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Smoking, no smoking…
Il fut un temps où fumer était un geste banal, presque incontournable pour être dans la tendance. À la Belle Époque, arborer un fume-cigarette était le must de l’élégance. En toute insouciance, chacun fumait comme il buvait ou mangeait, sans connaître les méfaits de cette « drogue ». Plus tard, les publicités sont même allées jusqu’à associer le tabac à la liberté et la virilité (souvenez-vous du célèbre cow-boy…).
À l’heure actuelle, l’image du fumeur a bien changé. Fini le glamour. Car le fumeur sait qu’il prend des risques pour sa santé. Ceux qui fument se retrouvent parqués dans des fumoirs, loin de ceux qui ne fument pas, pour assouvir leur besoin. Il faut néanmoins distinguer les « gros » fumeurs des fumeurs occasionnels. Et puis il y a ceux qui vapotent en ayant l’impression de ne pas vraiment fumer en utilisant leur cigarette électronique. Une dernière sorte de fumeur regroupe tous ceux qui associent la cigarette classique et l’électronique, en imaginant que c’est mieux.
De nombreux patients se posent des questions et ignorent la meilleure façon d’arrêter de fumer. Mais quels conseils éclairés pouvons-nous leur prodiguer quant à l’usage des cigarettes électroniques ? Sont-elles moins néfastes ? Comment fonctionnent-elles ? L’article d’Alexandra Ilkiewicz et coll. fait le point et nous donne des réponses.
Alors, en 2021, quelle attitude doit adopter le chirurgien-dentiste face à un patient fumeur ? En parodontologie, le tabac constitue un facteur de risque majeur, et diriger le patient vers un programme de sevrage tabagique est une démarche courante. Ceux qui ont du mal à se défaire de cette addiction essaieront d’abord de diminuer le nombre de cigarettes fumées par jour. Mais la quantité de cigarettes fumées n’est pas le seul critère à prendre en compte. La façon dont elles sont consommées l’est tout autant. Un test peu connu, et pourtant très utile et rapide à utiliser, est intéressant en la matière : le test de Fagerström. Déterminant le degré de dépendance d’un fumeur, il est fondé sur six questions et fournit une information précise. Plus le score est élevé, plus la dépendance est forte. Et la manière d’aspirer la fumée et le moment de la journée où la cigarette est fumée influencent le degré de dépendance cérébrale à la nicotine. Une récente étude* a démontré la relation directe entre les résultats de ce test et la sévérité de la maladie parodontale.
Il est important d’avertir les patients que les options thérapeutiques qui leur sont proposées sont adaptées à leur consommation de tabac. En effet, nombreuses sont les études démontrant une mauvaise réponse des fumeurs face aux traitements parodontaux par exemple. Il est également recommandé de réaliser les chirurgies orales et implantaires chez des patients non-fumeurs ou qui peuvent s’abstenir de fumer le temps de la cicatrisation. Ne négligeons pas le rôle que nous pouvons jouer, d’une part pour dépister les éventuelles lésions muqueuses, et, d’autre part, pour aider un fumeur à se libérer de sa dépendance en l’informant au mieux des conséquences néfastes, des parcours de sevrage et en le soutenant dans son chemin vers la délivrance.
Michèle Reners
Rédactrice en chef
* Salhi L, Seidel L, Albert A, Lambert F. Fagerström test for nicotine dependence as an indicator in tobacco-related studies in periodontology. J Periodontol 2021;92(2):298-305.
Tribune
Non, le pass sanitaire ne menace pas les libertés publiques !
On appelle « libertés publiques » l’ensemble des droits et des libertés individuelles et collectives garantis par les textes législatifs, donc par l’État (les libertés ne sont dites « publiques » que si l’État intervient pour les reconnaître et les aménager).
Les textes législatifs concernés sont la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen du 26 août 1789, les préambules respectifs des Constitutions des IVe et Ve Républiques, les articles 1, 3, 4, 34, 66 et 71-1 de la Constitution de la Ve République.
Ces libertés publiques sont multiples et il est difficile d’être exhaustif. Citons le droit à la vie, la liberté d’aller et venir, la liberté du domicile, la liberté de l’intimité, la liberté d’association, de réunion, de manifestation, de conscience, d’opinion, d’expression, d’enseignement, la liberté de la presse, le droit au travail, la liberté syndicale et celle d’entreprendre, etc.
