87e réunion scientifique de la SFODF

  • Publié le . Paru dans L'Orthodontiste n°4 - 15 septembre 2015
Information dentaire
Pourquoi et comment opérer nos patients ? Que répondre à un patient désirant améliorer sa fonction masticatrice, mais aussi son esthétique ? Faut-il systématiser la prise en charge chirurgicale, ou repousser les limites de nos traitements orthodontiques ? Quel type de chirurgie proposer, comment l’expliquer correctement au patient ?
Voilà des questions auxquelles nous sommes quotidiennement confrontées et qui nous ont conduites à Aix en Provence, pour cette réunion scientifique, à la recherche de réponses.

Aix-en-Provence 15 et 16 mai 2015

Tout au long du congrès, nous avons beaucoup appris et pu entendre des conférenciers critiques quant à la qualité de leurs traitements, passés et présents. Soucieux d’optimiser la prise en charge de leurs patients, ces praticiens ne cessent de faire évoluer leur pratique et mettent au cœur de toute thérapeutique la triade essentielle au succès : patient/orthodontiste/chirurgien.

La première matinée a été consacrée au diagnostic chirurgical et son explication au patient.
La chirurgie est un acte lourd, entraînant dans le cas de nos patients un changement de l’esthétique faciale, de l’apparence, et par suite, du regard des autres. Il est donc indispensable de les accompagner, de les préparer et de leur donner les explications indispensables à leur coopération.
Le Dr Binhas a su éclairer notre attitude. Le patient est apte à comprendre, à l’aide de mots simples et précis, adaptés à son niveau de connaissances, en quoi consistent la chirurgie et son bien-fondé. Il faut lui fournir une explication complète, sans le noyer de détails superflus afin qu’il appréhende au mieux l’intervention, en gérant son stress, et puisse donner son consentement éclairé dans une relation de confiance. Il a également souligné l’importance psychologique du suivi post-chirurgical immédiat.

Pour le Dr Racy, lors de l’annonce d’un protocole ortho-chirurgical il faut respecter des règles de psychologie simples prenant en compte les contraintes subies par les deux parties : coté soignant, la responsabilité, le discours en fonction du NSE, le profil psychologique du patient, le planning et côté patient, la longueur du traitement, l’échéance tardive, la coopération assidue et l’acceptation des contraintes.
L’annonce de la chirurgie est essentielle par son moment (le plus tôt possible) et sa manière (éléments positifs : chance et avantages).

Les Dr Brunel et Garcia ont ensuite insisté sur la triade : chirurgien, orthodontiste et patient, ce dernier ayant un rêve mais sans avoir les connaissances des deux premiers.
Comme l’ont souligné les Dr Philippart et Galletti, 80 % des récidives ont lieu dans la 1re année post traitement. La collaboration entre orthodontiste et chirurgien permet de résoudre des cas complexes nécessitant des modifications squelettiques et dentaires.
C’est souvent l’association de plusieurs éléments qui conduit au protocole chirurgico-orthodontique. Sans ces éléments associés, le traitement d’une béance peut être envisagé de façon orthodontique uniquement, avec ou sans avulsions.
Doit-on systématiser une intervention pour un « cas chirurgical » dont le motif de consultation est un alignement dentaire, sous prétexte déontologique ou esthétique.
Les nouvelles techniques, comme les ancrages osseux, abordés par les Dr Thebault et Behdet, permettent de repousser les limites mécaniques des traitements orthodontiques, levant ainsi les obstacles thérapeutiques qui entravaient la stabilité du traitement des cas complexes.

Après une pause déjeuner bien méritée, nous avons repris les conférences de l’après-midi, consacrées à la préparation préchirurgicale des patients.

Le Dr Le Gall a présenté la chirurgie de première intention qui vise à corriger le décalage des bases osseuses dans un premier temps, restituant ainsi un environnement fonctionnel à la face, puis secondairement le décalage dentaire, restituant une occlusion fonctionnelle. Cette chirurgie première apporte une amélioration esthétique précoce, réduit le temps de traitement global, permet une accélération du déplacement dentaire, lors du traitement orthodontique, et facilite le traitement orthodontique secondaire mais nécessite de prévoir l’occlusion avant l’intervention.

