Du bon usage d’Internet par les chirurgiens-dentistes (Partie I)

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  • Publié le . Paru dans L'Information Dentaire (page 32-34)
Information dentaire
La présence sur Internet est aujourd’hui incontournable, elle peut améliorer l’information aux patients et la qualité de l’exercice professionnel. Mais il convient d’en éviter les dérives, en poursuivant la qualité pédagogique et le respect des principes éthiques. L’information ne doit pas se confondre avec la publicité et les règles marketing avec les règles déontologiques. Rien ne sert de “booster la communication” du cabinet si elle l’éloigne de son cadre naturel : le soin apporté aux patients. Quelle place doit alors occuper Internet dans l’échange entre le chirurgien-dentiste et son patient ?

Situation
J’ai décidé de créer mon site Internet. Aussi, j’ai recherché des idées et découvert des intitulés affichés par des confrères :
• Dr X, spécialiste en esthétique du sourire.
• Dr Y, spécialiste en techniques de rajeunissement des tissus mous du visage.
• Dr Z, spécialiste en blanchiment dentaire.
• Dr T, chirurgien-dentiste spécialiste… des dents !
Mais pourquoi aller chercher une “spécialité” ?
L’information sur mon métier doit-elle reposer sur des formules accrocheuses ou mercantiles ?
J’ai aussi trouvé des vidéos interactives, des hôtesses / mannequins d’accueil, des articles scientifiques et des visites de cabinets en 3D.
Je veux moi aussi présenter un cabinet moderne sur Internet : comment y parvenir sans sacrifier ma déontologie et l’image d’une profession médicale empreinte d’éthique ?
Mon site me permettra-t-il de mieux communiquer ?
Va-t-il transformer ma relation avec mes patients ?


Réflexions du Pr Jean-Paul Markus

Professeur, directeur du Master 2 Droit privé et public de la santé de l’Université de Versailles-Saint-Quentin

Il faut vivre avec son temps et bien que le Code de déontologie ne mentionne que les « annuaires » antédiluviens et les imprimés professionnels, nul ne songe à proscrire l’utilisation de l’Internet comme moyen de communication.
Reste que tout n’est pas permis : les règles déontologiques restent, mutatis mutandis, les mêmes quel que soit le support utilisé. Si on devait résumer en trois points, votre communication sur Internet répondra aux trois exigences suivantes.

Votre site doit rester informatif. C’est la conséquence des articles 15, 16, 17 et 18 du Code de déontologie. En clair, le site ne peut qu’expliquer des pathologies, les techniques de soins, y compris les vôtres, que vous pouvez revendiquer, à condition qu’elles soient éprouvées, conformes aux données acquises de la science (art. 33). Les conseils sont autorisés, mais on y appréciera aussi vos tarifs, vos horaires, un plan d’accès. Vous pouvez montrer vos locaux, votre matériel « dernier cri ». Les confrères espagnols ajoutent des vidéos 360° avec musique, et là, tout devient affaire de dignité.

Votre site doit en effet rester digne. Il s’agit de ne pas déconsidérer la profession (art. 3) par des procédés fantaisistes peu compatibles avec l’image que la profession entend se donner : sobriété, absence de « pop up », de liens vers des sites publicitaires, pas de critique des confrères, ce qui en outre serait contraire à l’obligation de confraternité. Il faudra aussi veiller au respect du secret, en évitant les photos de patients.

Enfin, votre site ne sera pas un outil de télémédecine. Si un site peut constituer un prolongement de la relation médicale, cela ne peut s’entendre que dans un objectif de continuité des soins. Vous fidélisez ainsi votre clientèle, mais attention au diagnostic à distance, évidemment interdit. Surtout, on évitera les « forums », véritables instruments de rabattage publicitaire.

Réflexions du Dr Paul Cattaneo

Chirurgien-dentiste référent pour les nouvelles technologies auprès de l’Association Dentaire Française

Internet fait de plus en plus d’adeptes – plus de 40 millions d’internautes – et se décline sur tous les écrans : non loin de 24 millions de mobinautes et plus de 2 millions d’utilisateurs d’iPad (source Médiamétrie, février 2013). Autre pilier de l’Internet, les réseaux sociaux qui comptent près de 30 millions d’inscrits.
Dans le domaine de la santé, toutes les études placent l’Internet comme l’une des principales sources en matière d’information et de communication médicale et dentaire (7 Français sur 10 se sont déjà renseignés sur Internet).
À ce jour, plus de 3 500 sites de cabinets dentaires recensés sur la Toile. Mais pourquoi s’afficher sur le net ?
Choisir avant de consulter… La consultation de l’annuaire papier pour trouver un chirurgien-dentiste est devenue obsolète. Le bouche-à-oreille fonctionne encore, mais si le cabinet n’existe pas sur Internet, il n’existe pas pour beaucoup de patients. Apparaître sur la Toile, c’est répondre à ceux qui viennent chercher en ligne des informations sur un cabinet dentaire, valider la recommandation d’un proche ou se faire une opinion avant même d’avoir franchi le seuil du cabinet.

