La consécration par la Cour européenne. Cour de Justice de l’Union Européenne, 19 septembre 2013, C-492/12
Après une longue bataille juridique, dépassant les frontières, la capacité professionnelle médicale du chirurgien-dentiste ne peut plus être contestée. La spécialité en chirurgie orale est consacrée.
La loi HPST (21 juillet 2009) a réformé l’internat en odontologie et mis en place trois formations qualifiantes : orthopédie dento-faciale, médecine buccale et chirurgie orale. L’accès à cette dernière se fait par le Diplôme d’Études Spécialisées en Chirurgie Orale (DESCO) ouvert, à effectifs égaux, aux internes en médecine et en odontologie.
Le troisième cycle qualifiant en odontologie
Le décret du 5 janvier 2011 a organisé le troisième cycle long des études odontologiques. Il a prévu que la liste des formations qualifiantes de ce troisième cycle serait fixée par arrêté des ministres chargés de l’Enseignement supérieur et de la Santé. Certaines formations peuvent être communes à la médecine et à l’odontologie.
L’arrêté du 31 mars 2011 a ainsi précisé cette liste des formations qualifiantes et la réglementation des diplômes d’études spécialisées en odontologie. Mais cet arrêté a été attaqué par le Conseil national de l’Ordre des médecins (CNOM) qui a demandé son annulation.
La réponse incomplète du Conseil d’État
Devant le juge administratif (19 octobre 2012, n° 350225), le CNOM a usé de tous les arguments possibles. Tous ont été rejetés, sauf un.
– Tant les médecins spécialisés en chirurgie orale que les chirurgiens-dentistes ayant la mêmespécialité, tous peuvent légalement pratiquer de manière habituelle tous les actes relevant de cette spécialité sans manquer à leur déontologie.
– Les dispositions du Code de l’éducation(L.632-2 et L.634-1, relatives au troisième cycle des études médicales et au troisième cycle des études odontologiques) ne font pas obstacle à ce que le pouvoir réglementaire institue des formations qualifiantes communes à ces deux cursus universitaires.
– Le principe d’égalité ne s’oppose pas à ce que des recrutements différenciés soient instaurés pour tenir compte de la différence de situation entre les étudiants en médecine et les étudiants en odontologie, eu égard, notamment, aux durées respectives de leurs études.
– Dans la mesure où, compte tenu de leur formation initiale et du fait que les étudiants en odontologie sélectionnés pour préparer le DESCO bénéficient d’une formation complémentairedans les disciplines médicales, le CNOM n’est pas fondé à soutenir que les étudiants en odontologie ne seraient pas susceptibles d’acquérir, durant le temps de leur internat, les connaissances médicales nécessaires à la pratique des actes auxquels ils sont formés.
Le dernier argument développé par le CNOM concernait les articles 34 et 35 de la directive 2005/36/CE du Parlement européen et du Conseil du 7 septembre 2005 relative à la reconnaissance des qualifications professionnelles.Selon le CNOM, la directive institue deux professions distinctes et des spécialités différentes pour chacune d’elles. Il ne peut donc y avoir de spécialité commune.
La réponse parfaite du juge européen
Avec ce dernier argument, auquel le Conseil d’État n’a pas répondu, il a sursis à statuer et a renvoyé à la Cour de Justice de l’Union Européenne deux questions.
Par un arrêt du 19 septembre 2013 (C-492/12),la CJUE a répondu clairement, réconfortant comme jamais la compétence professionnelle du chirurgien-dentiste et l’instauration de la spécialité en chirurgie orale.
– L’exigence de spécificité de la profession de praticien de l’art dentaire, posée par l’article 36 de la directive 2005/36/CE, « ne s’oppose pas à la création, par un État membre, d’un cycle de formation spécialisée, tant dans le domaine médical que dans celui de l’art dentaire, dont la dénomination ne correspond pas à celles énumérées, en ce qui concerne cet État membre, à l’annexe V de cette directive. Une telle formation spécialisée peut être ouverte tant aux personnes ayant accompli seulement une formation médicale de base qu’à celles qui ont accompli et validé uniquement les études dans le cadre de la formation de base de praticien de l’art dentaire. »
– La profession de praticien de l’art dentaire constitue une profession spécifique et distincte de celle de médecin. Il n’en reste pas moins que le programme d’études conduisant aux titres de formation de base de praticien de l’art dentaire comprend, non pas uniquement les matières spécifiquement odonto-stomatologiques, mais également les matières médico-biologiques, ainsi que les matières médicales générales.
« Le législateur de l’Union n’a pas cherché à exclure les matières médicales de la formation de praticien de l’art dentaire, que cette formation soit ou non spécialisée. Dans ces conditions, la directive 2005/36 doit être interprétée en ce sens qu’elle ne s’oppose pas à ce que les matières relevant du domaine médical fassent partie d’une formation spécialisée dans le domaine de l’art dentaire. »
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