Après avoir travaillé pendant 21 ans au CHRU de Lille en tant qu’aide-soignante, j’avais envie de renouveau. J’adore apprendre, découvrir. Depuis quelque temps, je surveillais les propositions de mutation internes, et un beau jour, je suis tombée sur une offre d’emploi pour un poste d’assistante dentaire en maison d’arrêt. Aucune hésitation, j’ai postulé de suite ! ».
Christelle conserve son statut d’aide-soignante, car la qualification d’assistante dentaire ne fait pas partie des métiers du domaine hospitalier. Mais les praticiens avec lesquels elle travaille ont tenu à ce qu’elle suive une formation, à l’AFPPCD (Association de Formation et de Perfectionnement pour le Personnel en Cabinet Dentaire) de Lille.
Une organisation particulière
Une maison d’arrêt est un monde à part, régi bien entendu par des règles très strictes. Avec une population de 700 détenus en moyenne les rendez-vous sont organisés de façon précise : on passe en revue chacun des secteurs pénitentiaires, selon un planning prédéterminé. Un bilan de dépistage bucco-dentaire est effectué pour chaque personne entrant dans l’établissement pénitentiaire. Un plan de traitement et une première date de rendez-vous sont proposés. Le patient peut refuser ce rendez-vous mais effectuer une demande ultérieurement. Les annulations de rendez-vous sont fréquentes. Les soins sont effectués comme dans un cabinet dentaire privé.
« Je n’ai jamais eu peur »
« Ce qui m’importait, lorsque j’ai posé ma candidature pour ce poste, c’était de goûter à un autre métier que le mien, et qui me semblait plus intéressant, plus valorisant. Le fait de l’exercer dans une maison d’arrêt ne m’a jamais fait peur. Bien sûr, la sécurité du personnel soignant est un enjeu important. Lors des consultations, les patients sont accompagnés par un surveillant, jusqu’à la porte de la salle de soins. Ensuite, en raison du secret médical, l’équipe est seule avec le patient. Nous ne cherchons pas à connaître les motifs d’incarcération. Pour garantir la sécurité, nous sommes tous équipes d’un boîtier-alarme que nous portons sur nous. Un autre bouton d’alarme est aussi présent dans la salle de soins. En cas de débordement, on appuie sur le bouton, et les surveillants viennent chercher le patient. Je n’ai jamais été agressée physiquement mais certains ont des propos déplacés, et c’est alors qu’on appelle les surveillants ». Les règles de décontamination et de stérilisation s’appliquent selon la réglementation hospitalière mais sont renforcées car cette population présente fréquemment des pathologies lourdes (VIH, VHC). Les qualités requises sont des facultés d’adaptation, une forte maîtrise de soi dans la gestion des conflits car les patients peuvent avoir des comportements imprévisibles.
La fibre enseignante
J’aime particulièrement l’aspect de participation à la prévention et à l’éducation thérapeutique du patient. Bien des détenus n’ont encore jamais eu accès aux soins dentaires. Il faut donc leur expliquer l’importance de l’hygiène dentaire, des soins. Beaucoup d’entre eux sont méfiants, ou peu motivés. Il faut les mettre en confiance, les écouter.
D’ailleurs, cette aptitude à la pédagogie a été repérée en dehors de l’unité de soins où je travaille ! Très motivée par l’apprentissage, j’ai toujours spontanément aidé mes camarades lors de la formation à l’AFPPCD. Ayant été très bien classée à l’examen (major de promotion) on m’a proposé de participer à l’enseignement. Désormais, j’anime des séances de formation sur la gestion des stocks et sur les prothèses, en lien avec un praticien responsable de cet enseignement.
Le bilan
Cela fait aujourd’hui 3 ans que je suis assistante dentaire diplômée, et je ne retournerais en arrière pour rien au monde. J’ai le sentiment d’être vraiment utile, d’avoir un rôle indispensable. Les journées se suivent et ne se ressemblent jamais. Je passe la plupart de mon temps de travail au fauteuil.
Sur le plan familial, le changement est aussi très bénéfique. Moi qui auparavant travaillais la nuit et changeais d’emploi du temps constamment, j’ai désormais des horaires standard, et je profite bien davantage de ma fille.
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