Présentation du cabinet dentaire de manière originale… Nos structures de soins sont très différentes les unes des autres et souvent à l’image du praticien. C’est pourquoi les patients apprécient souvent une visite virtuelle avant la prise de rendez-vous. S’il est possible de mettre des photos du praticien, de l’équipe soignante, du cabinet, ou encore du plateau technique, il faut rester prudent dans les propos qui les accompagnent. La frontière entre information et publicité est souvent ténue. La fonction primaire du site professionnel est de présenter le cabinet !

Information des patients… Les attentes en matière d’information de santé sont fortes. C’est la tendance du moment, 45 % des Français consultent des sites Internet à la recherche d’informations sur l’implantologie, la rage de dents, les prothèses, etc. Mais il ne faut pas croire que toute source d’information est fiable. Le meilleur et le pire s’y côtoient… alors pourquoi ne pas se transformer en “rédacteur en chef” de votre site Internet, et de valider l’information avec des vidéos, des photos de cas cliniques ou encore une newsletter qui favoriseront le bon déroulement de vos interventions quotidiennes.
Le site internet du professionnel de santé n’est plus seulement une vitrine, c’est désormais un véritable outil de communication vers les patients au-delà du cabinet et les chirurgiens-dentistes qui ouvrent ces espaces sur la toile seront mieux préparés aux nouveaux enjeux.

Réflexions du Pr Joseph Josy Lévy
Professeur à l’Université du Québec à Montréal, UQAM
Ancien Président du comité d’éthique de la recherche de l’Université du Québec à Montréal

Le développement exponentiel d’Internet n’a pas été sans affecter le champ de la santé, au plan tant de la diffusion des informations que des relations entre professionnels de la santé, comme les chirurgiens-dentistes, et les patients. Ces technologies soulèvent de nombreux enjeux légaux et éthiques complexes, et en constant réaménagement, liés aux transformations technologiques et aux nouvelles modalités de communication. Dans ce contexte, la création des sites médicaux pose des défis liés aux tensions existant entre la publicité et la promotion commerciale et celles entourant la diffusion d’informations ou l’établissement de relations avec des patients basées sur la confiance et la valeur de leur bien-être.

Dans ce domaine délicat, les écueils sont nombreux. Comment présenter un site qui, à la fois, attire l’attention et respecte les normes déontologiques et éthiques les plus hautes ?
Le problème se complique si le site se donne aussi pour objectifs de transmettre des informations de type médical à destination de sa clientèle. Il est nécessaire de bien distinguer entre les éléments qui traitent de la publicité et ceux qui traitent des données scientifiques. Pour ce dernier point, il est important d’assurer que le contenu mis en ligne est actuel, précis, valide et fiable, ce qui exige le recours à des stratégies d’évaluation externes par des évaluateurs qui ne sont pas en conflit d’intérêt et la mention des références exactes des sources utilisées.

La mise à jour périodique devient alors essentielle et il est nécessaire de dater les informations transmises et d’éliminer régulièrement les informations obsolètes. La rédaction de ces informations pose aussi le problème du niveau de littératie des utilisateurs et donc de leur compréhension des informations postées, ce qui nécessite des compétences rédactionnelles élevées pour assurer un niveau de langage adéquat. Les outils de navigation conviviaux dans le site doivent être aussi bien évidents (outil de recherche, fonction d’aide, page des questions les plus fréquemment posées, outils de rétroaction et service d’information), tout comme l’identification du webmestre et l’adresse de contact. La collecte d’informations personnelles en ligne et le maintien de leur confidentialité constitue l’une des préoccupations éthiques majeures et les responsables des sites doivent s’assurer de l’obtention du consentement des utilisateurs, de la sécurisation de la transmission des informations. À cet égard l’obtention d’une certification du site par la Fondation La Santé sur Internet (http://www.hon.ch/home1_f.html) constitue une stratégie gagnante afin de s’assurer du suivi des critères fondamentaux nécessaires au maintien de standards éthiques irréprochables.

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