Autour des protocoles innovants en implantologie

Si la French Riviera attire l’attention de cliniciens de plusieurs continents, ce n’est plus exclusivement pour ses qualités touristiques. Depuis quelque temps, les termes de « soft brushing technique », « fast system », « apical matress » et « sticky bone » agitent la communauté implantaire. Les promoteurs de ces anglicismes médicaux habitués à la lumière azuréenne ont très spontanément accepté l’invitation du CFLIP (par la voix de son président, le Docteur Pierre Cherfane) qui souhaitait engager la discussion sur ces protocoles innovants.
 
Le 7 mars dernier, sous le gris ciel de Paris, le Docteur Joseph Choukroun, médecin anesthésiste, inventeur du PRF (platelet rich fibrin), conférencier international et président du SYFAC, et le Docteur Jérôme Surménian, parodontologiste et implantologiste spécialisé dans les augmentations osseuses à visée implantaire, ont pris la parole lors d’une soirée-conférence comme le Cercle en propose chaque trimestre. Une assistance conséquente est venue écouter les deux orateurs exposer leurs concepts thérapeutiques, qu’ils ont développés en deux volets.
 
Dans la première présentation, le Docteur Choukroun a décidé d’introduire le sujet à travers le prisme biologique du stress oxydatif qui correspond à une agression des constituants cellulaires. En implantologie orale, l’usage des vaso-constricteurs lors de l’anesthésie locale, l’acidification du milieu qui résulte de l’emploi de l’articaïne, l’élévation de lambeaux et l’exposition des tissus sous-jacents, l’incision du périoste, l’apposition d’un matériau… et l’anxiété du patient créent les conditions d’une ischémie, facteur de pression oxydative et susceptible d’entraîner des échecs implantaires à plus ou moins long terme. Deux obligations conditionnent le maintien du tissu osseux greffé ou péri-implantaire : l’angiogenèse qui suit la chirurgie doit installer une vascularisation adéquate et maintenir l’apport vasculaire toute la vie. Pour répondre à ces impératifs, le Docteur Choukroun incite à réduire le stress oxydatif en s’appuyant sur deux règles issues des enseignements de Ghanaati [1] et de Mammoto [2] : promouvoir une angiogenèse précoce et rapide, et limiter les tensions excessives qui la compromettent. Il recommande de surveiller de près une éventuelle dyslipidémie et/ou carence en vitamine D, deux facteurs de risque biologique qui lui paraissent trop souvent négligés lors de thérapeutiques implantaires ou pré-implantaires. Selon plusieurs publications, le PRF induit et accélère la vascularisation, diminue la durée de l’ischémie.
 
Dans la seconde partie de la soirée, le Docteur Surmenian, qui a intégré ces principes biologiques à ses protocoles d’augmentation osseuse, a pu développer ses nouvelles propositions thérapeutiques et leur apport comparativement aux procédures conventionnelles. Sa présentation, dont le titre interroge nos habitudes énonce l’ambition du concept chirurgical : « Faut-il tout changer pour simplifier et fiabiliser les augmentations osseuses ? » En convenant que les augmentations tridimensionnelles de la région postérieure mandibulaire constituent un défi thérapeutique que les techniques de greffes osseuses autologues en coffrage permettent de relever, le conférencier a rappelé à l’assistance toutes les difficultés associées à cette procédure. L’approche moins invasive suivie repose sur le choix de techniques de régénérations osseuses au moyen de particules cortico-spongieuses allogéniques et en respectant les fondamentaux biologiques tissulaires développés en première partie de soirée. Le recours à une plaque d’ostéosynthèse (Fast system®) maintenue à distance du site grâce à un ingénieux filetage résidant à la tête des vis de fixation offre une structure aisée à installer sur la crête à augmenter. Le dispositif rigide facilement stabilisé préserve le matériau venant combler l’espace du défaut, des pressions et tensions sus-jacentes. Le comblement est assuré à l’aide de particules cortico-spongieuses d’os allogène amalgamées à du PRF qui leur confèrent une consistance compacte (sticky bone).
 
La troisième approche consiste à libérer les lambeaux afin d’obtenir la laxité nécessaire à une fermeture sécurisée du site augmenté. Le relâchement du lambeau lingual décollé jusqu’à la ligne oblique interne est obtenu par un « brossage » apico-coronal de sa face interne à l’aide d’instruments spécifiques. Celui du lambeau vestibulaire repose sur le même principe (soft brushing). Les sutures finalisent la procédure en répartissant les tensions de repositionnement des lambeaux à distance (apical matress) et à proximité des berges de l’incision crestale. Le port des prothèses adjointes est prohibé et les sutures sont déposées 4 à 5 semaines après la chirurgie. Lors de la mise en place des implants (environ 4 mois après l’augmentation osseuse), le Docteur Surménian applique le principe de limitation de la compression des tissus durs en surdimensionnant son ostéotomie (surtout au niveau cortical). Ce principe l’a amené à sélectionner un implant (Anyridge® de Megagen) présentant une stabilité primaire majorée sans pour autant rechercher une élévation du couple d’insertion (signe de compression tissulaire).
 

Au terme d’une soirée riche en échanges et généreuse en propositions, les deux conférenciers ont défendu avec vigueur des protocoles d’augmentation particulièrement innovants centrés sur une approche biologique. Le climat passionné du débat a su – au minimum – instiller de la curiosité chez les participants, ce catalyseur indispensable de la réflexion scientifique et de la remise en cause de certains paradigmes.
 
Emmanuel Gouët
Hadi Antoun