L'Information Dentaire n°20 - 17 mai 2023

Objectif zéro échec !

Est-il vraiment imaginable voire raisonnable d’obtenir 100 % de succès dans nos plans de traitement ? C’est en tout cas ce que certains orateurs annoncent et, avec un tel objectif, ils attirent les foules et font salle comble. Très souvent, il s’agit de personnes particulièrement talentueuses qui réalisent des actes à ne pas mettre entre toutes les mains. Grâce à des années de pratique, ils atteignent un niveau technique inégalé. Mais force est de constater que leur notion de la réussite ne tient pas toujours compte de tous les facteurs, comme le ressenti et le confort des patients. Car ces derniers ne sont pas tous prêts à subir plusieurs interventions, souvent invasives, qui augmentent le devis. Par ailleurs, ils considèrent que réitérer la même intervention ne constitue pas un échec. Aussi, restons vigilants lors des conférences ou encore des démonstrations de technologies un peu trop prometteuses. Les erreurs sont formatrices – qu’il s’agisse des nôtres ou de celles des autres. Et il est dommage que plus rares soient les conférenciers qui acceptent de jouer le jeu et de montrer leurs cas d’échecs, alors que ce sont eux qui nous permettront d’éviter de tomber dans les mêmes pièges.

Voyons d’où proviennent ces échecs côté patient.

Au niveau biologique, chaque individu dispose d’un potentiel de cicatrisation qui lui est propre, et qui n’est pas uniquement dépendant de facteurs de risque connus et souvent incriminés, comme le tabac ou le mauvais contrôle de plaque. Le facteur « terrain » n’est pas si facile à établir malgré une anamnèse sérieuse, car même s’il est en parfaite santé, le patient peut ne pas être suffisamment hydraté (problème fréquent et majeur chez les personnes âgées, dont nous ne nous préoccupons que rarement), présenter une carence alimentaire ou encore prendre des médicaments qui ont un impact sur sa santé orale.

Et c’est sans compter l’aspect psychologique. Ainsi, certains patients comme les bodydysmorphiques ne sont jamais satisfaits des résultats. D’autres au contraire sont toujours contents et comblés par le résultat final. Il faut donc tenter de dépister le profil de chaque nouveau patient, d’être sûr de ses désidératas et de le respecter en l’informant au mieux, ce qui nécessite souvent du temps.

Et côté praticien ?

Nous sommes nombreux à avoir des attentes très élevées quant aux résultats de nos traitements. Mais restons réalistes, le « sans-faute » n’existe pas. Le facteur humain peut être une cause d’échec. Mettre toutes les chances de notre côté en planifiant nos interventions à l’aide de check-lists est un bon début. Mais lorsque nous sommes contrariés, quelle qu’en soit la cause, le risque que nous soyons distraits et que nous obtenions un résultat moins bon que prévu est plus élevé. Retenons que l’erreur est humaine !

Nous rêvons tous d’un « zéro échec », tant dans nos vies privées que professionnelles. Mais c’est illusoire. Restons humains et indulgents envers nous-mêmes, ne devenons pas perfectionnistes au point de faire un burn-out. Visons les étoiles, inspirons-nous d’articles et de conférences pertinents, restons vigilants face aux discours séduisants en discutant avec nos pairs… et nous pourrons alors nous approcher du 100 % réussite.

Michèle Reners, Rédactrice en chef