Pour le Dr Marinetti, une préparation orthodontique pré chirurgicale de qualité permet d’éviter au patient ce qu’il nomme « la double peine » : des avulsions ajoutées à la chirurgie d’avancée mandibulaire. Ainsi, des mini-vis placées au niveau des trigones rétro molaires permettent de distaler l’arcade inférieure, créant le surplomb nécessaire à l’avancée mandibulaire sans recours à des avulsions. De même, des mini-vis associées à des plans de morsure peuvent éviter le recours à la chirurgie maxillaire, dans certaines bascules frontales du plan d’occlusion.

L’anatomie labiale est primordiale et influe sur l’esthétique et l’harmonie du visage. Le Dr Bereni a rappelé les différents paramètres labiaux à évaluer : forme, dimension, volume, surface et contour. Chacun nécessite une prise en charge spécifique pour un résultat satisfaisant. Des produits résorbables (autologues ou non) peuvent redonner du volume, et les contours peuvent être avantageusement corrigés par la cosmétologie. L’orthodontiste doit apprécier le soutien labial apporté par les dents et l’os et l’intégrer dans ses choix thérapeutiques. La prise en charge dépend du vieillissement tissulaire. L’espace interlabial au repos doit laisser apercevoir l’incisive maxillaire.
Le Dr Nassar El Turk, consoeur libanaise, a rappellé que les canons esthétiques et les doléances des patients varient d’un pays à un autre. Il est important de comprendre et répondre à la demande spécifique du patient.

Le Dr Nimeskern a raconté son expérience de patient, la gestion du stress de l’intervention orthognatique et des conséquences postopératoires. Il ressort de son vécu que ce ne sont pas les gestes les plus lourds qui causent le plus d’inconfort.

Le Dr Paris, membre de l’académie du sourire, a souligné l’intérêt d’une prise en charge multidisciplinaire. La collaboration entre orthodontiste, omnipraticien, chirurgien maxillo-facial, chirurgien plasticien et implantologiste semble indispensable pour restaurer de façon optimale le sourire et le confort occlusal de nos patients.
Le Pr Charrier a montré dans son exposé que les nouvelles techniques mini invasives, sans élévation de lambeaux gingivaux, ont rendu les corticotomies plus accessibles. De plus, l’imagerie 3D actuelle met en évidence une ostéogenèse induite par cette intervention.
Pour conclure cette journée, Mme Girard, kinésithérapeute, qui nous avait déjà marquées lors de ses conférences aux JO, est revenue sur l’indispensable rééducation préchirurgicale musculaire et fonctionnelle qui assure une meilleure stabilité et limite les récidives. L’apport de la kinésithérapie dans tous nos traitements orthodontiques, chirurgicaux ou non, nous apparait désormais indispensable.

La deuxième journée a été consacrée à « comment opérer » : la chirurgie, ses progrès et ses avancées techniques
Le Dr Albino Triaca a commenté la préparation ortho-chirurgicale dans les 3 sens de l’espace.
Pour lui, des décompensations trop importantes, des plans d’occlusion mal orientés ou des corrections insuffisantes du sens transversal peuvent être responsables de troubles articulaires par atteintes condyliennes irréversibles. Il a donc mis au point deux nouvelles techniques : le « front block » et le « chin wing » qui permettent d’éviter ces complications articulaires et les récidives liées à la tension musculaire. La technique du « front block » consiste en une distraction du bloc incisivo-canin mandibulaire et non du rebord basilaire, permettant de corriger un surplomb ou une DDM sans avulsion.
Le rebord mandibulaire est pris en charge séparément, c’est le « wing », permettant d’améliorer l’esthétique faciale de l’angle mandibulaire lors des chirurgies orthognathiques. Il est le plus souvent associé à une génioplastie (« chin »).
Le Dr Triaca recherche l’équilibre du visage dans les 3 sens de l’espace, privilégiant le beau, le fonctionnel et le stable.

Plusieurs praticiens du groupe Génios ont ensuite présenté différentes communications.
Le Dr Taiariol a montré que l’évolution des techniques opératoires et anesthésiques a permis une augmentation des indications chirurgicales.

