Après la fermeture de nos cabinets pendant deux mois, de mars à mai 2019, plusieurs confinements successifs, couvre-feux et restrictions en tous genres, nous espérions qu’avec la disponibilité de la vaccination pour tous, nous retrouverions enfin « les jours heureux » que l’on nous avait promis à partir de l’été 2021. À présent, « l’hiver arrive » et nous voici submergés par une cinquième vague de contamination qui fait renaître les pires craintes à l’approche des fêtes de fin d’année. Depuis le début de cette crise, nous avons adapté nos équipements professionnels individuels (EPI), l’organisation de notre activité et les conditions d’accueil des patients pour limiter les risques de contamination. Puisque la vaccination de masse n’est pas la panacée contre la circulation de ce coronavirus, qu’il n’existe pas de traitement efficace contre ses effets, les mesures de contrôle et de prévention des risques constituent toujours l’un des meilleurs leviers contre sa circulation au cabinet dentaire. Parmi celles-ci, le contrôle de la qualité de l’air est assez facile à considérer grâce à la mesure de la concentration de CO2 dans la salle de soin. C’est précisément ce que nous proposent les auteurs de cette étude qui expliquent en introduction de leur article que le CO2 est un très bon indicateur du niveau de ventilation d’un environnement intérieur, mais aussi un excellent marqueur de risque de transmission des virus aéroportés, dont les coronavirus. En effet, alors que la part de CO2 dans l’air extérieur est de l’ordre de 400 particules par million (ppm), sa concentration dans l’air expiré par un humain peut atteindre 40 000 ppm. Ainsi, un haut niveau de concentration en CO2 dans une pièce fermée augmente la fraction d’air expiré « re-respiré » dans cette pièce, ce qui a été prouvé comme étant un facteur de risque majeur pour la transmission des virus.
Le but de l’étude présentée est d’évaluer le niveau de CO2 et ses facteurs associés lors des soins dentaires et de proposer un outil pratique pour aider les chirurgiens-dentistes à mettre en œuvre une stratégie pragmatique et efficace afin d’améliorer la ventilation de leur environnement de travail. À la suite de différentes mesures du taux de CO2 dans diverses conditions de travail et de présence humaine dans les salles de soins et de condition de ventilation, les auteurs montrent sans surprise une dépendance très claire entre, d’une part, la concentration de CO2 mesurée, et, d’autre part, le nombre de personnes présentes dans la salle de soins (dont le patient sans masque) et le niveau de ventilation. Ils nous apprennent que le ratio d’air renouvelé en 1 heure (ACH) s’établit à 1,12 pour une clinique dentaire typique aux États-Unis et à 5 ACH lorsqu’une ventilation par courant d’air est réalisée par l’ouverture d’une porte et d’une fenêtre. Selon leurs résultats, la concentration de CO2 est constamment au-dessus de 800 ppm pour un niveau de ventilation au-dessous de 6 ACH lorsque 3 personnes ou plus sont présentes, qu’elle se maintient au-dessus de 1 000 ppm et peut atteindre 1 600 ppm quand 3 à 6 personnes sont présentes dans une pièce ventilée à 4 ACH dans une salle clinique d’enseignement par exemple.
À 10 ACH, le niveau se maintient sous 700 ppm avec 3 personnes dans la pièce. Les auteurs expliquent, à l’appui d’une étude citée (Zemouri et coll. 2020), que jusqu’à un niveau de concentration de CO2 de 774 ppm, le risque de transmission d’un virus par des particules aéroportées est faible, mais qu’il devient important au-dessus de 1 135 ppm. Ils recommandent alors l’utilisation d’un capteur de CO2 dont le prix est très abordable pour mesurer et suivre le taux de CO2 d’une pièce. Ils rappellent que la mesure la plus efficace pour augmenter la qualité de l’air d’une pièce est de favoriser le renouvellement de l’air par l’extérieur, soit à l’aide de systèmes de ventilation mécaniques ou plus simplement par l’ouverture des portes et fenêtres. Ils concèdent toutefois une certaine difficulté d’application dans certaines conditions climatiques. Ils proposent alors d’améliorer la filtration de l’air par des filtres performants dans les systèmes de ventilation ou l’usage d’appareils portables de traitement de l’air équipés de filtre HEPA. Ils insistent toutefois sur la mesure du niveau de CO2 pour apprécier et gérer l’efficacité de la ventilation des cabinets dentaires.
Recommandé pour les écoles depuis la rentrée, mais sans obligation légale ni financement, les capteurs de CO2 constituent en effet un excellent moyen pour sécuriser et rationaliser les conditions d’aération de nos salles de soins. En effet, les recommandations d’aération de 15 minutes entre chaque patient ne sont pas faciles à appliquer dans un exercice de ville, sauf à disposer de deux salles de soins pour un praticien. Or, la gestion de la qualité de l’air, et en particulier de son renouvellement, constitue, comme l’a montré cette étude, un facteur clé contre la transmission du coronavirus par les aérosols expirés par les patients et les personnes présentes dans la pièce. On rappellera que l’efficacité de filtration d’un masque FFP2 n’est garantie que dans le sens extérieur vers intérieur pour une filtration de 94 % des particules de 0,5 micron. Par ailleurs, avec les températures hivernales, l’aération continue d’une pièce par l’ouverture permanente d’une fenêtre est difficile. L’utilisation d’un capteur de CO2 mesurant son taux dans la pièce plusieurs fois par minute permet à l’équipe soignante de gérer efficacement et objectivement les phases d’aération de la salle de soins pour un investissement de moins de 100 €. Concernant l’appréciation des valeurs mesurées, il convient de connaître les taux de CO2 suivant :
- à l’extérieur : ~ 410 parties par million (ppm) ;
- dans l’air expiré par les humains : ~ 40 000 ppm (= 4 %) ;
- à 800 ppm, 1 % de l’air dans la pièce a déjà été respiré ;
- à 1 500 ppm, 2,8 % de l’air dans la pièce a déjà été respiré ;
- à 4 000 ppm, 9,4 % de l’air dans la pièce a déjà été respiré.
Pour garantir un air suffisamment renouvelé dans nos cabinets dentaires et limiter ainsi le risque de transmission virale par les aérosols, il est recommandé de maintenir un taux de CO2 en dessous de 700 ppm.
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