Au fil des mots…

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Sélection de lectures estivales

La vie sur le fil et Le jeu du Pendu
Aline Kiner
éd. Liana Lévi

Narratrice de La vie sur le fil, Eva est une femme solitaire à l’étrange métier. Entre sculpture et archéologie, elle reconstitue des êtres disparus. Depuis plusieurs milliers d’années. Elle redonne corps à des australopithèques ou à des rois barbares.
Dans sa vie personnelle, elle doit se battre avec un ennemi intime, le cancer. En sortant de l’hôpital, elle prend le rituel d’une petite halte à la terrasse d’un café de Belleville. Plusieurs jours de suite, à midi pile, elle remarque une sonnerie qui résonne dans le vide dans une cabine proche. Répondre serait absurde. C’est pourtant ce que décide Eva. Pour cette jeune femme qui a mis sa vie entre parenthèses depuis le début de sa maladie, la voix venue des bords du Nil va devenir un point d’ancrage. C’est grâce à cette voix, grâce aux récits désormais quotidiens que lui fait Gabriel, un photographe parti réaliser un reportage sur la vallée des morts d’Abydos, qu’elle saura s’approprier la vision de l’au-delà des anciens Égyptiens : un fil tendu entre passé et présent, un passage de l’obscurité à la lumière. Un grand livre d’aventure mené tambour battant, propice à la réflexion.
Pour les vacances, je vous conseille aussi la lecture du premier roman d’Aline Kiner, Le jeu du pendu, qui vient de sortir en collection Piccolo. Un excellent polar dans les anciennes mines de Lorraine, digne des meilleurs Fred Vargas.

Réparer les vivants

Maylis de Kérangat
éd. Verticale

Unité de lieu, d’action, de temps.
Du théâtre à l’antique. Le titre est d’ailleurs emprunté à Tchechov dans Platonov. Réparer les vivants est
le roman d’une transplantation cardiaque. Vingt-quatre heures de la vie d’un cœur. Au début, il bat
dans le corps de Simon, jeune homme du Havre, fan de surf. Un accident fatal au retour de la plage, et débute alors une longue course-poursuite pour sauver d’autres vies humaines. Il faut d’abord convaincre les parents de Simon pour le don des organes. Minute par minute, on suit le travail des équipes hospitalières et la vie des parents, des amis de Simon. Les personnages secondaires ne sont pas esquissés, mais bien réels dans leurs certitudes, leurs doutes, leurs vies. À deux cents kilomètres de là, dans une petite chambre proche de la Pitié Salpêtrière, Claire Méjean attend…un cœur. D’une extrême précision et d’une très grande justesse de ton,
ce roman d’une entreprise collective et intime est une pure merveille.
Un hymne à un organe vital, symbole de l’amour.

Ombres et soleil
Dominique Sylvain
éd. Viviane Hamy

Janvier 2013. Lola Jost tente de tromper l’ennui avec un puzzle lorsque le capitaine Hardy frappe à sa porte : Arnaud Mars – l’ancien divisionnaire mêlé à une affaire de contrats et de rétrocommissions douteuses
– a été retrouvé mort en Afrique, une balle dans la tête. Le commandant Sacha Duguin, qui avait dû en découdre avec lui, apparaît comme le coupable idéal. Son Smith & Wesson a servi à abattre l’homme ! Lola, convaincue de l’innocence de son ami, sort de sa torpeur. Ingrid Diesel, qui avait pris la poudre d’escampette pour Las Vegas, la rejoint bien vite pour sortir Sacha de cette impasse. Leur enquête va les entraîner dans une course-poursuite meurtrière entre Europe, Afrique et Asie. Les deux complices vont cruellement payer de leur personne en affrontant une pléiade de personnages, tous plus mystérieux et inquiétants les uns que les autres : anciens spécialistes du terrorisme islamique, mercenaires sadiques, hauts fonctionnaires véreux, ancien para reconverti en serviteur modèle…
Quelle est la puissance de l’ombre qui plane ? Pourquoi a-t-on fait du commandant Duguin le bouc émissaire idéal ? Dominique Sylvain, au sommet de son art.