Une ou plusieurs de ces libertés sont-elles sérieusement menacées par l’instauration du « pass sanitaire » ?
C’est ce que les manifestants du samedi cherchent à accréditer à grands coups de slogans simplificateurs (par exemple : « La liberté ne s’échange pas contre un QR Code » ou « à bas la dictature sanitaire »).
Qu’est-ce que le pass sanitaire ?
L’article 1er de la loi n° 2021-680 du 31 mai 2021 relative à la gestion de la sortie de crise sanitaire, modifié par la loi n° 2021-1040 du 5 août 2021, autorise le gouvernement à subordonner par décret l’accès des personnes à certains lieux, établissements, services, événements, ou l’exercice de certaines activités soit à la présentation du résultat d’un examen de dépistage virologique négatif, soit d’un justificatif de statut vaccinal, soit d’un certificat de rétablissement à la suite d’une contamination.
Le pass sanitaire est donc un dispositif de contrôle consistant en la présentation numérique ou papier d’une preuve soit de vaccination complète, soit d’un test négatif d’infection à la Covid-19 de moins de 72 heures, soit du résultat d’un test attestant du rétablissement de la Covid-19 datant d’au moins 11 jours et de moins de 6 mois, pour pouvoir entrer dans un certain nombre d’établissements où se produit un brassage de public : salle de spectacles, de conférences, salons et foires, parcs d’attractions, stades, piscines, salles de sport, casinos, festivals, cinémas et théâtres, monuments, musées, bibliothèques, événements sportifs, discothèques, fêtes foraines et, depuis le 9 août dernier, bars et restaurants, terrasses comprises, séminaires professionnels et services et établissements de santé pour les accompagnants ou visiteurs (sauf les services pour enfants et les EHPAD), trajets en train longue distance, en avion, cars inter-régionaux, enfin grands magasins et centres commerciaux de plus de 20 000 m² (sur décision du Préfet seulement).
En contrepartie, le port du masque n’est plus en principe obligatoire dans ces lieux pour les personnes bénéficiant du pass sanitaire (sauf décision contraire de l’exploitant ou du Préfet et sauf pour les transports sur une longue distance).
Cette mesure de contrôle, limitée dans le temps, est prévue et autorisée par l’état d’urgence (prolongation au moins jusqu’au 15 novembre prochain).
Il s’agit à l’évidence d’une alternative à l’obligation de vaccination que le gouvernement n’a pas jugé utile ou possible d’instaurer (sauf pour les personnes travaillant dans les établissements et services sanitaires, dont les cabinets dentaires, à compter du 15 octobre 2021).
Quelles sont les libertés publiques concernées ?
Deux libertés seraient impactées : la liberté d’aller et venir et le droit au travail.
La liberté publique d’aller et venir, ou liberté de circulation, est concernée puisque, sans pass sanitaire, il n’est désormais plus possible de prendre le TGV ou l’avion, d’aller au restaurant ou au cinéma, pour citer les exemples les plus courants. Cependant, on doit immédiatement observer que cette restriction temporaire peut être facilement levée par la présentation d’un test négatif et qu’elle n’équivaut donc en aucun cas à une obligation dissimulée de vaccination.
En outre, et à supposer que l’on ne veuille pas se soumettre à la réalisation et à la présentation d’un test ou à la vaccination, il est possible de continuer de vivre et de travailler (sauf exception pour les salariés en contact avec le public, voir ci-après) sans aller au restaurant ni au spectacle et sans voyager, hormis avec sa voiture, car les activités visées sont, il faut en convenir, principalement des activités de loisir et le droit aux loisirs ne fait a priori pas partie des libertés publiques (on peut rappeler d’ailleurs que 37 % des Français ne partent pas en vacances faute de moyens, que 42 % des Français âgés de plus de 15 ans déclarent être allés au cinéma une seule fois dans l’année et que 58 % des Français de plus de 15 ans ne vont jamais au cinéma…).
Le droit au travail serait également atteint pour les travailleurs en contact avec le public, puisque l’absence de pass sanitaire peut conduire à un changement de poste ou à une suspension de leur contrat de travail, mais il s’agit d’une atteinte au droit au travail aussi temporaire (du 30 août au 15 novembre 2021) que limitée puisque l’absence de pass sanitaire ne peut justifier un licenciement ; en outre, il faut garder à l’esprit que certains établissements recevant du public devraient être fermés s’il n’existait pas de pass sanitaire, du fait des risques de contamination, situation mettant bien plus gravement en cause le droit au travail des salariés concernés.
