Entre obligations et opportunités, comment bien appréhender l’usage des réseaux sociaux ?

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  • Publié le . Paru dans L'Information Dentaire n°11 - 19 mars 2025 (page 36-39)
Information dentaire

Initialement créés pour un usage privé, les réseaux sociaux sont aujourd’hui de véritables outils de communication pour les entreprises, mais aussi, de plus en plus, pour les professionnels de santé. Cette évolution s’inscrit dans la société actuelle où la communication via les réseaux sociaux est devenue inévitable et participe à la transmission d’informations à destination du personnel médical, du patient ou entre praticiens. Ainsi, de nombreux professionnels de santé et hôpitaux se tournent vers le partage d’informations et la communication en ligne via les réseaux sociaux. Cependant, les pratiques non conformes et les dérives se sont développées parallèlement à cet essor.

Cet article se propose d’explorer les bonnes pratiques à adopter sur les réseaux sociaux, en mettant l’accent sur le cadre juridique, les directives à respecter, et en fournissant un exemple concret d’application.

Le cadre juridique et déontologique

Aujourd’hui en France, le nombre d’utilisateurs de médias sociaux représente 78,2 % de la population totale [1].

Avant la pandémie du Covid-19, 96 % des centres hospitalo-universitaires (CHU) étaient déjà présents sur Facebook, Twitter et LinkedIn [2] (fig. 1). Toutefois, les échanges et publications sur les réseaux ont explosé durant cette période. Les hôpitaux sont parvenus à tirer profit des réseaux sociaux avec succès, que ce soit pour soutenir leur personnel, pour recruter dans l’urgence des professionnels de santé pendant cette épidémie, ou encore assumer leur rôle de régulateurs d’informations [2].

En dehors de cette période exceptionnelle, l’intérêt des réseaux sociaux en termes de communication reste entier. Cependant, il est important de respecter un certain nombre de règles juridiques et déontologiques qui régissent notre profession, valables aussi bien dans le cadre libéral qu’hospitalier.

Ne pas faire de publicité

Depuis le 24 décembre 2020, en réponse à la saisie de la Cour de Justice de l’Union Européenne (CJUE), un décret modifiant le Code de déontologie des chirurgiens-dentistes a été publié au Journal officiel afin d’assouplir les règles de communications applicables aux professionnels de santé français (décret n°2020-1658). À partir de cette date, le gouvernement français s’est mis en conformité avec le droit européen ayant une autorité supérieure [3].

Bien que le chirurgien-dentiste soit désormais libre de communiquer sur internet depuis la publication de ce nouveau décret, l’interdiction d’effectuer une publicité pour un tiers, une société commerciale est bien maintenue par le ledit décret. « Il [le chirurgien-dentiste] ne vise pas à tirer profit de son intervention dans le cadre de son activité professionnelle ou à en faire bénéficier des organismes au sein desquels il exerce ou auxquels il prête son concours » [4].

Respect du secret médical

Le secret médical doit être respecté dans chaque publication scientifique. Cela s’applique également pour les publications sur les réseaux sociaux. Un professionnel de santé voulant effectuer la publication d’un cas clinique sur un réseau social a l’obligation de rendre impossible l’identification des patients, afin de ne pas trahir le secret médical [5]. Par exemple, un professionnel de santé ne peut pas faire apparaître un patient sur un réseau social sans le flouter ou cacher ses yeux, même si le patient lui en donne l’autorisation.

Respect de la confraternité

Tout comme au travers d’un dialogue avec un patient, sur un réseau social, un professionnel de santé doit également veiller à la bienveillance envers ses confrères. Chaque professionnel de santé doit se garder de toute parole dénigrante envers un autre praticien : « Il est interdit de calomnier un confrère, de médire de lui (…) dans l’exercice de sa profession » [6]. Ainsi, dans sa communication sur Internet ou sur les réseaux sociaux, chaque professionnel doit veiller au respect strict du devoir de confraternité. À titre d’exemple, un chirurgien-dentiste a interdiction de mentionner sur ses réseaux sociaux que ses prothèses sont en moyenne moins chères que celles de ses confrères, dans l’objectif d’attirer des patients.

Respect du droit à l’image

Dès l’instant où une personne est photographiée pour apparaître sur un réseau social (patient, confrère, personnel paramédical par exemple), il est obligatoire de recueillir au préalable son consentement libre et éclairé, son image faisant partie de sa vie privée. Pour rappel, dans le cas précis du patient, la loi oblige qu’il ne soit jamais identifiable [7].

Faire preuve de prudence

Lorsqu’un professionnel de santé participe à une action d’information au public sur les réseaux sociaux, il ne doit faire état que de données confirmées par la science. Ainsi, il est interdit pour le professionnel de santé de communiquer des informations mensongères sur le parcours professionnel du praticien ou encore de vanter les mérites de pratiques non confirmées [4].

