L'Information Dentaire n°17 - 1 mai 2024

Exercice libéral, la liberté ?

Lorsque nous choisissons notre métier de chirurgien-dentiste, nous sommes séduits par le caractère libéral de l’exercice, tout comme par le fait d’être indépendant. Cette liberté et cette indépendance nous motivent inconsciemment. Mais bien vite, nous réalisons que la réalité est tout autre.

Contraintes, règlements, Urssaf, nomenclature, autorisations, justificatifs, sans oublier les impôts, font partie de notre quotidien. Nous nous imaginions adopter un horaire à la carte, prendre des congés à notre guise… Si cela reste possible en théorie, en pratique ce n’est pas simple !

Ces dernières années, de plus en plus de jeunes praticiens préfèrent travailler comme salariés plutôt qu’indépendants. Cela n’a rien de très surprenant au vu de la quantité d’obligations « non dentaires » qui s’imposent au praticien possédant un cabinet avec des assistantes, des collaborateurs et des associés. En plus d’être chirurgien-dentiste, il devient chef d’entreprise et doit également gérer les ressources humaines, domaine qui n’est pas enseigné dans son cursus universitaire.

Il est vrai que le métier a beaucoup évolué en quelques décennies, devenant de plus en plus exigeant, avec une charge de travail qui ne cesse d’augmenter. L’idée de ne pratiquer que des soins dentaires sans aucune autre préoccupation est illusoire, ce qui est bien regrettable. Alors peut-on reprocher aux « jeunes » de ne pas avoir envie de prendre des risques à tous niveaux pour se lancer « en libéral » et, au final, enchaîner des tâches qui les éloignent de ce dont ils rêvaient ?

Sans compter la relation désormais plus complexe avec les patients qui ont la possibilité de donner leur avis sur nos cabinets, via les réseaux sociaux ou autres sites d’évaluation. Ils nous attribuent des étoiles et nous sommes classés et jugés comme les restaurants ! Accessibilité du cabinet, délai pour obtenir un rendez-vous… tous les aspects de la structure sont commentés, jusqu’à température dans la salle d’attente ! En revanche, il est rarement fait mention de nos compétences, de la pérennité de nos soins ou de la modernité de notre matériel professionnel. L’évolution des technologies nous oblige pourtant à rester informés et à investir dans de nouvelles machines, de nouveaux programmes indispensables à l’exercice d’une dentisterie moderne de qualité, tout en nous facilitant vie, nous dit-on !

Malgré ces belles innovations, le stress lié au métier (risque infectieux, psychosocial, charge émotionnelle des patients…) reste bien présent et nous n’échapperons pas aux troubles musculo-squelettiques si nous ne prenons pas soin de nous. Dans ce numéro, notre confrère Jean-Philippe Gatignol se pose d’ailleurs une question fort à propos : la santé et le bien-être au cabinet dentaire, utopie ou réalité accessible ? Restons positifs et confiants dans l’avenir, gageons que les générations futures seront mieux préparées. Et rassurons-nous les uns les autres, nous vivons des situations de stress similaires. Nous avons au moins la liberté de partager entre confrères notre savoir-faire, mais aussi notre savoir-être, et c’est aussi l’une des raisons de lire L’Information Dentaire. Nous pratiquons quand même un bien beau métier !

Michèle Reners Rédactrice en chef