Cannabis : drogue ou médicament ?

  • Publié le . Paru dans Parodontologie Implantologie Orale, un nouveau regard
Information dentaire

Sophie Dupont

Unité d’épilepsie et service de soins de suite et de réadaptation neurologique,
hôpital de la Pitié-Salpêtrière, Paris ;
Centre de recherche de l’Institut du cerveau et de la moelle épinière (ICM), UMPC-UMR 7225
CNRS-UMRS 975 Inserm, Paris ; Université Paris-Sorbonne.


Le cannabis est-il une drogue ou un médicament ?

Cette question est bien entendu primordiale, notamment en France qui offre le paradoxe de rendre illégale la consommation récréative de cannabis et d’encourager dans certaines indications son administration à des fins thérapeutiques.

Ce paradoxe semble en partie lié aux multiples composants du cannabis et à leurs mécanismes d’action et effets divergents. On rappellera que le principal composé psychoactif du cannabis est le tétrahydrocannabinol (THC) qui agit en se fixant sur les récepteurs cannabinoïdes. Néanmoins, le cannabis contient également d’autres composés ayant des effets spécifiques ne jouant pas sur le système cannabinoïde, dont le cannabidiol (CBD).

Le cannabis est-il un médicament ?

On peut facilement répondre oui à cette question puisque des médicaments dérivés du cannabis existent déjà sur le marché avec une AMM spécifique, mais qui ne sont pas toujours disponibles en France. Trois médicaments à ce jour sont commercialisés ou en cours de l’être :

  • le dronabinol (Marinol®) : THC de synthèse. Indiqué pour limiter les effets indésirables à type de nausées et vomissements des chimiothérapies, le dronabinol diminue les vomissements en se liant aux récepteurs cannabinoïdes de type CB1. Il est disponible en France en ATU ;
  • le cannabidiol (Epidyolex®) contient du CBD extrait de la plante et pas de THC. Le cannabidiol a l’AMM européenne dans l’épilepsie dans les syndromes de Dravet et de Lennox-Gastaut. En attente de prix, il est disponible en France en ATU ;
  • le nabiximols (Sativex®) contient du THC et du CBD extraits de la plante. Il a une AMM européenne dans la spasticité de la sclérose en plaques après échec des autres thérapeutiques. Il n’est pas commercialisé en France du fait d’une absence d’accord entre le gouvernement et le laboratoire sur le prix de vente.

Des études avec le CBD et/ou le THC sont en cours dans d’autres indications : douleur, anorexie liée au sida, maladie de Parkinson, maladie d’Alzheimer, dépression, etc.

Enfin, l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) a officiellement entériné en juin 2019 l’expérimentation du cannabis thérapeutique en France (www.ansm.sante.fr) dans les indications suivantes : douleurs neuropathiques réfractaires aux thérapies (médicamenteuses ou non) accessibles, certaines formes d’épilepsie pharmacorésistantes, symptômes rebelles en oncologie (tels que nausées, vomissements, anorexie, etc.), dans les situations palliatives, dans la spasticité douloureuse de la sclérose en plaques ou des autres pathologies du système nerveux central. Cette expérimentation a débuté fin 2020.

Le cannabis est-il une drogue ?

Il semblerait également que l’on puisse répondre oui à cette question. Le cannabis consommé régulièrement (et parfois intensément) à titre récréatif peut induire une addiction et possède de façon indéniable des effets indésirables psychoactifs, très certainement médiés par le THC.

En outre, des syndromes de sevrage ont été décrits chez des consommateurs réguliers et assidus.

Le juste équilibre

Il paraît crucial, d’une part, de mettre à la disposition des patients des médicaments à base de cannabis dont l’efficacité a été démontrée et, d’autre part, de réguler la consommation régulière de cannabis qui n’est pas une drogue sans risque tant au niveau vasculaire qu’au niveau psychiatrique.

Ce juste équilibre repose certainement sur une administration contrôlée des médicaments à base de cannabis et sur une réflexion sur le ratio THC/CBD de ces médicaments (réduire possiblement au minimum les taux de THC) en continuant à prévenir une addiction récréative au cannabis. L’expérimentation ANSM du cannabis thérapeutique devrait fournir de nouvelles données, on l’espère, rassurantes.

 

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