Commission scientifique et de la recherche
L’examen et la mise en état de la cavité orale systématique avant une radiothérapie cervico-faciale chez des patients atteints d’un cancer des voies aérodigestives supérieures font partie des dogmes enseignés dans la plupart des universités du monde. Il est reconnu que de tels patients présentent un état bucco-dentaire plus altéré qu’une population saine. Cet état de fait est corrélé bien sûr à l’addiction alcoolo-tabagique. Tous les praticiens sont sensibilisés au risque d’ostéoradionécrose et aux complications afférentes. Mais sur quelle base scientifique repose réellement ce dogme ? C’est exactement le but de cette revue systématique de la littérature qui analyse les bénéfices apportés (ou non) et prouvés par l’élimination préradique des foyers infectieux buccaux de façon à minimiser les effets indésirables d’une telle irradiation au niveau de la cavité buccale.
Cette revue systématique a été conduite en interrogeant la base de données Medline jusqu’en mai 2014 sur ce sujet. Sur les 1 770 articles identifiés, seules 20 études, dont 17 rétrospectives, remplissant tous les critères de sélection ont été retenues. Une très grande hétérogénéité concernant les groupes de patients étudiés ainsi que les techniques d’examen et de mise en état de la cavité buccale utilisées a été retrouvée. La définition même de foyers infectieux bucco-dentaires est différente entre certaines de ces études. Par exemple, 7 définitions différentes de la parodontite ont été retrouvées et donc des procédures de prise en charge, conservatrices ou plus radicales, pas toujours convergentes. La présence d’une fluorothérapie per ou postradique n’est pas toujours renseignée. L’incidence de l’ostéoradionécrose après avulsion dentaire postradique varie de 4 à 57 %. Les doses totales et les modes d’irradiation ne sont pas souvent définis et, lorsqu’ils le sont, pas toujours comparables. Les durées de suivi des patients sont aussi très différentes d’une étude à l’autre.
La plupart de ces études souffrent de graves manquements méthodologiques de telle sorte qu’aucune corrélation positive entre l’élimination préradiques des foyers infectieux buccaux et la survenue de séquelles endo-buccales postradiques, en particulier l’incidence de l’ostéoradionécrose, n’est statistiquement possible.
Cette conclusion peut paraître difficilement croyable. Mais il faut bien comprendre que l’absence de preuve dans un tel contexte méthodologique ne signifie pas l’absence d’efficacité des procédures d’élimination préradique des foyers infectieux buccaux. Il convient de le prouver par des études prospectives, avec des critères d’évaluation clairs et reproductibles concernant l’identification de ces foyers (et donc leurs définitions) et les moyens de les éradiquer. De plus, la caractérisation des patients inclus et des tumeurs ainsi que le traitement radiothérapique (dose d’irradiation, technique utilisée) devraient être systématiquement renseignés. Enfin, les séquelles orales postradiques devraient être systématiquement enregistrées. Du travail de recherche clinique en perspective !
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