La diversification de l’offre, l’évolution des performances des scanners intra-oraux, mais aussi la généralisation des matériaux prothétiques mis en forme à partir de fichiers numériques (usinage de la zircone et des résines haute performance, microfusion laser sélective des infrastructures en Co-Cr…) placent l’empreinte optique comme une sérieuse alternative à l’empreinte surfacique conventionnelle.
Parmi les facteurs de succès prothétique, la qualité d’ajustage d’une restauration corono-périphérique se situe en toute première ligne, car d’elle dépend, entre autres critères d’intégration, la rétention de la prothèse, la prévention des caries secondaires et la santé parodontale. Il est donc logique que cet élément retienne l’attention des auteurs de la revue systématique rapportée ici pour comparer la précision des empreintes optiques et conventionnelles par la force d’une méta-analyse considérée comme le plus haut degré de preuve scientifique.
À l’issue de leur recherche bibliographique et de leur méthode de sélection, les données de 17 articles sur 222 identifiés et publiés jusqu’à fin 2018 ont été utilisées pour l’analyse quantitative de comparaison portant sur 4 types de scanners intra-oraux (Lava, Cerec, iTero et Trios), et la mesure du hiatus marginal moyen des restaurations. Parmi les études concernées, 11 sont des études in vitro et 8 des études cliniques pour un total de 1 068 « échantillons » ou participants. Une évaluation du risque de biais basée sur 11 critères méthodologiques a été appliquée pour toutes les études incluses, plus 2 paramètres supplémentaires pour les études in vivo.
À la question de savoir s’il existait une différence de précision d’adaptation marginale entre une restauration corono-périphérique en zircone réalisée à partir d’une empreinte optique et conventionnelle, les auteurs répondent positivement, car leur méta-analyse démontre la supériorité des scanners intra-oraux sur la méthode conventionnelle concernant ce paramètre. Leur hypothèse « nulle » d’une absence de différence entre ces deux méthodes est ainsi rejetée.
Dans leur discussion, les auteurs expliquent qu’avec l’empreinte optique, le fichier numérique obtenu est directement employé pour la mise en œuvre de la pièce prothétique lors de la fabrication assistée par ordinateur (FAO), alors que la série d’étapes qui s’enchaînent après la prise d’une empreinte surfacique, incluant la coulée et la préparation du modèle avec un matériau supplémentaire (plâtre), est susceptible d’induire des erreurs cumulées aboutissant à de plus grands défauts d’adaptation in fine. De plus, les auteurs rapportent une plus grande précision des scanners intra-oraux par rapport à ceux de laboratoire, qu’ils attribuent à leur technologie spécifique. Parmi les limites de l’empreinte optique, les auteurs concèdent des distorsions liées à une réflexion excessive des surfaces brillantes des restaurations métalliques ou recouvertes de salive. En outre, l’accès visuel direct par la caméra à toutes les zones à enregistrer est indispensable à l’acquisition, ce qui peut poser des problèmes de précision dans les régions rétro-molaires ou pour les limites intra-sulculaires. Des bruits de surface générés par les filtres du logiciel peuvent aussi produire un arrondissement des angles et des arêtes ou, au contraire, créer des « pointes virtuelles » à proximité des bords aigus. Les finitions des préparations doivent donc être particulièrement soignées.
Les auteurs soulignent que les empreintes numériques comme conventionnelles donnent des résultats satisfaisants et que le choix d’une méthode doit aussi considérer d’autres facteurs
Au final, les auteurs soulignent que les empreintes numériques comme conventionnelles donnent des résultats satisfaisants et que le choix d’une méthode doit aussi considérer d’autres facteurs tels que la disponibilité du matériel et le rapport bénéfice/investissement. En s’appuyant sur les résultats de leur méta-analyse, ils concluent tout de même que pour des restaurations corono-périphériques unitaires, les empreintes optiques aboutissent à un ajustage marginal plus précis des restaurations, mais que cette conclusion ne peut être extrapolée pour les restaurations plurales de plus longue portée.
