L’intelligence artificielle (IA), ne fait que ce que vous faites naturellement tous les jours en tant que professionnels de santé, de l’analyse à partir de la collecte de données », explique sobrement Antoine Tesnières, professeur d’anesthésie-réanimation de l’AP-HP et spécialiste de la question. Oui mais voilà : grâce au numérique, l’IA profite de puissances de calcul et de stockage de données bien plus considérables que celles de notre cerveau. Avec l’IA, la machine est capable d’apprendre par elle-même.
Des couches de « neurones » successives analysent les données en fonction de ce qu’on lui demande. À chaque étape, les mauvaises réponses sont éliminées mais renvoyées vers les niveaux précédents « en mémoire » pour ajuster le modèle mathématique d’analyse : c’est le « deep learning » (apprentissage profond). Schématiquement, la machine à qui l’on a appris à reconnaître l’image d’un chien et qui a donc éliminé celle du chat qu’on lui présentait, saura reconnaître le chat si on le lui demande alors qu’on ne lui a jamais appris formellement à le reconnaître. On mesure ainsi les bouleversements envisageables… L’IA est déjà bien présente : voiture autonome, reconnaissance faciale, particulièrement utilisée dans les rues de Chine pour contrôler les identités, ou encore traduction en temps réel.
Elle a aussi intégré le secteur de la santé : détection précoce des cancers, opérations en cardiologie réalisées par des robots, diagnostic de dépression établi d’après les traits d’un visage, analyses radiographiques, etc. « Une étude américaine montre qu’un assistant vocal intégrant de l’IA et posant des questions aux appelants du 911 pour un problème cardiaque, détecte plus vite un infarctus en cours qu’un opérateur humain », rapporte Antoine Tesnières.
« L’empathie, les machines ne connaissent pas »
Dans le secteur dentaire aussi, l’IA a fait son apparition. « Nous travaillons sur des applications concrètes de suivi de l’état de santé bucco-dentaire des patients. Ils prennent une vidéo de leur bouche chez eux, l’envoient sur notre plateforme et un algorithme d’intelligence artificielle qui dispose d’une banque de données de milliers de situations dentaires, soit plus de 700 millions d’images, est capable de fournir un état des lieux complet, témoigne Thomas Pellissard, directeur de Dental Monitoring, une société spécialisée dans l’intelligence artificielle au service du dentaire.
Nous avons déjà développé une première application en orthodontie avec laquelle les patients, entre deux rendez-vous, envoient un screenning complet de leur dentition à leur praticien qui peut ainsi suivre l’évolution du traitement et donner des conseils en retour, notamment sur l’hygiène bucco-dentaire. » Le rapport entre soignant et soigné sera inévitablement bouleversé. « Vous avez déjà certainement rencontré le patient qui connaît sa pathologie sur le bout des doigts grâce à internet et vous indique comment vous devez le traiter ? Vous n’avez rien vu ! s’amuse Xavier Briffault, chercheur au CNRS. Avec les objets connectés en santé, ce même patient pourra accéder à des dispositifs d’observation, de diagnostic et des traitements personnalisés. Les professionnels de santé vont devoir changer leur approche, car ils ne seront plus la source de l’expertise. Leur plus-value reposera sur leur capacité à effectuer un acte de soins physique et sur l’empathie qu’ils voudront bien apporter dans les relations avec leurs patients. Et l’empathie, les machines ne connaissent pas. »
« Cette convention est un mensonge d’État »
Deuxième sujet, plus terre à terre, la convention dentaire. Quel impact ? demandait le Comident. Pour les trois syndicats dentaires, FSDL, Les CDF et l’UD, il n’est pas encore mesurable. Trop tôt. Il faudra attendre le 1er janvier et l’application des plafonds sur la prothèse pour le mesurer. Mais il est possible de l’imaginer. Pour les syndicats signataires, Les CDF et l’UD, nul doute qu’il sera positif. Leur discours est à l’optimisme depuis des mois. « La convention de 2006 donnait 120 millions d’euros à la profession, celle de 2018 c’est 1,3 milliard d’euros, se félicite Jacques Levoyer, conseiller de l’UD. Tout n’est pas parfait dans ce texte, certes, mais le signer c’était respecter le principe de réalité. Désormais, on ne pourra rien nous reprocher, notamment les journalistes, puisque 70 % de nos tarifs sont négociés avec l’aval de l’État. »
Thierry Souillé, le président des CDF, sur le même registre, s’est satisfait du texte et anticipe également un succès. « Nous étions au bout d’un système, explique-t-il. Avec la crise sociale que traverse notre pays, même nos actes libres ne pouvaient plus augmenter, le portefeuille des ménages n’est pas extensible. Le rééquilibrage devenait nécessaire. Et oui, je crois que cette convention va ramener une activité dans les cabinets. J’entends bien que dans les grandes agglomérations cette convention va peser sur les honoraires mais je suis convaincu qu’elle va ramener de nouveaux patients, donner aux praticiens une activité qu’ils n’avaient pas. 70 % des confrères ont actuellement des honoraires en dessous des plafonds. »
La FSDL, qui n’a pas signé la convention, en redoute les conséquences. « Cette convention nous a été vendue comme un remède aux renoncements aux soins dentaires pour raisons financières qui concerneraient entre 25 et 30 % des Français, or, selon l’Insee, ce ne serait que 3,5 %. Cette convention est un mensonge d’État, tonne Patrick Solera, président de la FSDL. Elle va à l’encontre des pratiques de soins actuelles axées sur la préservation tissulaire et signe la fin de la liberté thérapeutique du chirurgien-dentiste pour le faire entrer dans un schéma comptable. »
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