Un mauvais procès

  • Publié le . Paru dans L'Information Dentaire
Information dentaire

L’ÉDITORIAL DE PATRICK MISSIKA PARU DANS L’INFORMATION DENTAIRE DU 11 DÉCEMBRE 2013* et intitulé « En France, la digue résiste » appelle quelques commentaires.
L’auteur déplore la non-application des données acquises de la science s’agissant des traitements  endodontiques en France. Il fait état des protocoles applicables à ce jour, de la qualité de notre enseignement en endodontie pour, au bout du compte, regretter qu’un « grand nombre de praticiens » proposerait des traitements de « piètre qualité » qui feraient de la France le pays « champion du retraitement endodontique ».
La réalité d’une pratique professionnelle n’est pas, et ne peut être, une vision élargie d’observations expertales prises dans leur effet de loupe.

C’est un peu comme si un procureur en contact permanent avec des coquins voyait des délinquants partout une fois sorti du palais de justice.

Il existe pourtant des données objectives sur l’endodontie même si, elles aussi, doivent être regardées avec prudence. En 2012, selon la MACSF, 5,9 % des chirurgiens-dentistes sociétaires ont fait l’objet d’une plainte, dont moins de 20 % étaient relatives directement ou indirectement à un traitement endodontique.

Personne, et surtout pas le président du Conseil national de l’Ordre, ne peut se satisfaire de ce résultat et, en cela, nous rejoignons les préoccupations de l’auteur.

Mais ces chiffres montrent aussi, en creux, qu’une forte majorité de praticiens pratique consciencieusement ses traitements endodontiques et respecte les recommandations de bonnes pratiques.

Au fond, les propos tenus par l’auteur sur une profession considérée comme un tout monolithique ont comme un goût de déjà-vu. Nous ne pouvons pas faire le reproche à certains médias – pas tous, fort heureusement ! – d’user de ces généralités faciles qui placent dans un même sac les membres d’une profession tout entière (la campagne sur les tarifs des actes prothétiques en fut le dernier exemple en date) pour, à notre tour, user de ce même procédé.

Certes, nous ne sommes pas tous des Edgar Morin pour tenter de rendre compte d’une complexité, mais au moins pouvons-nous essayer d’éviter les simplifi – cations un peu hâtives et les généralités corrosives qui parfois en découlent.

Christian Couzinou Président du Conseil national de l’Ordre des Chirurgiens-Dentistes

* ÉDITORIAL DE PATRICK MISSIKA PARU DANS L’INFORMATION DENTAIRE DU 11 DÉCEMBRE 2013

J’ai depuis toujours été très admiratif des praticiens qui réalisaient des traitements endodontiques. Ils nécessitent de la patience, de l’abnégation de la persévérance et sont les fondations incontournables de réhabilitations prothétiques pérennes.

Les progrès de la technologie, avec l’apparition du nickel titane et de la rotation continue ou du « one wave », ont profondément simplifié les techniques de traitement.Assister aux conférences des maîtres de l’endodontie française (je ne les citerai pas de peur d’en oublier) donne l’impression d’écouter du Mozart.Les règles sont parfaitement codifiées et je viens de les relire dans un chapitre remarquablement écrit par Anne Claisse pour un livre sur « les Bonnes pratiques en Odontologie » à paraître en 2014 aux Editions Espace ID.
Pourtant, la réalité quotidienne est bien différente de cette vision idyllique.Lors des nombreuses expertises judiciaires que j’ai réalisées depuis plus de vingt-cinq ans, j’ai pu constater que les traitements endodontiques étaient le plus souvent absents ou indigents.

Il manque très fréquemment le cliché préopératoire, pourtant indispensable pour poser l’indication du traitement endodontique et pour en évaluer la difficulté, le cliché instruments en place, limes ou broches, pour mesurer et valider la longueur de travail, même si l’on a utilisé un localisateur d’apex, et, à ce tableau peu encourageant, il faut ajouter qu’il manque la digue et que l’obturation canalaire est radiologiquement très insuffisante !

On est encore plus consterné lorsque le praticien dont la responsabilité professionnelle est mise en cause est âgé de moins de trente ans.Or il est absolument certain que la technique de traitement endodontique qui est enseignée à la Faculté comporte ces éléments clés que sont les clichés radiographiques pré, per et postopératoires, la préparation et la mise en forme canalaires, l’irrigation, l’obturation par condensation de gutta et la pose de la digue.On peut légitimement se poser la question de la réalisation de l’irrigation intra canalaire sans présence de la digue.

Il est donc logique de s’interroger sur cette spécificité française du non-respect des données acquises de la science pour les traitements endodontiques par un grand nombre de praticiens.

Il est évident que le tarif conventionnel de ces traitements est ridiculement bas, mais est-ce une raison suffisante pour produire des traitements de piètre qualité et faire de la France le pays champion du retraitement endodontique ?

Patrick Missika

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