Ainsi que le prévoit l’article R.4127-229 du Code de la santé publique (ancien article 25 du Code de déontologie), « l’exercice de l’art dentaire comporte normalement l’établissement par le chirurgien-dentiste, conformément aux constatations qu’il est en mesure de faire dans l’exercice de son art, des certificats, attestations ou documents dont la production est prescrite par la réglementation en vigueur. Tout certificat, attestation ou document délivré par le chirurgien-dentiste doit comporter sa signature manuscrite ».
La rédaction d’un certificat est donc l’une des activités habituelles du chirurgien-dentiste, mais ce n’est pas pour autant une activité facile.
Un certificat a valeur de preuve médico- légale. Sa rédaction engage la responsabilité du praticien qui sous-estime souvent les risques qu’implique un certificat non conforme aux principes établis : selon les statistiques de l’Ordre des médecins, plus de 20 % des plaintes enregistrées auprès des chambres disciplinaires de première instance mettent en cause des certificats médicaux. Il est donc utile de se poser quelques questions avant de le rédiger : Pourquoi un certificat ? Dans quel but ? Suis-je obligé de le rédiger ? Est-ce bien mon rôle ?
Il faut être capable d’expliquer au patient les motifs qui justifient un refus de délivrance du certificat qu’il réclame.
Il ne faut certifier que les faits médicaux personnellement constatés à travers un examen clinique minutieux, ce que l’article R.4127-229 cité plus haut appelle « les constatations qu’il (le praticien) est en mesure de faire dans l’exercice de son art ». Le certificat ne doit en aucun cas relater les circonstances des soins antérieurs, de l’accident ou de l’événement ayant provoqué l’état médical constaté puisque le rédacteur du certificat n’en a pas été témoin.
La rédaction est délicate, car le chirurgien-dentiste doit y exprimer la vérité, tout en ménageant si nécessaire la sensibilité du patient et en prenant garde de respecter la confraternité (s’il succède à l’un de ses confrères, le praticien doit se borner à des constatations sur l’état bucco-dentaire du patient et proscrire toute appréciation négative sur son prédécesseur conformément à l’article R.4127-261 selon lequel « les chirurgiens-dentistes se doivent toujours une assistance morale. Il est interdit de calomnier un confrère, de médire de lui, ou de se faire l’écho de propos capables de lui nuire dans l’exercice de sa profession) ».
À titre d’exemple, la plainte contre un praticien qui avait rédigé un certificat qui se limitait à décrire l’état bucco-dentaire du patient a été rejetée car ce certificat « ne critiquait pas dans des termes non conformes à la déontologie professionnelle les soins prodigués par le Docteur G. ; que le fait qu’il ait été rédigé par le Docteur P. à partir des constatations auxquelles il avait lui-même procédé et sans qu’il ait disposé des éléments d’information que possédait le Docteur G. ne constituait pas une faute » (Chambre disciplinaire nationale n° 1675 E du 2 juillet 2009).
Seul un certificat médicalement nécessaire au patient doit être délivré et jamais un certificat de complaisance : encore une fois, ce certificat ne doit contenir que des éléments médicaux : il ne faut pas rédiger de certificat concernant le comportement du patient ou celui de l’un des parents du patient mineur afin de ne pas violer le secret professionnel ou se faire instrumentaliser dans une procédure de divorce et être accusé de s’immiscer dans un tel conflit.
Ainsi, un praticien a été sanctionné d’un avertissement pour avoir établi sans nécessité médicale un certificat remis à la mère d’un jeune patient sur la demande de celle-ci, qui l’avait ensuite utilisé contre le père dans une procédure judiciaire à propos de la garde de l’enfant :
« Considérant que le Docteur B. a établi le 23 mai 2012 sur un papier à en-tête professionnel à la demande de Madame E., mère d’un jeune enfant, Pablo D., le certificat suivant : « Je certifie, A.B., chirurgien-dentiste, suivre l’enfant Pablo D. depuis le 19 mars 2010. À cette époque, suite à un choc, il présentait une infection dentaire sur une incisive de lait maxillaire (la 51). Son papa avait alors refusé le traitement antibiotique (traitement donné sur les bases acquises de la médecine) pour lui préférer un traitement plus « naturel » (??). Certificat remis en main propre à la maman de Pablo, à sa demande, pour faire valoir ce que de droit » ;
Considérant que ce certificat, établi deux ans après les faits dont il faisait état et alors, d’ailleurs, que le traitement antibiotique en cause avait été à l’époque en définitive administré à l’enfant, ne répondait, lors de sa délivrance, à aucune nécessité médicale et a été, en réalité, demandé par Madame E., ce que le Docteur B. ne pouvait ignorer, dans le cadre d’un conflit opposant les deux parents séparés en ce qui concerne la garde du jeune enfant, afin d’être transmis au juge des affaires familiales ; qu’il n’appartenait pas au Docteur B. d’utiliser ses fonctions médicales pour intervenir dans un tel conflit ; que, ce faisant, l’intéressé a commis une faute déontologique que les premiers juges ont, à juste titre, sanctionnée » (Chambre disciplinaire nationale n° 2187 du 25 août 2014).
