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Information dentaire

L'Information Dentaire n°5 - 1 février 2023

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Éditorial

Mettre à mal les idées reçues ! I lire ci-dessous
Jean-Christophe Fricain

Avant-propos

Comment fumez-vous ? I Lire ci-dessous
Michèle Reners

Actualités

Tabac et santé orale
Gauthier Cazals, Collège National d’Occlusodontologie

Presse médicale spécialisée
Philippe Léonard

Actualité hebdo
Nicolas Fontenelle

Tabac et Santé orale

Impact des tabacs fumés et non fumés sur la muqueuse buccale et le parodonte
Juliette Rochefort, Annabelle Tenenbaum

Que penser du tabac chauffé et de la cigarette électronique ?
Emmanuelle Vigarios

Le tabac est-il une contre-indication à l’implantologie ou l’implantologie une opportunité au sevrage tabagique ?
Sylvain Catros, Florian Piteu, Mathilde Fénelon, Jean-Christophe Fricain

Modalités du sevrage tabagique en odontologie hospitalière – L’expérience nantaise
Anne-Gaëlle Chaux

Leviers et barrières de l’accompagnement au sevrage tabagique au cabinet dentaire L’expérience girondine
Sonia Purgues, Elise Arrivé

Découverte

Art

Cité du vitrail, Jean Widner : un musée à découvrir, un graphiste à redécouvrir
Thierry Leroux


Éditorial

Mettre à mal les idées reçues

Dans un article intitulé « Connaissances, attitudes et pratiques de la tabacologie chez les chirurgiens-dentistes en France », paru dans L’Information dentaire le 21 septembre 2022, on apprenait que les chirurgiens-dentistes libéraux interrogés prescrivaient peu de substituts nicotiniques par manque de : connaissances, supports pratiques pour informer et orienter les patients, sentiment de légitimité, rémunération.

Ce numéro IdMag hiver vient en écho de cet article rappeler au chirurgien-dentiste, quel que soit son mode de pratique, qu’il devrait être un acteur clé dans le monde de la tabacologie.

Le tabac sous toutes ses formes est consommé au contact de la cavité buccale qui en est la première victime. L’halitose apparaît dès la première cigarette consommée. Plus tardivement se manifestent les maladies parodontales, les affections muqueuses à potentiel malin et les cancers de la cavité buccale, les échecs des traitements chirurgicaux… L’odontologiste qui a intégré les notions de prévention en matière d’hygiène bucco-dentaire se trouve souvent dépourvu face au tabagisme de son patient qui est un facteur de risque de nombreuses pathologies buccales et d’échecs de traitements.

L’image du tabac et la réglementation ont évolué. Il est loin le temps de la distribution d’une ration de cigarettes aux conscrits, de la consommation de tabac sur les plateaux télé, dans les amphithéâtres des facultés, les trains, les avions… En Europe, les modes de consommation ont changé avec l’apparition de la cigarette électronique, des tabacs chauffés sans combustion promus par l’industrie du tabac et la pénétration du marché par des tabacs non fumés.

J’ai souhaité que ce numéro spécial tabac de L’Information dentaire aborde ces nouveaux modes de consommation et leur impact sur la cavité buccale. Vous découvrirez que certains tabacs non fumés sont moins nocifs pour la muqueuse buccale que d’autres, que les tabacs chauffés sans combustion présentés comme des produits moins nocifs que la cigarette par l’industrie pharmaceutique contiennent aussi des substances cancérigènes, que l’e-cigarette ne doit pas être recommandée comme produit de sevrage tabagique…

Un autre point que je souhaitais voir abordé dans ce numéro spécial était l’implantologie. Trop souvent, elle est contre-indiquée chez des patients au prétexte qu’ils fument et que le risque d’échec est multiplié par 2. Cette façon relative de présenter les chiffres n’est certes pas frauduleuse, mais elle ne traduit pas la réalité qui est que le taux d’échec passe de 3 % chez le non-fumeur à 6 % chez le fumeur. Dit autrement, contre-indiquer systématiquement l’implantologie pour les fumeurs équivaut à une perte de chance d’avoir un traitement implantaire pérenne chez 94 % des fumeurs.

