Feuilleter un extrait
Information dentaire

L'Orthodontiste n°5 - 15 décembre 2024

Je m'abonne >
Acheter ce numéro >

Edito

TAD's m'a tuer ! Dans un congrès comme au cinéma, il y a des conférences qui font rêver avec des cascades et des courses-poursuites et des effets spéciaux et des acteurs superbes dignes d’un blockbuster. Et puis, il y a des présentations réalistes qui montrent la vraie vie avec des acteurs qui ressemblent à votre buraliste ou à votre boulanger, qui pleurent sans drama quand ils sont tristes...

TAD's m'a tuer !

Dans un congrès comme au cinéma, il y a des conférences qui font rêver avec des cascades et des courses-poursuites et des effets spéciaux et des acteurs superbes dignes d’un blockbuster. Et puis, il y a des présentations réalistes qui montrent la vraie vie avec des acteurs qui ressemblent à votre buraliste ou à votre boulanger, qui pleurent sans drama quand ils sont tristes comme dans les films arts et essais.

Ce jour-là, peut-être étaient-ce dans les années 2——000, au sortir de l’amphithéâtre, l’effet blockbuster était maximal. On en avait eu plein la vue : un conférencier virtuose nous avait étourdis avec ses minivis… Les minivis étaient des enfants de la famille TAD’s, vagues descendants des implants !

Au moment de la pause, les congressistes avaient déferlé, rêveurs dans les couloirs du palais des congrès. Chacun commentait, étourdi d’espoir flottant, y allant de son éloge : « Superbes cas », « Iconographie parfaite », « Ça fait rêver », « Alternative à la chirurgie », « Ancrage absolu ». Déjà, TAD’s était pressenti, aux Oscars, pour gagner le prix du meilleur espoir. Les congressistes les plus dubitatifs, comme des oiseaux noirs, répondaient « Récidive ? », « Limites des mouvements ? » et « Résorptions radiculaires ? ».

Et puis, on en avait vu de plus en plus, des TAD’s : sur les gencives, le palais, la zone rétrotubérositaire et la tête alouette. Pour corriger une béance, une biproalvéolie et compenser ou décompenser une classe II et peut-être même bientôt pour faire le café. Hier inconnus, ils étaient depuis devenus incontournables.

Ainsi se sont imposés les TAD’s. Les années passant, on précisait, en présentant un cas clinique, « réalisé avec ancrage osseux » ou « sans ancrage osseux ». Un peu comme on dirait « avec effets spéciaux » ou « sans effets spéciaux ». L’ancrage n’existait plus en tant que tel. Il n’existait que sous ces deux sous-formes-avatars.

Aujourd’hui, le terme « Ancrage » est galvaudé : on parle d’« ancrage » comme certains parlent d’« amis » pour désigner de vagues connaissances sur les réseaux sociaux. Nous nous précipitons pour choisir les TAD’s : leur forme, leur longueur, leur col, leur design.

Certes, les TAD’s sont utiles et ont changé notre activité. Mais prenons le recul d’envisager, au cas par cas, la nécessité et les modalités d’ancrage en amont. Vérifions si nous l’avons bien géré en aval… histoire de ne pas se retrouver, un jour, avec notre bon vieil Ancrage, celui que nous avions rencontré alors fringant lors de nos études d’orthodontie, gisant au sol avec, à côté de son cadavre inerte, inscrits les mots ensanglantés « TAD’s m’a tuer ! ».

Voir plus
Éditorial I Lire ci-dessus

Sarah Chauty

 

Coup de gueule I Lire ci-dessous

Guillaume Lecocq

 

Actualités

Nicolas Fontenelle

 

Revue de presse scientifique

Carole Charavet

Variations de la morphologie de l’os alvéolaire dans la région des molaires maxillaires : une étude rétrospective par CBCT

Les effets biologiques de la Piezocision™ : une revue systématique des études animales

Ancrage par mini-vis versus par élastiques de Classe II pour la distalisation de l’arcade maxillaire à l’aide d’aligneurs transparents

L’efficacité et la sécurité des corticotomies et des interventions orthodontiques ostéogéniques d’accélération du mouvement dentaire : une méta-analyse mise à jour

 

L’ancrage – 2e partie

Critères de choix du design des têtes rétentives lors du traitement orthodontique actif et passif
Stéphane Renger