Si donc, la rédaction de ce certificat est bien causée par une nécessité médicale, Il faut encore savoir prendre son temps lors de la rédaction : trop d’erreurs et d’imprécisions surviennent parce que le praticien, pressé par le temps, ne s’est pas relu ou a rédigé un certificat imprécis.
Le certificat devra être remis au patient lui-même et il y sera précisé que ledit certificat a été établi à sa demande. Il ne peut pas être remis à une autre personne que le patient hormis dans certains cas particuliers : lorsque le patient est un mineur (enfant) ou un majeur incapable (majeur sous tutelle) ou encore à l’autorité judiciaire lorsqu’il y a réquisition.
Une copie du certificat doit bien entendu être conservée par le praticien. Enfin, il ne faut jamais faire de certificat sans signature afin d’éviter toute falsification.
Tout certificat demandé par un tiers : avocat, notaire, membre de la famille, héritier, compagnie d’assurances, doit être refusé car il pourrait constituer une violation du secret professionnel (rappel : la violation du secret professionnel est à la fois une infraction déontologique et une infraction pénale).
Un médecin a été récemment sanctionné d’une interdiction d’exercer d’un mois avec sursis pour violation du secret professionnel car, en tant que médecin traitant d’une personne âgée, il avait rédigé un certificat remis à l’une des filles de l’intéressée (puis un second certificat remis à un autre enfant de l’intéressée) dans lequel il déclarait que l’état de santé de cette personne atteinte de troubles mnésiques et cognitifs pouvait justifier une mesure de protection juridique. Selon la Chambre disciplinaire nationale de l’Ordre des médecins : « Si le praticien était en droit de rédiger des certificats susceptibles d’être remis au juge des tutelles afin que soit examinée l’éventualité d’une mesure de protection juridique de sa patiente et de les remettre à des membres de la famille de l’intéressée, il ne pouvait, sans méconnaître le secret médical, décrire les troubles dont il estimait cette patiente atteinte. Au surplus, ne pouvant ignorer le conflit existant entre ses enfants quant aux décisions à prendre pour son avenir, a manqué de prudence et s’est immiscé indûment dans des affaires de famille en remettant le premier certificat à une des filles, le second à certains de ses enfants à l’insu de l’un d’entre eux » (Chambre disciplinaire nationale des médecins n° 12291 du 11 janvier 2016).
Éventuellement, sous couvert « du secret partagé » (c’est-à-dire du secret qui peut être partagé avec un autre chirurgien-dentiste ou un médecin dont l’intervention est utile au patient), un certificat peut être rédigé à l’attention d’un confrère, mais requiert l’accord du patient. Ce « secret partagé » a été défini par la loi du 4 mars 2002 (article L 1110-4, 3e alinéa) : « Deux ou plusieurs professionnels de santé peuvent toutefois, sauf opposition de la personne dûment avertie, échanger des informations relatives à une même personne prise en charge afin d’assurer la continuité des soins ou de déterminer la meilleure prise en charge possible. »
Exceptionnellement, un certificat pourrait être remis aux héritiers d’un patient défunt lorsqu’il constitue le seul moyen de rapporter une preuve exigée ou permise par la loi (par exemple, une veuve qui en a besoin pour prouver la nature de l’affection dont est décédé son mari).
La loi du 4 mars 2002 a consacré cette pratique par l’article L.1110-4 alinéa 5 selon lequel « le secret médical ne fait pas obstacle à ce que les informations concernant une personne décédée soient délivrées à ses ayants droit dans la mesure où elles sont nécessaires pour leur permettre (…) de faire valoir leurs droits, sauf volonté contraire exprimée par la personne avant son décès ».
Quoi qu’il en soit, en cas de doute, Il est opportun de contacter son Conseil départemental de l’Ordre pour obtenir un conseil approprié.
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