Éviter une cyberattaque : les règles d’or d’hygiène informatique au cabinet
Responsable scientifique : Philippe Denoyelle
Intervenant : Jacques Wemaere
Le secteur de la santé est le troisième touché en France par des cyberattaques. Bien que les grosses structures de soins soient les plus exposées, il est de notre devoir, en tant que détenteurs d’informations confidentielles sur nos patients, de nous protéger. Cela nécessite une sensibilisation de tous les acteurs présents au cabinet dentaire et le rappel de règles élémentaires à respecter afin d’éviter toute intrusion informatique. En effet, plus de 90% des intrusions réussies dans un système informatique ont une origine humaine, à savoir une défaillance au sein même du cabinet.
Les courriels contrefaits accompagnés d’une pièce jointe contaminée par un virus sont le vecteur le plus utilisé : faux avis ANTAI (amendes), faux conseiller bancaire, faux support technique, soi-disant erreur sur une commande, etc. : les malfaisants vont s’appuyer sur l’ingénierie sociale, qui est une technique de manipulation utilisée par les cybercriminels pour inciter les gens à partager des informations confidentielles. Cette technique exploite les faiblesses humaines et touche donc toutes les classes de population : un être humain est beaucoup plus facile à pirater que le réseau d’une entreprise !
On distinguera une dizaine de modalités : hameçonnage, harponnage, appâtage, attaque de point d’eau, hameçonnage vocal, prétexte, contrepartie, maliciel… Le site gouvernemental https://www.cybermalveillance.gouv.fr/ sera d’une aide précieuse pour définir une politique de protection du cabinet.
Les mesures à prendre seront à envisager avec l’informaticien : sauvegardes régulières et fiables, mises à jour des logiciels, mots de passe performants et différents en fonction de l’application, sécurisation du Wi-Fi et des clés USB, séparation entre activités professionnelles et personnelles sur le matériel du cabinet…
En cas d’attaque, ne pas éteindre le matériel, mais déconnecter les câbles réseau et évaluer les dégâts.
Le site gouvernemental https://www.monaidecyber.ssi.gouv.fr/ pourra être consulté pour en savoir plus.
E.B.
Comment les nouveaux concepts de l’ergonomie peuvent aider le binôme praticien(ne)-assistant(e) à être plus efficient
Responsable scientifique : Jean-Michel Laffont
Intervenants : Jean-Michel Laffont, Corinne Salomon, Vincent Arnold
L’ergonomie doit aujourd’hui être abordée selon une nouvelle approche basée sur la proprioception, c’est-à-dire sur la perception du corps dans l’espace, en se fiant uniquement à son ressenti, ce qui rend la posture bien plus naturelle. Cette approche comportementale est la moins contraignante et celle qui entraîne le moins de douleurs. Cependant, nous devons composer avec du matériel qui n’a pas été conçu dans cette optique et en particulier le fauteuil dentaire, dont la configuration provient de l’antique fauteuil de barbier. Le conférencier promeut les principes du Dr Beach développés dans les années 1950. Pratiquer la dentisterie, selon le Dr Beach, revient à adapter l’environnement de travail au chirurgien-dentiste et non l’inverse. Le praticien adopte une position ergonomique détendue et confortable à 12 h, tandis que le patient est totalement allongé sur une table de soins. Les mouvements du praticien se limitent aux avant-bras, les doigts à hauteur du cœur, les pieds posés à plat sur le sol et le buste droit.
L’assistant(e) est assis(e) sur un tabouret sans dossier, 10 à 15 centimètres au-dessus du praticien, les pieds sur l’arceau de base de son siège. L’aménagement du cabinet tient compte de ces principes en définissant quatre zones : une zone de travail partagée avec l’assistant(e), une zone de passage pour l’assistant(e) derrière le praticien, une zone de stockage (les meubles dentaires) et une zone de dégagement opposée au fauteuil pour l’installation et le départ du patient. L’assistant(e) ne passe jamais au pied du fauteuil hors de la vue du patient.
