Loi Travail, quelles conséquences pour les PME ?
La loi du 8 août 2016 relative au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels a procédé à la réécriture du Code du travail avec, pour chaque thème, une nouvelle architecture en trois niveaux :
– l’ordre public : les dispositions auxquelles on ne peut pas déroger et qui ne sont pas négociables ;
– la négociation collective : les dispositions mises en place par le biais d’accord d’entreprise ou de branche ;
– les dispositions supplétives : les dispositions applicables en l’absence d’accord d’entreprise ou de branche.
Dans un premier temps, seule la durée du travail, les repos et les congés sont visés par cette nouvelle architecture, mais à terme, la refonte de toute la partie législative du Code du travail est prévue.
La loi comporte de très nombreuses dispositions pratiques pour les entreprises. Nous évoquerons celles pouvant s’appliquer aux cabinets dentaires.
Durée du travail
Pour la plupart des dispositions relatives à la durée du travail, il sera possible de déroger à la loi par accord collectif. Par ailleurs, l’accord d’entreprise primera dorénavant sur l’accord de branche, alors que précédemment, c’était généralement l’inverse.
L’accord d’entreprise prévaudra sur l’accord de branche, même s’il lui est moins favorable. Une entreprise pourra donc négocier son propre accord. Par exemple, en fixant un taux de majoration des heures supplémentaires de 10 %, même si sa convention collective prévoit un taux supérieur. Il faut cependant qu’elle dispose d’interlocuteurs avec lesquels négocier. Dans les entreprises sans délégué syndical, les possibilités de négociation avec des élus du personnel ou des salariés mandatés ont été renforcées.
Création du compte personnel d’activité (CPA)
Le CPA regroupe le compte personnel de formation, le compte personnel de prévention de la pénibilité (C3P) et un nouveau compte : le compte engagement citoyen.
Il est ouvert à toute personne d’au moins 16 ans qui occupe un emploi ou est à la recherche d’un emploi.
Le compte personnel de formation continue d’être alimenté de 24 heures par année de travail jusqu’à 120 heures, puis 12 heures par an jusqu’à 150 heures pour le salarié à temps plein (le nombre d’heures étant proratisé pour les salariés à temps partiel). La loi Travail ajoute de nouveaux modes de financement :
– 48 heures par année de travail jusqu’à 400 heures pour le salarié qui n’a pas atteint un certain niveau de qualification ;
– possibilité de porter par accord collectif ou décision unilatérale de l’employeur le crédit d’heures du salarié à temps partiel au même niveau que celui applicable à un temps plein ;
– possibilité de majorer par accord collectif ou décision unilatérale de l’employeur le crédit d’heures du salarié saisonnier.
Pour les travailleurs indépendants, le CPA est alimenté d’un nombre d’heures de formation dans les mêmes conditions que pour les salariés.
Les titulaires du CPA sont informés des droits inscrits sur leur compte et ils peuvent les utiliser via un service en ligne géré par la Caisse des dépôts et consignations.
Depuis le 1er janvier 2017, six nouveaux facteurs de risques ont été ajoutés au C3P, portant ainsi leur nombre total à dix. En l’absence de référentiel de branche, il appartient au chef d’entreprise d’évaluer l’exposition des salariés. Le compte doit être alimenté annuellement, la première déclaration étant intervenue le 31 janvier 2017 pour les employeurs concernés.
Le compte d’engagement citoyen est destiné à permettre au titulaire du compte personnel d’activité, s’il le souhaite, d’y recenser ses activités bénévoles ou de volontariat pour acquérir des heures inscrites sur son compte de formation ou de bénéficier de jours de congé pour exercer de telles activités.
Santé au travail
La loi Travail a profondément réformé les règles de surveillance médicale des salariés. Elle s’est largement inspirée du rapport « Aptitude et médecine du travail » qui relevait la surcharge des services de santé au travail inhérente à la pénurie de médecins.
Depuis le 1er janvier 2017, la fréquence et la nature des visites pratiquées par le médecin du travail sont allégées, le changement de terminologie est à ce titre révélateur, la visite médicale d’embauche étant remplacée par une visite d’information et de prévention. La loi assouplit également les conditions de licenciement pour inaptitude.
Pour les salariés relevant d’une surveillance médicale simple, les nouvelles dispositions peuvent être résumées dans le tableau suivant.
Bulletin de paie électronique
Depuis le 1er janvier 2017, l’employeur peut procéder à la remise du bulletin de paie sous forme électronique, sauf opposition du salarié, dans des conditions à garantir l’intégrité des données. La remise est effectuée sous la forme d’un hébergement des données par les services en ligne associés au compte personnel d’activité.
Autres mesures
Sans être exhaustif, on peut citer des changements de réglementation susceptibles de concerner les cabinets. La protection des jeunes parents est renforcée en interdisant tout licenciement sur les dix semaines suivant un congé maternité contre quatre auparavant ou sur dix semainesaprès une naissance pour les pères.
Le nombre de jours d’absence accordés pour certains événements familiaux est modifié (trois jours par exemple pour le décès d’un conjoint contre deux auparavant) et de nouveaux congés sont créés pour le décès du concubin par exemple.
La Déclaration Sociale Nominative (DSN)
La DSN concerne tous les employeurs de personnel salarié. En sont exclus les entreprises utilisant les services de simplification comme le titre emploi-service entreprise ou le chèque emploi associatif.
Son déploiement auprès des grandes entreprises avait démarré en avril 2015. Il a été étendu à toutes les entreprises depuis le 1er janvier 2017.
Annoncée comme une simplification, elle nécessite une adaptation du système d’information pour collecter, traiter et restituer la plupart des données sociales dans des délais très courts. Elle devrait notamment permettre de :
– simplifier les formalités déclaratives des entreprises dans le domaine social et fiscal ;
– faciliter le contrôle des informations entre les montants déclarés pour l’ouverture des droits des salariés et les cotisations sociales versées par les entreprises ;
– détecter les erreurs déclaratives, prévenir les fraudes aux prestations et aux cotisations ;
– produire des statistiques sur l’évolution de l’emploi et des salaires ;
– améliorer le recouvrement des cotisations et contributions sociales auprès des employeurs ;
– vérifier le respect des dispositions sociales, notamment en matière de lutte contre le travail illégal.
La DSN doit être effectuée le mois suivant la période de travail au titre de laquelle les rémunérations sont dues. Pour les entreprises de moins de 50 salariés, la date limite est fixée au 15 du mois suivant. La déclaration doit être accompagnée du paiement des cotisations. Toutefois, les entreprises de moins de 11 salariés peuvent opter pour le versement trimestriel des cotisations. Les cotisations dues au titre du trimestre civil sont versées dans les 15 premiers jours du trimestre civil suivant, mais la déclaration sociale nominative doit toujours être adressée le 15 de chaque mois.
Les sanctions pour absence de souscription de la déclaration sont renforcées. L’assiette des cotisations est majorée au minimum de 25 % et les cotisations définitives supportent une pénalité de 8 %.
La volonté de réduire le poids des règles législatives en matière sociale et de favoriser les accords de branche ou d’entreprise est confirmée par la loi Travail. Cette inversion de la hiérarchie des normes, même si certains considèrent qu’elle ne révolutionne pas le droit du travail, introduit un changement important en permettant la signature d’accords collectifs d’entreprises, avec des dispositions moins favorables que celles du Code du travail ou de la convention collective… S’agit-il des prémisses d’une nouvelle organisation du travail, avec d’une part un accroissement de la flexibilité dans les relations salariés-employeurs, et, d’autre part, un contrôle permanent des données sociales à partir de la DSN ?
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