Beaucoup de vos proches sont en ce moment à Alep. Comment vont-ils ?
Ils vivent dans la peur. La peur d’être les prochaines victimes. Les bombardements ne cessent jamais. Ils ne comprennent pas que la communauté internationale ne fasse pas plus. Rendez-vous compte, il y a quelques jours, douze missiles sont tombés sur le quartier où vit ma sœur en un soir. Douze missiles ! Elle a dû se réfugier avec ses enfants dans le sous-sol de la mosquée.
Avez-vous perdu certains membres de votre famille ?
Oui, plusieurs. Une autre de mes sœurs est morte, car un missile est tombé sur sa maison. Elle avait 55 ans. Beaucoup sont blessés aussi. C’est terrible d’être là, à des milliers de kilomètres. La souffrance de ma famille me fait souffrir. Moi, je suis en sécurité ici. Je pense tout le temps à elle.
Comment contactez-vous vos proches ?
J’ai des contacts plusieurs fois par semaine. Les lignes téléphoniques ne fonctionnent plus. Mais Internet, si. Donc on utilise Skype ou What’s App pour communiquer. C’est simple, quand l’un d’eux m’appelle, je sais que c’est pour une mauvaise nouvelle. Donc, à chaque fois, je m’attends au pire. Je me dis : « Tiens, cette fois, qui est blessé ? » Au bout du fil, mon rôle est de les consoler, de leur dire que ça va s’arranger rapidement. Mais je n’y crois pas moi-même.
Votre association s’appelle « Syria Charity ». Quels sont vos besoins ?
J’ai monté cette association il y a maintenant cinq ans. Je travaille avec d’autres Syriens de France qui vivent eux aussi la guerre à distance, impuissants.
Tous les deux ou trois mois, nous envoyons sur place du matériel médical. Des médicaments, des aiguilles, des compresses, des pansements, des fauteuils roulants, des instruments. En ce moment, notre projet principal est de faire fonctionner un hôpital mère-enfant sur place. Pour cela, nous avons besoin d’appareils, par exemple pour réaliser des mammographies ou pour faire des anesthésies. Du coup, je lance un appel au monde médical : si vous avez du matériel qui traîne dans votre cabinet…
Comment se déroulent justement les collectes ?
Nous disposons de plusieurs dépôts, comme à Paris, à Lyon ou encore Angers. Je gère ce dernier. Nous avons fait appel à la générosité des professionnels de santé. Les paroisses nous donnent aussi un bon coup de main.
Pour les réfugiés, les soins dentaires ne semblent pas être la priorité…
C’est pourtant très important. Voilà pourquoi nous cherchons à organiser des soins dentaires dans les camps de réfugiés situés aux frontières avec la Syrie. Là aussi, nous avons besoin de matériel. Des chirurgiens-dentistes syriens sont prêts à assurer les soins.
Combien de temps prend l’envoi de matériel ?
Un convoi met entre trois et quatre semaines pour arriver. Tout dépend de la façon dont ça se passe à la frontière turque. En tout cas, dès qu’on dispose de suffisamment de matériel, on prépare un envoi.
Mikael Alolaiwy
Propos recueillis par Raphaël Godet
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