Les conseils de Corinne Salomon, ex-assistante dentaire et formatrice chez Binhas Global Dental School
La conférencière applique un travail en binôme et à quatre mains, qu’elle décrit comme étant efficace sans générer de stress ni de troubles musculosquelettiques. Cela implique une bonne connaissance par l’assistant(e) des protocoles de soins, afin d’anticiper au mieux les besoins du praticien. Ensuite, le matériel et les consommables nécessaires seront prédisposés sur le plan de travail, suivant une liste écrite. Petite astuce pour rédiger cette liste la première fois : prendre en photo l’unit du fauteuil, la tablette et le plan de travail à la fin du soin avant de débarrasser le matériel, et noter par écrit tout ce qui a été utilisé et dans quel ordre.
Un cadran horaire virtualisé au-dessus du fauteuil définit la position de chacun. Un praticien droitier se positionnera de 9 h à 1 h, l’assistant(e) de 1 h à 4 h et la zone de dégagement du patient sera située entre 4 h et 8 h. La zone de transfert des instruments entre le praticien et l’assistant(e) ne passe jamais au-dessus de la tête du patient, mais au niveau du thorax, sous le menton.
Chaque instrument est fermement placé dans la main du praticien par la main gauche de l’assistant(e) et avec des mouvements de doigts qui permettent de reprendre aussi l’instrument précédent. Le tout s’effectue avec un minimum de mouvements du buste et des bras, en s’inspirant des travaux publiés par les époux Gilbreth dans les années 1920. Ces ingénieurs ont étudié la cinématique du corps au travail et optimisé l’ergonomie pour l’industrie, afin d’améliorer le rendement des ouvriers sans fatigue.
Les conseils de Vincent Arnold, chirurgien-dentiste et formateur à la Binhas Global Dental School
L’optimisation de la vision de l’équipe dentaire doit être prise en compte dans l’organisation de travail au fauteuil. Cela débute par de bonnes positions autour du patient comme évoqué précédemment, de bons points d’appui, un matériel adapté et la tête du patient bien positionnée. Si l’on dispose d’une selle, ne pas l’utiliser en position assis/debout mais comme un tabouret classique sans accoudoir, de telle façon à pouvoir glisser ses jambes sous le dossier du fauteuil patient. Le conférencier recommande des miroirs de bouche taille 2 à 135° d’angulation, plus petits que ceux habituellement présents dans les cabinets, et qui correspondent mieux au champ de vision de l’opérateur. Le travail sous digue est un moyen efficace de prévenir la buée sur les miroirs pendant l’acte. La canule d’aspiration sera positionnée pour écarter la joue et améliorer la vision intrabuccale.
L’ambiance lumineuse du cabinet est un élément crucial pour améliorer la vision sans fatigue visuelle : scialytique bien focalisé dans un environnement suffisamment lumineux.
Dans cette démarche, les aides optiques sont devenues incontournables pour le praticien, depuis les loupes jusqu’au microscope opératoire pour lequel le travail à quatre mains devient
obligatoire. E.B.
Les violences au cabinet dentaire : faire face
Responsable scientifique : Geneviève Wagner
Intervenante : Stéphanie Ferrand
D’abord le constat. Les violences visant les cabinets dentaires sont en constante augmentation. De 177 faits déclarés en 2021 sur la plateforme de l’Observatoire national des violences en santé (ONVS), nous sommes déjà à 363 déclarations au moment de l’ADF 2024. L’année n’est pas terminée et la sous-déclaration est très probable… Si la majorité des déclarations concerne des agressions verbales, certaines relèvent des faits très violents : des menaces de mort, des coups, des attaques par armes blanches, des jets par la fenêtre, des agressions sexuelles, des dégradations de biens, etc.
« Si vous êtes victime de violences dans le cabinet, nous vous encourageons vivement à faire une déclaration sur la plateforme de l’ONVS (https://dgos-onvs.sante.gouv.fr), conseille Stéphanie Ferrand, juriste au Conseil national de l’Ordre des chirurgiens-dentistes. Date et lieux, faits, motifs, victimes, auteurs, etc. Il est important de poser des mots, de décrire les faits. La profession a intérêt à ce que toutes les violences soient déclarées pour que les pouvoirs publics prennent conscience de la réalité. »
Mais attention, prévient la juriste : une déclaration auprès de l’ONVS ne vaut pas plainte. Celle-ci doit être recueillie par les services de police et de gendarmerie. Chaque conseil départemental de l’Ordre dispose d’un référent violence qui peut vous aider dans ces démarches. Il peut aussi se constituer partie civile à vos côtés.