Recommandations pour l’établissement d’un compte social

Définir un public cible

La première étape dans le processus de création d’un compte professionnel ou d’une page sur un réseau social est de définir le public cible du compte que l’on souhaite créer. Le public cible renvoie aux caractéristiques principales de l’auditoire que le compte social cherche à fidéliser. Il varie en fonction de différents indices comme l’âge, le sexe, le degré de scolarité, le métier, la situation géographique ou encore les centres d’intérêt par exemple.

Création d’une charte éditoriale

Lorsque l’on souhaite créer un compte professionnel sur un réseau social, la deuxième étape primordiale est de créer une charte éditoriale. Cette dernière peut être définie comme un ensemble de règles rédactionnelles utiles à tous les contenus, qu’ils soient imprimés ou digitaux. À l’origine, la charte éditoriale était réservée à la presse traditionnelle, aujourd’hui elle s’étend aux sites internet, aux newsletters, aux sites web ou encore aux réseaux sociaux.

Les objectifs d’une charte éditoriale sont multiples. D’abord, l’élaboration de règles de rédaction au sein d’un réseau social favorise la production d’un contenu de qualité, et permet ainsi de gagner en crédibilité dans ses publications. Ceci est particulièrement le cas si plusieurs rédacteurs travaillent sur le même support. En effet, il devient essentiel qu’ils communiquent de manière similaire.

L’établissement de règles de rédaction permet de surcroît une personnalisation dans la prise de parole, cela renforce l’identité du compte [8].

La ligne éditoriale

Il s’agit de choisir les sujets sur lesquels l’auteur souhaite s’exprimer ou, au contraire, qu’il souhaite éviter, mais aussi de déterminer les objectifs des thématiques abordées : elles peuvent être instructives ou divertissantes par exemple. On parle de fil rouge thématique [8].

Le SEO

Le SEO, ou « Search Engine Optimization », est l’ensemble des stratégies mises en œuvre pour augmenter sa visibilité sur Internet. Lorsque l’on parle des réseaux sociaux, le SEO peut passer par exemple par l’utilisation de hashtags déterminants pour augmenter la visibilité sur le net, le choix d’un nom de compte adapté, l’optimisation de la biographie du compte avec l’ajout d’un mot-clé principal en biographie par exemple [9].

Définition d’une charte graphique

Enfin, il est nécessaire de déterminer la charte graphique du compte, qui corres­pond à son l’identité visuelle. Elle concourt à assurer une cohérence sur les diffé­rentes plateformes de communication et surtout permet de marquer les esprits en instaurant une reconnaissance visuelle instan­tanée : choix de la typographie, des couleurs et de la gestion des images [10].

Retour d’expérience

C’est dans le respect du cadre juridique et déontologique, des règles institutionnelles et d’une charte éditoriale qu’un premier compte « officiel » à l’échelle d’un service de l’AP-HP a été développé. Cela a impliqué la validation de chaque étape de la création du compte.

Le premier objectif du compte que nous avons développé était de présenter les équipes soignantes et leur renouvellement (fig. 2). Dans le but de familiariser les correspondants du service hospitalier avec les équipes de praticiens qui prendront en charge leurs patients, des publications ont été réalisées pour présenter les nouveaux chefs de clinique des universités intégrant notre unité de soins. De même, les actualités du service, que ce soit la participation des praticiens hospitaliers à des congrès, l’attribution de prix ou encore les publications du service font l’objet de publications. Pour cela, l’ensemble du personnel du service a signé un consentement de droit à l’image. Le compte s’est révélé être le bon outil pour humaniser le service au travers de ses publications.

En ce qui concerne la charte graphique, elle a été développée en respectant celle du groupe hospitalier auquel le service est rattaché. Cela concerne la police de caractères, les couleurs ou encore le format des publications (fig. 3 et 4).

À partir de la mise en œuvre de ce compte, nous proposons deux infographies à destination des praticiens ou services qui souhaiteraient créer leur compte sur une plateforme sociale. La première permet synthétiquement de rappeler les règles déontologiques à respecter lors de la création d’un compte (fig. 5). La seconde récapitule les étapes clés pour la constitution d’un compte lié à un service (fig. 6). Ces étapes sont évidemment applicables à un cabinet libéral.

Conclusion

Dans un monde de plus en plus connecté, les réseaux sociaux ont pris une place très importante dans le quotidien de millions de personnes en France et dans le monde. Ces plateformes sont devenues de véritables espaces de partage d’informations, d’échanges et d’interactions dont se sont également emparés les professionnels de santé ainsi que les établissements hospitaliers. Cependant, l’utilisation de ces plateformes nécessite des considérations déontologiques et juridiques, dans la mesure où l’ouverture d’un compte professionnel sur les réseaux sociaux engage la responsabilité civile, pénale et disciplinaire des responsables du compte en question. Le cadre déontologique et légal n’étant pas figé dans le temps, il est impératif de se tenir informé de la législation et de prendre en compte de l’évolution des textes afin de rester en conformité avec les normes en vigueur.

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