Les bisphosphonates sont désormais régulièrement prescrits pour traiter le risque de fracture associé à l’ostéoporose post-ménopausique, mais aussi, et à plus fortes doses, comme traitement préventif des complications osseuses chez les patients atteints de cancers avec métastases osseuses. Le risque de complications de type ostéonécrose des mâchoires (ONM) faisant suite à des actes de chirurgie buccale chez les patients concernés par ce traitement est réel et doit toujours être considéré. Les chirurgiens-dentistes doivent donc jouer un rôle déterminant en amont de la mise en place de ces traitements. Cette dernière devrait toujours être précédée d’un examen bucco-dentaire complet de dépistage des besoins en soins qui devraient alors être effectués au préalable afin de limiter tout risque d’intervention une fois les bisphosphonates administrés.
L’effet d’une gestion préventive des soins dentaires sur le risque d’ONM liée aux traitements par bisphosphonates a été appréhendé par cette étude clinique qui inclut 255 patients atteints de cancers et ayant reçu un traitement au zolédronate par au moins 4 injections intraveineuses. Deux groupes ont ainsi été créés : le groupe A dont les patients ont reçu des traitements dentaires préventifs avant la mise en application de la thérapie aux bisphosphonates et le groupe B (contrôle) qui a reçu des traitements dentaires après la thérapie, dont des extractions et des traitements parodontaux. Toutes les extractions effectuées après le début des bisphosphonates ont été réalisées sous antibiothérapie (commencée l’avant-veille et poursuivie 7 jours) avec toutes les précautions opératoires recommandées, dont des sutures étanches.
Les résultats montrent que la prévalence des extractions dentaires chez les patients ayant reçu une prise en charge préventive préalable est beaucoup plus faible que chez ceux qui n’en ont pas eu (respectivement 2,6 % et 33,3 % des patients pour chaque groupe). Les ostéonécroses des mâchoires sont significativement plus fréquentes chez les patients qui ont subi des extractions dentaires après le début des bisphosphonates et qui n’ont pas reçu de prise en charge dentaire préalable. Ces résultats soutiennent les recommandations cliniques qui indiquent qu’un traitement dentaire préventif avant l’instauration du traitement par bisphosphonates réduit significativement le risque d’ONM et le besoin d’interventions dentaires après le début du traitement.
RECOMMANDATIONS
En France, des recommandations de bonnes pratiques ont été définies par la Société Française de Stomatologie, Chirurgie Maxillo-Faciale et Chirurgie Orale en 2013. L’appréciation des facteurs de risque constitue un préalable indispensable.
Le risque est beaucoup plus faible chez les patients traités pour l’ostéoporose que pour les cancers. Il augmente en effet de manière significative avec la durée du traitement et la dose cumulée. Pour prévenir le risque, cette société scientifique recommande, en cas de geste chirurgical :
– le contrôle du risque d’infection au niveau local et systémique par des mesures d’assainissement parodontal préalables au geste chirurgical, des bains de bouche et des antibiotiques avant et après l’intervention sur une durée adaptée selon l’évolution de la cicatrisation ;
– un geste chirurgical le moins traumatisant possible suivi d’une régularisation des bords osseux, en privilégiant, quand cela est possible, une fermeture primaire des plaies, sans tension. Les anesthésies intraligamentaires, intraseptales et intra-osseuses doivent être évitées ;
– un suivi renforcé et prolongé de la cicatrisation jusqu’à sa consolidation puis au minimum deux fois par an ;
– un dialogue avec le prescripteur pour toute modification du traitement bisphosphonate, qui doit aussi tenir compte du niveau de risque et de sa durée après la dernière administration.
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