Ce réseau de centres dentaires low-cost était en redressement judiciaire depuis le 24 novembre 2015. Il a défrayé la chronique ces dernières semaines. Deux centres, à Lyon (lire ID n°9) et Chalon-sur-Saône, ont été suspendus d’activité par les ARS dont ils dépendent pour raisons sanitaires. L’inspection « a établi que la sécurité des actes n’était pas garantie, en particulier par insuffisance des mesures d’hygiène et de désinfection », écrit l’ARS Bourgogne-Franche-Comté, le 1er mars. Dans le même temps, un « Collectif contre Dentexia », qui réunit désormais plus de mille patients lésés, dénonce la mauvaise qualité des soins dispensés, évoquant notamment « des malfaçons, des surtraitements ou des mutilations ».
Organisation mercantile
Le tribunal a rejeté le seul plan de reprise encore en lice, celui de la société Adental Holding, qui détient d’autres centres associatifs low-cost, sous la marque Dentego. « L’offre a été présentée à l’audience par des représentants motivés, pugnaces et faisant preuve d’un esprit d’entreprise indéniable, d’une qualité d’écoute certaine et d’une capacité financière apparemment conséquente puisque, lors des débats, ils ont proposé de doubler la trésorerie consacrée à ce projet », souligne le tribunal dans son jugement. « Toutefois, reprend-il, cette offre s’inspire singulièrement du modèle d’organisation mis en place par M. Steichen lors de la création de Dentexia (…) : augmenter l’acceptation des devis, améliorer la productivité, définir une politique tarifaire (notamment rentabiliser les CMU) et piloter l’activité avec tableaux de bord. Elle ne fait pas état de la qualité des soins susceptibles d’être réservés à des patients démunis, ni aux soins de premiers recours pouvant être prodigués au titre de la CMU. » Pour le tribunal, « les grands principes ayant gouverné la loi Bachelot [régissant l’activité des centres de santé, Ndlr] semble avoir été oubliés au profit d’une organisation mercantile ».
Une enquête de l’IGAS ?
C’est donc bien le modèle lui-même qui est ici remis en cause : l’adossement d’une association à but non lucratif à des sociétés commerciales qui permettent, via des prestations facturées (formations, conseils…), de faire remonter les fonds vers les investisseurs. Ainsi, note le tribunal, « malgré le développement du chiffre d’affaires de l’association entre 2012 et 2014, la situation financière s’était dégradée du fait des honoraires facturés par la Sarl Efficiences au titre de frais de défense ou de conseils ». Le passif déclaré de Dentexia dépasse la barre des 22 millions d’euros en quatre années d’exercice.
Avec cette liquidation, susceptible d’un appel, non suspensif, ce sont près de 70 salariés (pour 5 centres) qui vont se retrouver sur le carreau et aussi, donc, plus d’un millier de patients en cours de traitement qui, le plus souvent, ont déjà payé la totalité de leurs implants ou prothèses. Que vont-ils devenir ? Ils devront pour la plupart s’adresser à des praticiens libéraux. Dans quelles conditions les prendre en charge ? Ce sera tout l’enjeu des prochaines semaines. « Les confrères sollicités ne peuvent pas engager leur responsabilité professionnelle dans un tel contexte, sans une clarification de la situation », a prévenu le 8 mars l’URPS chirurgiens-dentistes Auvergne-Rhônes-Alpes qui souhaite faire le bilan de la situation avec l’ARS. Le Défenseur des droits, Jacques Toubon, saisi par le « Collectif contre Dentexia », a écrit à la ministre de la Santé le 23 février. Il demande à « l’autorité sanitaire » de « prendre en charge les patients concernés » en mettant en place « un guichet unique » pour les orienter et assurer une reprise de leurs soins. Le Défenseur des droits s’interroge par ailleurs sur « les procédures d’autorisation, d’installation, d’évaluation ou de contrôle de ces centres » qui n’apparaissent pas clairement définies. « Face à la multiplication de ces centres qui profitent indéniablement d’une certaine dérégulation », il propose à Marisol Touraine de diligenter une enquête de l’Inspection générale des affaires sociales (IGAS) pour « réaliser un état des lieux ». Au 15 mars, le ministère n’avait toujours pas réagi officiellement à la faillite de Dentexia et à ses conséquences sanitaires.
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