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Michèle Reners, Rédactrice en chef
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Philippe Pirnay
ÉDITORIAL
Déformation de l’information…
En cette période de rentrée, nous nous inquiétons tous de l’évolution de la pandémie de Covid-19, et pour cause puisqu’elle a bloqué nos cabinets, mais aussi l’économie mondiale pendant plusieurs semaines. Nous cherchons donc à nous informer au mieux et, pour cela, nous avons à disposition la télévision, la radio, la presse écrite et les réseaux sociaux. Nous savons tous que ces derniers ne sont pas toujours fiables par manque de vérification de ce qui est publié. Le plus facile est de regarder le 20 heures pour avoir un résumé de la situation sans perdre trop de temps. Et là, on voit apparaître subitement sous les projecteurs des plateaux, des « experts scientifiques », en l’occurrence choisis par la chaîne, venus délivrer les dernières nouvelles. Par définition, un expert est « celui qui sait » ; de ce fait, il détient une certaine forme de pouvoir. Nous savons tous que dans le monde scientifique, les avis des experts sont parfois divergents (surtout avec cette Covid-19) et que les décideurs politiques n’écoutent souvent que le son de cloche qui les arrange. Alors, faut-il devenir sceptique ou croire malgré tout que la rigueur et l’honnêteté scientifiques prendront le dessus ?
Je voudrais vous faire part de ma petite expérience avec les médias belges. J’ai eu l’occasion de répondre à deux interviews diffusées dans les journaux de 20 heures des deux grandes chaînes de télévision francophones, l’une au tout début de confinement, l’autre en plein confinement. La première intervention a été réalisée sans journaliste, qui craignait une contamination en se rendant dans un lieu « à risque ». C’était le jour où mes assistantes et moi-même avons nettoyé et désinfecté au mieux le cabinet, le préparant pour une « hibernation » à durée indéterminée. Le cameraman était très déçu de l’absence de patients, mais je lui ai expliqué, notamment lors de l’interview, les raisons de cette « désertion ». En effet, faute de réception de matériel suffisant, nos sociétés professionnelles s’étaient unies pour nous interdire de soigner les patients, nous limitant aux soins d’urgence. J’expliquai aussi le risque que nous, chirurgiens-dentistes, encourions du fait de la formation d’aérosols lors de nos traitements, et le besoin d’équipements spécifiques – ceux-là mêmes que nous avons tous adoptés aujourd’hui –, alors indisponibles. Grande fut ma surprise de découvrir le soir même le reportage, bien sûr coupé et monté de manière à ce que la journaliste (absente lors de l’interview) puisse dire ce qu’elle avait envie de dire, avec l’inclusion d’images d’archive (non annoncées comme telles) d’un cabinet dentaire fonctionnant en mode normal, patients et praticiens y portant des tenues « d’avant Covid ».
Quand la chaîne concurrente m’a contactée en plein confinement pour une deuxième interview, je me suis dit que, cette fois, on ne m’y reprendrait plus. Le jour J, le journaliste était présent, et lui aussi un peu déçu de ne pas voir de patients. Je lui ai fait part de ma première expérience désagréable et il m’a assuré qu’il serait plus « juste ». Cette fois, j’ai expliqué le manque de matériel dû à des retards de livraisons et d’épuisement des stocks. J’avais aussi fait don de mes réserves de surblouses, visières, gants et masques au CHU de Liège et à un EPHAD qui en avaient besoin. Je me réjouissais donc, le soir venu, de regarder cette « bonne interview ». Mais, ce soir-là, des informations plus importantes ont primé et l’entretien est passé trois semaines plus tard, alors que j’avais reçu mes commandes de matériel. De plus, un autre reportage réalisé chez un confrère recevant des patients dans des conditions que je qualifierais de « moyennes » avait été associé au mien. Et ses propos étaient assez divergents des recommandations que nous avions reçues. Encore une fois, mes propos n’ont pas reflété la réalité.
Depuis ces expériences malheureuses avec les médias, je suis encore plus sceptique face aux entretiens avec les experts diffusés dans les JT et je me demande s’ils reflètent bien le message qu’ils ont voulu faire passer.
Quant à la presse écrite, elle a l’honnêteté de laisser chaque auteur responsable de ses écrits et chaque lecteur libre de les analyser. Quand je vois la rigueur avec laquelle nous sélectionnons nos articles et vérifions la véracité des actualités à L’Information Dentaire, je me dis que rien ne vaut la presse écrite. Bonne lecture de propos non déformés !
Michèle Reners, Rédactrice en chef