C’est dans cet esprit de rencontres stimulantes autour d’une technique novatrice que s’est déroulée la conférence du Pr Patrick Missika et du Dr Patrice Delobel le 17 mai dernier. Les deux conférenciers présentaient une thérapeutique séduisante qui vise à réduire la visibilité des triangles noirs interdentaires, voire entre des dents et des implants.
L’intérêt de l’acide hyaluronique comme matériau de comblement de certaines rides et ridules des tissus cutanés est parfaitement établi. Un solide niveau de preuve assure la reconnaissance de ses qualités de remplissage des reliefs cutanés du visage, les procédures sont bien référencées et enseignées dans plusieurs diplômes universitaires de facultés médicales. De nouvelles indications pour l’AH-HPM (acide hyaluronique de haut poids moléculaire) semblent se dessiner en parodontologie et implantologie. Depuis l’étude de Tarnow et coll. en 1992 (certainement la plus citée dans le domaine), le lien étroit entre présence papillaire et distance du point de contact interdentaire au sommet du septum osseux est notoire. Corroborée par d’autres publications, elle a été complétée en 2001 par celle de Choquet et coll. portant sur la relation intime entre niveau osseux et apparition des « triangles noirs » entre dents et implants. Le rôle de la papille déborde le cadre purement esthétique où le confine à juste titre le grand public. Barrière antibactérienne, elle assure la déflexion du bol alimentaire et limite le risque de stagnation des aliments dans l’embrasure interdentaire. Loin de constituer une éminence gingivale anodine, elle occupe une fonction notable dans la phonation. La présence d’espaces libres favorise les fuites d’airs, le chuintement et l’émission de postillons. Minorer l’importance du désagrément liée à son absence revient à nier la gêne ressentie par les patients et expose au risque d’un litige.
Pour y pallier, un laboratoire présentant déjà une gamme de produits injectables en médecine esthétique mène une étude multicentrique avec la faculté de Marseille (Pr Virginie Monnet Corti) et la Faculté de Rome (Pr Andrea Pilloni), dans le domaine de l’augmentation volumique des papilles. Le Pr Missika y est associé et a livré au CFLIP les premiers résultats des équipes impliquées. Pour introduire le sujet, Patrice Delobel, docteur en biologie/neuroscience et directeur médico-marketing des Laboratoires Teoxane, a décrit les principes d’élaboration de l’AH-HPM et son intérêt dans le traitement des pertes papillaires. Naturellement exprimé dans l’ensemble de l’organisme, l’acide hyaluronique constitue un élément essentiel de la matrice extracellulaire du tissu conjonctif par sa concentration et ses rôles biologiques et structuraux. La technologie de réticulation de l’AH-HPM limite sa dégradation enzymatique au sein du parodonte et augmente sa rémanence. Sa viscoélasticité et son hygroscopie lui confèrent des propriétés de remplissage volumique qui, couplées à l’imbrication fibrillaire et la régénération tissulaire, ont orienté la recherche vers les thérapeutiques papillaires.
C’est dans le domaine particulièrement sensible du feston gingival et de l’éminence des papilles que Patrick Missika a repris le fil de la communication. Si les techniques de dentisterie adhésive et/ou d’orthodontie peuvent apporter une amélioration dans la fermeture des embrasures, d’autres, plus chirurgicales, d’augmentation des tissus durs ou mous apparaissent moins prévisibles et reproductibles. En implantologie la problématique des contours tissulaires péri-implantaires est encore plus affirmée. La solution aux « triangles noirs » pourrait donc provenir d’une thérapeutique intéressant les tissus roses eux-mêmes. Le fameux adage « The bone sets the tone, the soft tissue is the issue » (« l’os donne le ton, les tissus mous sont le problème ») prêté au Pr Lindhe illustre l’enjeu tissulaire, mais aussi la primauté des règles biologiques. Thématique sensible à plusieurs titres donc : celui plus technique du protocole, celui de la promesse d’un résultat qui ne sera peut-être pas obtenu (et le risque médico-légal qui pèse sur des techniques assimilées à la chirurgie esthétique) et enfin celui d’une attente peut-être excessive de résultats compensant les manques d’un traitement inabouti.
Ce sujet délicat, que Patrick Missika côtoie aussi en tant qu’expert judiciaire, se trouve donc au cœur des préoccupations qu’il a pu exprimer. Mais à travers l’étude des cas cliniques qu’il mène de concert avec les équipes de Virginie Monnet-Corti, Andrea Pilloni et Philippe Monsenego, il a permis à l’assistance de percevoir l’intérêt de ces thérapeutiques papillaires impliquant l’injection d’AH-HPM et les développements à venir.
Patrick Missika a insisté sur l’intérêt du gel d’acide hyaluronique associé à la lidocaïne qui permet l’injection sans infiltration anesthésique préalable, ce qui évite la saturation du tissu gingival.
Les résultats actuellement collectés et le recul relativement limité nécessitent la confirmation de ce traitement innovant par la publication d’études complémentaires, mais la durée des échanges qui ont suivi a clairement démontré l’attente de stratégies complémentaires et novatrices comme celles présentées.
Emmanuel Gouët
Hadi Antoun
Combler le sourire en repulpant la papille ?
- Publié le . Paru dans L'Information Dentaire
Le CFLIP n’échappe pas au calendrier électoral. Son nouveau Président élu, le Dr Pierre Cherfane, a repris la charge de son prédécesseur, le Dr Thierry Kuntz, pour conduire le programme 2017 de formation du Cercle et accompagner ses membres et ses participants vers des échanges qui ouvrent les horizons scientifiques et confrontent à des pratiques façonnant l’avenir de la discipline. Avérées ou en cours d’étude, les thématiques cliniques présentées lors des soirées-conférences alimentent les débats qui concluent les séances.
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