Enfin, cette édition fait une large place au sevrage tabagique en odontologie au travers d’une pratique hospitalo-universitaire et d’une étude qualitative réalisée auprès des confrères libéraux. Ces deux articles sont l’occasion de montrer que des odontologistes des secteurs privé et public ont pris la mesure du rôle de l’odontologiste dans le sevrage tabagique. Si des freins, évoqués au début de cet éditorial, persistent, des pistes pour les réduire ou les faire disparaître sont proposées dans le dernier article.

En espérant que ce numéro thématique sera l’occasion de modifier ou d’améliorer vos pratiques professionnelles en lien avec la consommation de tabac de vos patients, je vous souhaite à tous une excellente lecture !

Jean-Christophe Fricain
PU-PH, UFR des Sciences odontologiques, Université de Bordeaux,
Service de chirurgie orale, CHU Bordeaux
Coordinateur scientifique de l’édition
Membre du comité éditorial de L’Information Dentaire


Avant-propos

Comment fumez-vous ?

Lors de l’anamnèse, nous avons tendance à interroger nos patients sur le nombre de cigarettes
qu’ils fument par jour, pensant qu’il s’agit du facteur majeur à considérer. Or, en lisant les pages de ce numéro spécial, vous réaliserez qu’il existe différents modes de consommation du tabac, et savoir lequel le patient utilise est important pour la planification du plan de traitement.

Vous apprendrez qu’outre les différents types de tabac fumés (sous forme de cigarettes, cigarillos, cigares, pipes, chichas…), il existe également les tabacs non fumés (à chiquer, à mâcher, à laisser « fondre » ou encore à priser). L’impact sur la santé orale diffère selon les moyens d’assimiler le tabac ; il est dès lors crucial de connaître les habitudes du patient qui est en face de nous. Mais il y a aussi les e-cigarettes et les cigarettes sans combustion.

D’ailleurs, lors de l’anamnèse, la plupart des patients ne mentionnent pas qu’ils vapotent tant ils sont convaincus que la cigarette électronique n’est pas du tout nocive. Ils ont l’impression que les composants inhalés sont inoffensifs et en ignorent les effets secondaires. Reconnaissons que nous n’avons pas toujours des informations claires à leur donner, mais l’article d’Emmanuelle Vigarios fait le point sur la question. Quant à la cigarette sans combustion, elle est présentée par l’industrie comme étant moins toxique, mais qu’en est-il réellement ?

Il faudrait compléter notre questionnaire médical avec la prise éventuelle de toutes les autres substances psychoactives qui se consomment et dont le patient ne parle pas toujours. Les drogues récréatives tels le haschich, l’héroïne, la cocaïne, le LSD… ont des effets néfastes sur le parodonte, démontrés dans des rapports de cas*. Ce sujet un peu tabou n’est pas facile à aborder étant donné le caractère illicite de ces substances, c’est donc en toute diplomatie qu’il faudra évoquer cette problématique.
Et pourtant, d’une manière générale, nous adoptons souvent un discours assez ferme et exigeant qui ne laisse pas de place à la complaisance : « Vous devez mieux brosser vos dents, plus souvent et utiliser les brossettes interdentaires, vous devez arrêter de fumer et manger moins de sucreries », etc. Comment faire pour assouplir notre discours par rapport au tabac ? L’article d’Anne-Gaëlle Chaux nous montre l’expérience très intéressante réalisée à Nantes. Il s’agit d’une mise en situation des étudiants via des ateliers pratiques pour développer leur sens clinique et leur capacité à aborder la problématique du tabac et l’aide que le chirurgien-dentiste peut apporter aux patients fumeurs. Un test de Fagerström pour mesurer leur dépendance nicotinique est nécessaire. Après analyse de différents paramètres, le choix se fera entre un sevrage tabagique ou une abstinence péri-opératoire, en sachant que prescrire et comment conseiller.

En résumé : Dis-moi comment tu fumes et je te dirai quel traitement dentaire je te propose selon les concessions que tu es prêt à faire !
En évoluant vers la médecine dentaire de précision, c’est un peu vers ça que nous allons.

*Hugues FJ, Bartold PM. Periodontal complications of prescription and recreational drugs. Periodontology 2000, 2018 ; 78 :47-58.

Michèle Reners
Rédactrice en chef