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Après une évolution plutôt lente mais régulière les premières années, où le système Cerec dominait un marché totalement verrouillé et limité à une chaîne complète de CFAO au cabinet, imposant une organisation totalement adaptée de l’exercice à ce système, avec des possibilités limitées, l’offre des scanners intra-oraux a connu ces dernières années une évolution explosive par le nombre de produits disponibles, la diversification de ses applications et, surtout, ses modes d’utilisation.
L’intégration des acquisitions numériques dans des chaînes technologiques de CFAO semi-directe, favorisée par le développement parallèle des procédés de fabrication assistée par ordinateur aux laboratoires de prothèse, en particulier l’avènement de la zircone et des infrastructures métalliques Co-Cr imprimées, a aussi contribué à l’élargissement de leur domaine d’utilisation et d’application. Il ne fait plus aucun doute que cette révolution technologique numérique ne s’arrêtera pas et que les scanners intra-oraux s’imposeront progressivement comme un outil quasi indispensable dans la majorité des cabinets dentaires.
Pour ce faire, ils doivent encore surmonter certains obstacles, et pas des moindres. D’ordre économique tout d’abord, car les caméras les plus performantes restent excessivement chères et l’évolution rapide des innovations dans un domaine très technologique leur confère une obsolescence rapide. D’ordre technique ensuite, car la caméra n’enregistre que ce qui est visuellement accessible, alors que les empreintes surfaciques, lorsque leur technique est bien maîtrisée et les matériaux d’enregistrement bien choisis, agissent physiquement pour repousser les tissus labiles environnant la ligne de finition prothétique et permettre son enregistrement, y compris dans des situations difficiles d’accès.
Dans l’analyse rapportée, 11 études incluses portaient sur les préparations sur « modèles pédagogiques », plus faciles à enregistrer avec une caméra. Ainsi, l’empreinte conventionnelle répond encore à davantage de situations cliniques que l’empreinte optique. Mais les empreintes optiques offrent des avantages pratiques considérables comme la possibilité de ne réenregistrer, et à n’importe quel moment, qu’une partie d’une empreinte qui présente un défaut ponctuel quand une erreur équivalente impose la reprise complète d’une empreinte conventionnelle. De plus, d’autres évolutions devraient permettre de lever progressivement ces obstacles. L’amélioration des modèles économiques de type location de longue durée comme ceux qui se sont développés dans l’automobile pourrait permettre de bénéficier, contre un loyer fiscalement déductible et abordable, d’une mise à niveau régulière des produits et des systèmes les plus récents. Le développement des procédés de CFAO dans les laboratoires de prothèse rendra aussi plus accessible le traitement et l’utilisation de ces acquisitions sans bouleverser l’organisation de l’activité au cabinet.
Les laboratoires pourront ainsi modéliser et usiner des infrastructures à repositionner sur des modèles imprimés à moindre coût à partir du même fichier numérique fourni par le praticien dans une chaîne de production inversée où le modèle produit après l’infrastructure lui servira de support pour la réalisation d’un travail qui reste personnalisé par la mise en œuvre de la céramique cosmétique, tandis que des restaurations « mono-matériau » pourront aussi être produites sans modèle support avec une économie de temps, de matière et une moindre production de déchets. D’autres techniques cliniques seront développées ou remises au goût du jour (éviction gingivale chirurgicale à l’aide du laser par exemple) pour la mise en évidence des lignes de finition accessibles à la caméra. Mais c’est aussi toute l’évolution des solutions thérapeutiques mises en œuvre avec davantage de restaurations partielles collées indirectes (RPCI ou onlays/overlays) aux limites plus supra-gingivales que la plupart des restaurations corono-périphériques, dans une logique évidente d’économie tissulaire, qui est aussi en train de se rapprocher du domaine d’indication privilégié des scanners intra-oraux.
Cette triple évolution des technologies, des techniques cliniques et des pratiques thérapeutiques faisant la part belle aux restaurations partielles collées indirectes associées à une meilleure accessibilité économique des systèmes devrait permettre aux scanners intra-oraux de s’imposer assez vite comme le moyen d’empreinte privilégié des chirurgiens-dentistes.
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