Enfin, l’exercice de la liberté d’aller et venir ainsi que le droit au travail ne doivent ni ne peuvent empêcher l’État d’accomplir ses missions essentielles, notamment en matière de santé publique.
Selon l’Organisation Mondiale de la Santé, la santé publique consiste à prévenir les maladies, prolonger la vie et améliorer la santé physique et mentale à un niveau individuel et collectif. Le champ d’action de la santé publique inclut tous les systèmes de promotion de la santé, de prévention des maladies, de lutte contre la maladie.
L’État a donc le devoir de lutter contre la maladie, notamment quand celle-ci prend la forme d’une épidémie provoquée par un virus inconnu et potentiellement mortel qui se propage à grande vitesse dans le monde entier, transformant cette épidémie en pandémie. L’État peut, à cet effet, restreindre temporairement certaines libertés publiques.
Le Conseil Constitutionnel a confirmé, dans une Décision du 25 janvier 1985 (n° 85-187 DC), que l’état d’urgence permettait au législateur de porter atteinte aux libertés publiques :
« Considérant que les auteurs des saisines soutiennent que le législateur ne peut porter d’atteintes, même exceptionnelles et temporaires, aux libertés constitutionnelles que dans les cas prévus par la Constitution ; que l’état d’urgence qui, à la différence de l’état de siège, n’est pas prévu par la Constitution ne saurait donc être instauré par une loi ;
« Considérant qu’en vertu de l’article 34 de la Constitution la loi fixe les règles concernant les garanties fondamentales accordées aux citoyens pour l’exercice des libertés publiques ; que, dans le cadre de cette mission, il appartient au législateur d’opérer la conciliation nécessaire entre le respect des libertés et la sauvegarde de l’ordre public sans lequel l’exercice des libertés ne saurait être assuré. »
L’État peut donc, dans le cadre de l’état d’urgence, prendre toutes les mesures nécessaires pour endiguer la propagation du virus et protéger ainsi sa population. C’est pourquoi l’état d’urgence sanitaire sur l’ensemble du territoire national a été déclaré par décret à compter du 17 octobre 2020. La loi du 14 novembre 2020 a ensuite prolongé, une première fois cet état d’urgence sanitaire jusqu’au 16 février 2021 puis la loi du 15 février 2021 l’a à nouveau prolongé jusqu’au 1er juin 2021. La loi du 31 mai 2021 relative à la gestion de la sortie de crise sanitaire organisant quant à elle la sortie de l’état d’urgence sanitaire (un régime transitoire a été mis en place du 2 juin au 30 septembre 2021).
Conclusion
Ce qui sous-tend la colère ou la peur des manifestants est l’impression (à notre avis complètement fausse) que l’État profite de cette pandémie pour limiter les libertés publiques et renforcer son pouvoir et ses moyens de contrôle sur le citoyen, alors qu’il ne s’agit que de contrôler et de maîtriser l’épidémie.
On retrouve ici le phantasme du « biopouvoir », pouvoir qu’exercerait illégalement l’État sur la vie des corps et celle de la population ; c’est la résurgence d’un concept (plus que discutable) du philosophe Michel Foucault : le biopouvoir servirait à discipliner les corps et à contrôler la population.
Ce qui est également paradoxal dans cette contestation est qu’aucun des manifestants n’avait auparavant protesté contre le confinement ou le couvre-feu, mesures qui, elles, annihilaient aussi bien la liberté d’aller et venir que le droit au travail, pas plus qu’ils n’avaient protesté contre le caractère obligatoire de certaines vaccinations (onze vaccins sont devenus obligatoires en France depuis la loi du 30 décembre 2017 alors qu’il n’y en avait que trois antérieurement).
Comme l’écrit le Professeur Rouvillois dans son ouvrage Libertés fondamentales* : « Le respect des libertés fondamentales est un acquis inestimable. Mais c’est aussi un luxe, qu’il n’est malheureusement pas toujours possible de s’offrir. Dans certains cas s’impose un impératif catégorique : sauver l’essentiel, préserver l’existence de la société, de la nation ou les conditions fondamentales de son existence. »
Jean-Paul Vassal
Docteur en droit, Avocat à la Cour
* Éditions Champs université – Flammarion 2019.