qualifications et des champs de compétence », assure Paul Samakh. « 8 000 praticiens travaillent encore sans assistante dentaire, constate Gilbert Bouteille. Chacun a sa méthode de travail, mais je conseille malgré tout à mes confrères de recruter une assistante. »
Dentexia
L’Ordre, qui a demandé à la profession de se mobiliser, rappelle que des certificats de santé bucco-dentaire permettant la prise en charge des patients victimes de Dentexia tout en dégageant la responsabilité du nouveau praticien sont toujours disponibles sur son site internet. L’institution travaille également à la restitution aux patients de leur dossier médical (environ 1 000 demandes à traiter) et continue de recevoir des plaintes. Interrogé par l’Inspection générale des affaires sociales (IGAS) dans le cadre d’un second rapport sur les centres de santé bucco-dentaire, l’Ordre a demandé notamment à ce que la loi ne permette plus de déléguer, même partiellement, à une société commerciale la gestion de l’association qui a créé le centre. Il souhaite aussi que l’association ou la société de gestion soit elle-même inscrite à l’Ordre et non plus les seuls praticiens salariés.
Deux grands chantiers
L’accès aux soins. Objectif pour l’Ordre : améliorer l’accès aux soins pour les personnes en situation de handicap ou de précarité et les personnes âgées dépendantes résidant ou non en Établissement d’Hébergement pour Personnes Âgées Dépendantes (EHPAD). L’Ordre a réuni en avril les associations concernées et ses correspondants régionaux. Un recensement de toutes les initiatives existantes va permettre de proposer une cartographie très précise de l’accessibilité et des bonnes pratiques de chirurgiens-dentistes. Un rapport sur l’offre de soins bucco-dentaires sera remis aux pouvoirs publics courant novembre.
Le pôle patients. Le 2 juin, quinze associations (personnes âgées, diabétiques, VIH, pauvreté…) sont venues à l’Ordre pour faire part des besoins et des freins que peuvent rencontrer les patients dans l’accès aux soins bucco-dentaires.Il a été question de testing (possibilité offerte à l’Ordre par la loi de santé), de prévention et de formation.
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