Le traitement des biproalvéolies : quel ancrage envisager ?
Thibaut Siebert

Traitement du sourire « pauvre »
Ahmed Zribi

Correction d’une classe III par recul molaire avec ancrage mini-implantaire : indications
Caroline Cazenave

Traitement des classes II par ancrages extra-alvéolaires maxillaires
François Darqué, Thibault Grezes-Besset

L’Abalakov en 2024 illustré par 5 cas originaux
Lucie Grzelczyk, Raphaël Filippi

Correction tardive de la malocclusion de classe III avec un protocole Alt-Ramec modifié
Maria Costanza Meazzini, Leonardo P. Demonte, Fabio Carta

 

Agenda

 

 


Coup de gueule

Guillaume Lecocq

Mini-vices ou minivis ? Pourquoi les minivis ne sont pas un ancrage !

Par ce titre, j’espère vous interpeller.

Depuis des années, on nous ressasse que les minivis sont un ancrage absolu, comment soutenir qu’elles ne sont absolument pas un ancrage ?

Par lassitude !

Par lassitude de voir des propositions thérapeutiques et des plans de traitement voulant défier l’ancrage grâce aux minivis et prétendre ainsi résoudre tous les problèmes biomécaniques.

L’ancrage sert au déplacement dentaire, et ne voir le déplacement dentaire qu’à travers le prisme déformant du besoin d’ancrage occulte une partie essentielle de la biomécanique : le système de forces à mettre en place pour obtenir le déplacement souhaité.

Lorsqu’on transfère l’ancrage de la dent à une minivis, cela vient changer le point d’application de la force et donc l’intégralité des vecteurs forces mis en place sur les dents à déplacer.

Il va falloir repenser le système de force et pas seulement modifier le point d’ancrage. Trop souvent, les minivis sont utilisées comme nouveau point d’accroche du système élastique pour ne pas solliciter certaines dents. Mais le changement d’orientation des forces est oublié, créant des effets parasites nouveaux sur les dents à déplacer.

Les lignes d’action des forces passant par les minivis ne sont plus parallèles au plan de slots et génèrent une composante verticale non souhaitée. Le problème d’ancrage est donc levé par l’utilisation de la minivis, mais les effets parasites induits ne doivent pas être négligés.

En outre, les minivis posent un problème technique : leur positionnement dépend des sites disponibles et de leur qualité. Il n’est pas toujours possible de placer les minivis dans la position idéale pour le système mécanique souhaité, ce qui accroît les effets parasites à prendre en considération et à contrer.

Afin de résoudre le problème d’implantation, certains auteurs proposent d’utiliser toujours le même site fiable et développent des mécaniques toujours plus complexes pour espérer réaliser des mouvements dentaires dans les trois dimensions de l’espace.

Finalement, l’ancrage est simplifié, mais la mécanique est complexifiée.

Est-ce que cela se justifie d’un point de vue clinique ?

Il existe un ancrage naturel qui a été très bien décrit avant même l’existence des minivis et qui reste toujours valable !

Il ne faut pas négliger ces avantages que nous offre le contexte clinique et qui permettent une mécanique simple et maîtrisée limitant les risques d’effets parasites.

Ainsi, l’ancrage dentaire reste un ancrage valable, depuis longtemps décrit entre autres par Jarabak. Il peut être complété par un renfort d’ancrage mécanique : arc transpalatin, butée sur l’arc pour maintenir le périmètre d’arcade… 

Les contextes fonctionnel et squelettique, hypo- ou hyperdivergent / hypo- ou hypertomique, influencent également l’ancrage. L’occlusion inter-arcade plus ou moins engrénante est aussi à prendre en considération.

Ces différents ancrages naturels ne doivent pas être oubliés au profit de systèmes techniques à la mode. Tout ce qui est techniquement ou technologiquement faisable n’est pas nécessairement cliniquement souhaitable et optimal.

En réalité, les minivis doivent être considérées non pas comme un ancrage, mais comme une partie de l’ancrage, qui doit donc être complétée par une réflexion sur la méthode de connexion avec la résistance mobile (la ou les dent(s) à déplacer) et la nouvelle orientation des forces ainsi générées. Cela permet d’éviter de mettre en œuvre une mécanique complexe que la réflexion clinique sur l’ancrage naturel aurait pu simplifier.