La perte de serrage de la vis constitue l’une des principales complications en prothèse sur implants. En prothèse scellée sur pilier implantaire, ce phénomène se traduit par la mobilité du pilier et impose souvent de percer la face occlusale de la couronne pour accéder au puits de vis et dévisser totalement l’ensemble pilier/restauration. En prothèse fixée plurale, la complication est encore plus difficile à gérer si un seul pilier est dévissé. Comment prévenir la perte de serrage des vis prothétiques ?
Butkevica et son équipe ont étudié l’évolution du couple nécessaire pour desserrer une vis au cours de cycles de serrages et dévissages successifs. Ils ont ainsi étudié 12 couples implants/piliers avec différents types de connexions sélectionnés parmi les principaux systèmes. Pour chaque couple, la vis est serrée au couple recommandé par le fabricant, puis dévissée 20 minutes plus tard. Le couple nécessaire au dévissage est mesuré à l’aide d’un couple-mètre et cette opération de serrage/dévissage est répétée à dix reprises. Ils constatent qu’il existe pour tous les tests une différence entre le couple de serrage initial et la force nécessaire pour le premier dévissage, généralement plus faible. Des différences significatives de couple ont été observées entre le premier et le dixième cycle, mais avec des évolutions différentes selon les groupes. Ainsi, dans les conditions de cette étude, 6 des 12 systèmes ont conservé, voire augmenté le couple de desserrage par application répétée du couple initial, ce qui impliquerait que la vis pourrait être resserrée en toute sécurité sans compromettre la précharge. Pour les six autres systèmes, le reserrage de la vis doit être évité.
Cette étude révèle en fait que dans des conditions expérimentales qui ne reproduisent pas toutes les contraintes cliniques que subissent la connexion et la vis, la force nécessaire au dévissage varie toujours et qu’il est difficile de pouvoir anticiper la fiabilité du serrage pour une vis réutilisée. Les contraintes mécaniques appliquées sur tout le système prothétique dans la durée et la présence éventuelle de fluides biologiques lors de l’assemblage peuvent aussi grandement modifier ces paramètres. Par ailleurs, pour les connexions externes, le pilier et la vis reçoivent beaucoup plus de contraintes transversales favorisant le dévissage qu’au sein des connexions internes.
État d’une vis ayant subi 20 serrages/dévissages.
3 questions à…
Pascale Corne
Maître de conférences associée à la Faculté d’Odontologie de Lorraine et chercheuse à l’Institut Jean Lamour (UMR 7198 CNRS), équipe 401
L’étude des connexions implantaires est votre thématique de recherche, comment expliquer le mécanisme de serrage de la connexion implant/pilier ?
Le mécanisme de serrage dans une connexion implantaire peut s’assimiler à un ressort rigide où la vis assure une mise en compression de l’implant et son pilier, tout en exerçant une tension sur le corps de la vis.
Quelles modifications ou altérations des vis utilisées ou serrées plusieurs fois avez-vous vous-même observées ?
On observe, au microscope électronique à balayage, une usure du filetage de la vis sur les premières spires qui peut expliquer en partie la perte de précharge (ou précontrainte) après serrage. Ce phénomène s’explique par les contraintes de frottement qui s’exercent lors du serrage à ce niveau, responsable d’usure par plasticité des matériaux.
Quel protocole clinique recommandez-vous pour obtenir les conditions de serrage les plus fiables ou les plus constantes ?
La première règle à observer est le respect du couple de serrage donné par le fabricant afin d’obtenir une précharge optimale. Pour satisfaire ce premier critère, il convient de contrôler régulièrement son dispositif de serrage.
Deuxièmement, lors du serrage, on observe, quelques minutes après le serrage, une diminution de la précharge. Cela s’explique par la plasticité des matériaux en présence qui ont tendance à se relaxer sous la contrainte. Il est ainsi recommandé de réaliser un deuxième serrage après 10 minutes.
Enfin, il est conseillé d’utiliser des vis prothétiques de laboratoire lors des étapes d’essayage et d’utiliser une vis neuve lors du vissage « d’usage » ou d’un revissage.
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