Les violences intrafamiliales subies par les patients
Il n’y a pas de symptomatologie typique, pas de profil particulier des victimes de violences intrafamiliales ; elles touchent tous les milieux sociaux. Pour les détecter, une seule possibilité : le questionnement. « Il faut y penser systématiquement et poser la question au moindre doute, assure Stéphanie Ferrand. Ce questionnement est très bien accepté par les patients. » Si la parole se libère, quelles que soient les violences subies, il est impératif de retranscrire de manière exhaustive les déclarations concernant les violences telles que décrites par la victime, avec ses mots. Les constatations physiques visibles, orales (lésions, dents cassées, etc.) comme extra-orales (contusions, hématomes, etc.) doivent être scrupuleusement consignées.
Le praticien pourra ainsi établir un certificat médical. Cette pièce est essentielle, c’est l’un des éléments permettant à la victime d’engager une action en justice et d’obtenir des mesures de protection. Dans ce document (modèles disponibles sur le site de l’Ordre), le chirurgien-dentiste retranscrit les déclarations de la victime et atteste de l’existence de signes ou de lésions traumatiques. « Même en l’absence de lésions visibles, le certificat atteste des propos et de l’état émotionnel de la patiente », souligne Stéphanie Ferrand. Le certificat est remis à la personne en main propre. Une copie est conservée dans son dossier. Le chirurgien-dentiste peut effectuer un signalement au procureur de la République pour toute personne victime de violences, si cette dernière donne son accord. Et, par dérogation au secret médical, il est autorisé à signaler une telle victime, sans son accord, dès lors qu’elle se trouve en situation de danger immédiat et sous emprise (ces deux conditions étant cumulatives).
S’agissant des mineurs, avant 15 ans, le signalement est obligatoire, sans que le consentement de la victime soit requis. Après 15 ans, l’accord de la victime est nécessaire. « Le signalement aux autorités compétentes ne peut engager la responsabilité civile, pénale ou disciplinaire du chirurgien-dentiste, sauf s’il est établi qu’il n’a pas agi de bonne foi », précise Geneviève Wagner, vice-présidente du Conseil national de l’Ordre des chirurgiens-dentistes chargée des affaires juridiques. Une formation en e-learning destinée à mieux repérer, prendre en charge et orienter les patients victimes de violences est disponible sur le site de l’institution : consultez le site.
N.F.
Violences : les chiffres
• 65 professionnels de santé agressés chaque jour en France, quel que soit leur lieu d’exercice ;
• 20 000 signalements de violence envers des professionnels de santé recensés chaque année ;
• 271 263 victimes de violences au sein du couple enregistrées par les services de police et de gendarmerie en 2023 ;
• 114 100 victimes de violences sexuelles ;
• 160 000 enfants victimes de violences sexuelles chaque année ;
• 5,4 millions de femmes et d’hommes adultes en ont été victimes dans leur enfance.
Deux missions clés pour les assistant(e)s : l’accueil et le conseil
Responsable scientifique : Doniphan Hammer
Intervenants : Sébastien Perrin, Marie-Hélène Crevoisier, Stéphanie Duriaux
Nous n’avons jamais deux fois l’occasion de faire une bonne première impression », dit l’adage. Or, l’assistant(e) dentaire étant généralement la première interlocutrice du patient, elle a un rôle clé dans l’image de marque et la qualité de service du cabinet. Elle en est en quelque sorte la carte de visite. « Tout commence par une sonnerie, lance Sébastien Perrin, praticien à Sion (Suisse). Celle du téléphone. Tout compte : ce que vous allez dire et comment, mais aussi la technique. Dotez-vous de bons outils. Choisissez un téléphone avec deux lignes entrantes pour gérer le maximum d’appels. Essayer le casque et l’oreillette, cela change la vie. » Au moment de répondre, rien ne vaut le support d’une fiche d’appel avec un scénario. La fiche d’appel permet de recueillir l’information de manière précise et de la transmettre dans de bonnes conditions à l’équipe. Le scénario, préparé assez tôt, permet de faire face à l’imprévu, de conduire la conversation mais aussi de réfléchir aux mots que l’on utilise.