Le Collier rouge
Jean-Christophe Ruffin
éd. Gallimard


Avec son dernier roman, Jean-Christophe Rufin apporte sa contribution aux nombreux hommages rendus aux héros de la Première guerre mondiale.
Pour ce faire, il s’inspire de deux faits réels. Le premier d’une réalité peu connue : nombre d’animaux ont été partie prenante dans la guerre, en particulier les chiens. Il y en avait des milliers dans les tranchées. Certains étaient employés pour des tâches spécifiques de déminage ou d’assaut, mais le plus grand nombre avait suivi les combattants lors de leur mobilisation et ils étaient restés au front, tolérés parce qu’ils tuaient les rats, donnaient l’alerte et surtout tenaient compagnie aux soldats. Ensuite, il y a une histoire racontée par un ami de sa famille, dont le grand-père, revenu de la guerre décoré de la Légion d’honneur pour des faits brillants, avait fini par considérer que son chien la méritait beaucoup plus que lui.
À partir de ça, il nous concocte en 150 pages un roman, hommage à la fidélité, plein de vie et de poésie, une véritable fable humaniste et pacifique qui nous tient en haleine jusqu’au bout et où la morale serait bien sûr : plus jamais ça.


L’été d’un écrivain…
Rencontre avec Claude Pujade-Renaud

La période estivale est-elle particulièrement propice à la lecture ?
Pour moi, il n’y a pas de période plus propice qu’une autre à la lecture puisque je ne saurai vivre, survivre plutôt, sans lire quotidiennement. Et donc l’été ne change rien à mon rythme de lecture, pas plus qu’à mes choix, qui sont indépendants du temps et du lieu de villégiature. Mais je comprends très bien que, si on travaille intensément une bonne partie de l’année, on puisse éprouver prioritairement le besoin de se détendre, marcher, explorer, plonger dans la mer ou dans une rivière, et peut-être, ayant accordé à son corps et son esprit cette « respiration », on trouve ensuite le temps et le désir de prendre plaisir à « plonger » dans un livre.

Quelle « bibliothèque » idéale emporteriez-vous dans votre valise pour une destination lointaine ?
Soit des écrits de grands voyageurs, tels Robert Stevenson, Jack London, Alexandra David-Neel, Anne-Marie Schwartzenbach, entre autres, soit au contraire des livres bien « casaniers », bien de « chez nous » au cas où on préférerait conserver un lien avec son pays d’origine…

Votre dernier ouvrage est un recueil de nouvelles, un format particulièrement adapté au voyage et aux vacances d’été.
Eh bien non, je ne suis pas persuadée que les nouvelles soient des « lectures d’été ». En « vacance », me semble-t-il, on détient plus de loisir pour « s’installer » confortablement dans un roman, le poursuivre de jour en jour. Alors qu’un recueil de nouvelles n’exige nullement une continuité de lecture : une nouvelle peut se lire à n’importe quel moment, durant un trajet de métro, lors d’une pause-café, dans une salle d’attente, avant de s’endormir… Il n’y a pas de « suite », on peut la gober en dix minutes, et l’oublier… Ce qui n’est pas possible avec les chapitres d’un roman.

L’été est-il un temps d’écriture ou un temps d’introspection, de réflexion ?
À vrai dire, je ne conçois pas l’écriture sans une part d’introspection et de réflexion.


Rire en do mineur

Claude Pujade-Renaud
éd. Actes Sud

Après plusieurs romans remarqués par la critique et les lecteurs, Claude Pujade-Renaud revient, pour notre plus grand plaisir, vers un genre où elle excelle, l’art de la nouvelle.
Quelques grands noms de la littérature, de la peinture et de la musique (James Joyce et Italo Svevo à Trieste, Stendhal créant Julien Sorel, Jules Renard et son rapport à la nature végétale et animale, les élans incestueux d’Egon Schiele et de sa sœur Gertrude, la lumineuse rencontre à Salzbourg de Mozart avec une jeune pianiste aveugle) et des personnages mythiques (Orphée et Eurydice dans une émouvante descente aux enfers ou la vie éternelle de Rossinante après ses aventures fantasques avec son célèbre cavalier, Don Quichotte) sont au cœur de ce nouveau recueil. Claude Pujade-Renaud explore ici la douce ou violente folie si nécessaire à tous ceux qui ont consacré leur existence à la création.

A découvrir du même auteur, aussi chez Actes Sud…
1999 : Platon était malade
2003 : Le Jardin forteresse
2004 : Chers Disparus
2007 : Le Désert de la grâce
2010 : Les Femmes du braconnier
2013 : Dans l’ombre de la lumière

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