Un article de consensus a récemment été publié à l’initiative des groupes de travail de la Société Européenne de l’Hypertension (ESH) et de l’Association pour la Recherche dans la Structure et la Physiologie Artérielle (ARTERY). Les différents auteurs (cardiologues, néphrologues, pharmacologistes, chirurgiens-dentistes) se sont penchés sur les conséquences vasculaires de l’inflammation.
L’inflammation tissulaire excessive altère la physiologie artérielle, conduisant à des dysfonctions vasculaires structurelles et fonctionnelles telles que l’athérosclérose et l’augmentation de la rigidité artérielle. Ces altérations sont des facteurs de risque reconnus de survenue d’événements cardiovasculaires (AVC, cardiopathies ischémiques). La réponse inflammatoire est actuellement le mécanisme le plus étudié pour expliquer cette relation bidirectionnelle. Généralement de bas grade et sans manifestation clinique apparente, elle est principalement transportée par les espèces réactives de l’oxygène (ROS) et le stress oxydatif. Les cellules de l’immunité innée (neutrophiles, macrophages) et acquises (lymphocytes T) ainsi que de nombreuses cytokines pro ou anti-inflammatoires (IL-1, IL-6) sont également impliquées. Cependant, il est important de noter que ces marqueurs biologiques ne sont que des intermédiaires dans le processus complexe de l’inflammation.
La compréhension de l’ensemble de ces mécanismes permettrait d’envisager des cibles thérapeutiques pour la prévention des maladies cardiovasculaires. Des traitements anti-inflammatoires se sont montrés bénéfiques dans l’amélioration de la rigidité artérielle. L’interleukine 1ß (IL-1ß) semble être la cible la plus prometteuse. D’autre part, la rigidité artérielle, évaluée cliniquement de manière non invasive par la vélocité de l’onde de pouls (PWV), est un marqueur clé de la santé vasculaire : si la vélocité de l’onde de pouls est augmentée, la distensibilité des vaisseaux est diminuée et la rigidité artérielle est donc plus élevée. Via cette mesure objective de la fonction artérielle, la stratégie recherchée est l’identification de patients présentant un risque cardiovasculaire élevé sans manifestations cliniques de l’inflammation.
En ce qui concerne les maladies parodontales, la littérature scientifique s’accorde sur la présence d’un risque plus élevé de maladies coronariennes et d’événements cardiovasculaires chez les patients atteints de parodontite sévère par rapport aux patients non atteints de parodontite sévère. L’inflammation de bas grade a également été proposée pour expliquer cette relation via l’altération de la fonction endothéliale et l’augmentation de la rigidité artérielle. L’invasion de l’endothélium vasculaire par des bactéries pathogènes telles que Porphyromonas gingivalis et l’activation intensive des processus inflammatoires impliquant TNF-α, IL-1 et IL-8 sont les mécanismes physiopathologiques suggérés.
Une réponse exagérée des neutrophiles conduisant à une augmentation de la production et de l’activation des ROS a aussi été mise en lumière. Cliniquement, le traitement de la parodontite permet de réduire l’inflammation et d’améliorer la fonction endothéliale. À la vue de la similitude dans les mécanismes physiopathologiques, il apparaît ainsi intéressant d’envisager la parodontite comme un modèle pour explorer la relation entre l’inflammation de bas grade et les maladies cardiovasculaires.
Les auteurs de ce consensus concluent que la gestion des patients présentant un risque élevé de maladies cardiovasculaires ne doit pas se limiter au contrôle des manifestations inflammatoires de ces maladies mais plutôt dans la prévention de leurs survenues. En ce sens, il apparaît primordial d’identifier précocement ces patients, notamment ceux présentant de l’hypertension et une rigidité artérielle élevée. D’un point de vue clinique, ce consensus renforce l’implication mutuelle entre cardiologues et chirurgiens-dentistes dans la prévention des maladies parodontales et des maladies cardiovasculaires.
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