On évitera ainsi par exemple le classique « Ne vous inquiétez pas », qui suppose qu’il y a matière à s’inquiéter, au profit du « Rassurez-vous ». « Il ne s’agit pas d’apprendre par cœur les scénarios possibles, mais de posséder des éléments de langage positifs », remarque encore Sébastien Perrin. Ensuite, il reste à écouter le patient avec empathie. C’est-à-dire se mettre à sa place, le comprendre sans le juger, mais sans devenir son esclave. Vous pouvez également personnaliser la relation. « Je suis Claudine, appelez-moi personnellement la prochaine fois », par exemple.
Poignée de main ferme, contact visuel appuyé, sourire
Vient logiquement, ensuite, le contact physique, lorsque le patient entre dans le cabinet. L’exercice est différent. Soyez disponible et préparez-vous à son arrivée, particulièrement si c’est un nouveau patient. « Tout le monde aime se sentir attendu et reconnu. Appelez-le par son nom en l’accueillant », conseille Marie-Hélène Crevoisier, chirurgien-dentiste à Chexbres (Suisse). Optimisez les messages non verbaux : poignée de main ferme, contact visuel appuyé, sourire. « Lorsque l’on communique, seuls 10 % de notre communication est verbale, le reste est paraverbal (son, intonation, rythme, tic de langage, etc.) pour 38 % et non verbal (posture, geste, mimique, serrage de main, parfum, etc.) pour 52 % », détaille la praticienne. Profitez du moment où le patient va remplir son dossier ou son questionnaire médical pour faire connaissance avec lui. « Un patient ne peut pas évaluer d’emblée la qualité technique de l’équipe médicale et du praticien. C’est donc sur l’accueil, l’environnement dans lequel il arrive et la qualité de sa prise en charge qu’il va vous juger. Cherchez l’effet waouh ! Votre objectif est de créer un fan-club ». Une bonne technique : accompagner le patient jusqu’à la salle d’attente en lui indiquant les éléments pratiques (l’emplacement des toilettes, notamment) sans forcément aller jusqu’à la visite complète du cabinet. Objectif : familiariser ce nouveau patient avec les lieux et le mettre à l’aise. Une fois qu’il est en salle d’attente, donnez-lui une estimation du temps d’attente : une estimation rassure et évite les impatiences.
Au-delà de l’accueil, une bonne communication va vous permettre de relayer les messages du praticien sur les soins, les consignes post-traitement et plus généralement de motiver le patient à l’hygiène bucco-dentaire. Vos objectifs en trois mots : éduquer, conseiller, rassurer. « Posez des questions ouvertes au patient, pour connaître ses désirs, ses craintes, ses motivations, son historique médical et dentaire, explique Marie-Hélène Crevoisier. Il n’y a pas de tabous. Il faut faire sauter les freins émotionnels comme l’argent, la peur d’avoir mal, les questionnements sur l’apparence au cours du traitement, la durée du traitement, la peur de poser des questions directement au praticien, etc. Plus on a d’informations, plus la relation de confiance peut s’établir parce que l’on va y apporter des réponses rassurantes. » Un patient confiant est un patient fidèle. N.F.
Astuces pour un accueil téléphonique au top
• Un bon poste de travail, avec à disposition, en plus du téléphone, le logiciel du cabinet ouvert pour avoir accès à l’agenda, de quoi prendre des notes et des scripts à portée de main pour avoir des réponses clés en main en fonction de la demande.
• Toujours consigner l’appel dans un journal des appels (nom, numéro, raison de l’appel (la demande du patient), priorité, etc.) pour ne pas oublier de faire passer le message.
• Posture droite. Le fait d’être « avachi » s’entend au téléphone.
• Ne pas laisser passer plus de trois sonneries.
• Toujours utiliser la même formule d’accueil en donnant le nom du cabinet, son prénom, sa fonction, et évidemment saluer et poser une question ouverte : « Bonjour, que puis-je faire pour vous ? »
• À la fin de la conversation, reformuler la demande et votre réponse : « Vous souhaitiez un rendez-vous pour votre enfant, il (elle) aura rendez-vous à cette date-là » et remerciez votre interlocuteur pour son appel.
• Pour ce qui est du rythme, du débit, du volume, le mieux est de s’enregistrer pour s’écouter et s’entraîner à bien placer sa voix, tout comme pour le message présent sur le répondeur du cabinet. Il devra être soigné : toujours actualisé et donnant des informations précises (heures, site Internet, spécialités…).
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