Puis le Dr Caquant a rappelé qu’il ne faut pas négliger le sens transversal particulièrement récidivant. L’interception est primordiale et les modalités de traitement dépendent de l’âge du patient, mais aussi de la gravité du décalage et de sa nature.
Le Dr El Okeily a démontré l’intérêt de la 3D lors des traitements des asymétries faciales, et a insisté sur l’étroite collaboration nécessaire entre chirurgien et orthodontiste, afin d’optimiser le traitement dès le plus jeune âge.
Le Dr Esnault utilise pour traiter un encombrement mandibulaire antérieur la technique du « front block » de Triaca associée à un distracteur à appui osseux et un lip bumper équipé de vérins expansifs ligaturés sur l’arc au niveau incisif. Cette technique permet de traiter les patients en classe I molaire et classe II canine, avec un encombrement mandibulaire isolé, sans stripping et sans avulsion. Elle permet aussi de corriger des surplombs inférieurs à 6 mm.
Le Dr D’Hauthuille a présenté une technique d’ostéotomie haute de la mandibule, mini-invasive et innovante qui réduit les suites opératoires, les risques d’atteinte du nerf mandibulaire et de fracture osseuse ainsi que les conséquences néfastes sur les ATM. Elle permet de repositionner les angles mandibulaires en cas d’asymétrie verticale, sans incision cutanée angulaire.
Le Dr Sidjilani a montré, à travers un cas clinique, que la chirurgie condylienne unilatérale pouvait permettre de traiter et d’améliorer esthétiquement l’hypercondylie unilatérale.

Grâce à la technique du « chin wing » le Dr Cresseaux, chez des patients hyperdivergents, redonne à l’angle mandibulaire et au rebord basilaire une forme et une orientation correctes, assurant l’esthétique de la face et permettant de regagner une compétence labiale efficiente. Le bord inférieur mandibulaire est totalement réorienté : les régions postérieures sont abaissées, avec interposition d’un greffon autologue ou non et la partie antérieure est impactée, supprimant cliniquement l’hyperdivergence.

Pour terminer cette matinée riche en enseignements, le Dr Saboye, président du groupe Génios, a énoncé une à une les idées reçues sur la chirurgie orthognathique, montrant qu’elles étaient obsolètes. Les dogmes ont changé au fil de l’évolution des techniques, des connaissances et des matériaux. Aujourd’hui il est possible d’opérer avant la fin de la croissance, après 60 ans, avant un traitement orthodontique, sans douleurs postopératoires, en ambulatoire…

La dernière après-midi a été consacrée à l’avenir et aux progrès concernant les traitements ortho-chirugicaux.
Les nouveautés technologiques au service des traitements ortho-chirurgicaux ont été abordées : ancrages osseux, set up 3D, réalisation du matériel grâce à la stéréolithographie, simulations par imprimantes 3D. La création d’un guide occlusal adjoint à des plaques latérales, pour le bon positionnement des condyles lors d’ostéotomies, a été proposée par le Dr Laurentjoye.

La conclusion de ces 2 jours est revenue aux Dr Esnault et Dr Joseph qui ont dévoilé leur CROCO (Concept de Raisonnement Ortho Chirurgical Optimisé), fruit de leur réflexion diagnostique, associant un Crocortho, un Crocoflex et un Crocochir.
La clé du succès thérapeutique est de respecter les principes fondamentaux de fonction, esthétique et stabilité, en travaillant en équipe afin de proposer au patient la meilleure thérapeutique possible. L’annonce au patient de la chirurgie est primordiale « avant c’est une explication, après c’est une excuse ». Connaître son interlocuteur, comprendre ses méthodes de travail permet d’établir une bonne relation de travail et ainsi de rassurer le patient.

Ces deux jours, très enrichissants tant au niveau personnel que professionnel, ont été conclus par une visite de la ville d’Aix en Provence, ancienne capitale de la Provence. Après avoir découvert l’attachement de Cézanne et Zola à cette ville d’origine romaine fondée en -122, nous avons profité d’un cocktail dînatoire dans son superbe hôtel de ville.
La soirée de clôture de cette 87e réunion scientifique fut mémorable. Nous repartons donc pleines d’entrain, avec la tête remplie de souvenirs, prêtes à mettre en application tous ces conseils, ces nouvelles connaissances et ces bonnes pratiques, conscientes que la qualité de la relation orthodontiste – chirurgien maxillo-facial est essentielle au succès de ces traitements.


Les conférenciers autour du Président de la SFODF et des Présidents du congrès.


La remise des prix par Olivier Sorel et Marie-Pierryle Filleul.

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