Jusqu’à l’intervention de la loi du 25 juin 2008, il n’existait que deux modes de résiliation du contrat de travail : la démission et le licenciement. Or, seul ce dernier ouvrait droit aux allocations chômage et non la démission, ce qui pouvait inciter les parties à travestir un départ volontaire en licenciement avec signature d’une transaction pour empêcher une saisine ultérieure du conseil des Prud’hommes.
Comme toutes les fictions, ce système était dangereux et donc insatisfaisant. La loi autorisant une résiliation d’un commun accord qui permet aux salariés de bénéficier des allocations chômage s’ils ne retrouvent pas rapidement un nouvel emploi était donc particulièrement bienvenue (il est à noter cependant que la rupture conventionnelle permet de bénéficier des allocations chômage, mais pas du contrat de sécurisation professionnelle*).
Cette procédure, afin de protéger les intérêts du salarié, est néanmoins entourée d’un certain nombre de conditions qu’il convient de respecter et que nous allons détailler ci-après.
Les conditions à respecter
La rupture conventionnelle du contrat ne peut être imposée par l’une ou l’autre partie. Elle résulte d’une convention signée par l’employeur et le salarié qui atteste de leur consentement mutuel (articles L.1237-11 et suivants du Code du travail).
Elle doit être assortie d’une indemnité de rupture au moins égale à l’indemnité prévue par la convention collective ou à défaut à l’indemnité légale de licenciement. Cette indemnité de rupture bénéficie, pour le salarié, des conditions d’exonération sociale et fiscale de l’indemnité de licenciement, sauf si le salarié peut liquider sa retraite, car dans ce cas l’indemnité est imposable et soumise aux cotisations sociales. Enfin, cette rupture conventionnelle est accompagnée d’une procédure destinée à garantir la liberté du consentement des parties.
L’employeur, quant à lui, est redevable depuis le 1er janvier 2013 d’un « forfait social » de 20 % sur la part d’indemnité exonérée de cotisations sociales quand il conclut une rupture conventionnelle (l’État cherche ainsi à réduire le nombre de ruptures conventionnelles, car elles coûtent évidemment beaucoup plus cher à la collectivité que les démissions ! De même, certains syndicats, comme la CGT, estiment que les ruptures conventionnelles coûtent beaucoup trop cher à l’UNEDIC en avançant le chiffre de 4,4 milliards d’euros par an et suggèrent qu’il faudrait faire payer à l’employeur une contribution proportionnelle à l’indemnité versée au salarié…).
Il faut noter que cette rupture conventionnelle n’a pas vocation à s’appliquer à toutes les formes de résiliation du contrat de travail. Notamment, la loi précise que les dispositions sur le licenciement économique ne s’appliquent pas à la rupture conventionnelle ; il faut donc faire attention au risque de requalification et de refus d’homologation de ruptures conventionnelles intervenues dans un contexte de licenciement économique. Il n’est pas exclu que les juges vérifient s’il n’y a pas une fraude à la loi destinée à faire échec à la législation sur les licenciements économiques.
Enfin, la rupture conventionnelle concerne uniquement les contrats de travail à durée indéterminée (CDI) et non les contrats à durée déterminée (CDD) ou les contrats d’apprentissage.
Quels sont les salariés concernés ?
Tous les salariés peuvent être concernés par la rupture conventionnelle, y compris les salariés protégés (représentants du personnel, délégués syndicaux, conseillers prud’homaux, etc.). Néanmoins, dans ce cas, la validité de la rupture conventionnelle est subordonnée à l’autorisation de l’Inspection du Travail.
La rupture conventionnelle n’est pas possible pendant certaines périodes, par exemple pendant la période dite de protection absolue de la femme enceinte (période pendant laquelle le licenciement est interdit). Elle est néanmoins possible en cas de suspension du contrat de travail quand le salarié ne bénéficie pas d’une protection particulière (par exemple pendant un congé parental d’éducation ou un arrêt de maladie), à la condition que le salarié y ait consenti de manière libre et éclairée (plusieurs arrêts de cour d’appel).
Par ailleurs, la jurisprudence a jusqu’à présent écarté la rupture amiable à chaque fois que la loi impose une procédure particulière pour le licenciement (en matière d’accidents du travail ou d’inaptitude par exemple).
Les formalités à respecter
La loi est assez souple, car elle indique seulement : « Les parties au contrat conviennent du principe d’une rupture conventionnelle lors d’un ou plusieurs entretiens… » (article L.1237-12 du Code du travail).
La loi n’exige aucune formalité particulière pour la convocation ou la tenue du ou des entretiens (une convocation par lettre recommandée n’est donc pas nécessaire). Cependant, il ne fait pas de doute que la bonne préparation de l’entretien par les deux parties constitue un élément essentiel de leur consentement et qu’il vaut mieux éviter toute précipitation (même si, en cas d’urgence, on peut boucler une procédure en quelques semaines).
Il faut donc que le salarié soit informé du fait qu’il peut se faire assister soit par un membre des institutions représentatives du personnel, soit, en l’absence d’institutions représentatives dans l’entreprise, par un salarié de l’entreprise ou par un conseiller du salarié choisi sur une liste dressée par l’autorité administrative. Cependant, il faut remarquer que le défaut d’information en la matière n’a pas pour effet d’entraîner la nullité de la rupture (arrêt du 29 janvier 2014 de la Cour de Cassation).
En l’absence de précisions légales, il convient dans la pratique de fixer l’entretien à une date assez éloignée pour que le salarié puisse se faire assister s’il le souhaite.
Il est conseillé de prévoir au moins deux entretiens :
– un entretien de négociation devant porter sur le montant de l’indemnité (au moins égale à l’indemnité légale de licenciement), la date de la rupture ou une éventuelle clause de non-concurrence ;
– un entretien de signature (la rupture conventionnelle résulte d’une convention signée par les parties au contrat, la convention doit donc être écrite et rédigé à peine de nullité en deux exemplaires au moins, dont l’un sera remis au salarié ; il vaut mieux utiliser le formulaire Cerfa de rupture conventionnelle mis au point par le ministère du Travail, disponible sur son site internet).
La loi prévoit également une possibilité de rétractation, mais ce délai est très court : à compter de la date de sa signature par les deux parties, chacune d’elles dispose d’un délai de 15 jours pour exercer son droit de rétractation. Ce droit est exercé sous la forme d’une lettre adressée par tout moyen attestant de sa date de réception par l’autre partie.
Homologation administrative
Si aucune des deux parties ne s’est rétractée, la partie la plus diligente adresse, à l’issue du délai de rétractation, une demande d’homologation à l’autorité administrative, à savoir actuellement la Direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi (dite DIRECCTE), en y joignant un exemplaire de la convention de rupture.
L’homologation n’est pas une autorisation : la DIRECCTE doit s’assurer seulement du libre consentement du salarié, mais, en réalité, elle vérifie surtout que l’indemnité de rupture correspond bien au minimum imposé par la convention collective ou par la loi en l’absence de convention collective.
À défaut de notification dans les 15 jours ouvrables, l’homologation est réputée acquise. La décision d’homologation peut donc être soit explicite, soit implicite. La validité de la convention est subordonnée à son homologation.
En cas de refus d’homologation, le contrat de travail doit se poursuivre, mais les parties peuvent saisir le Conseil des Prud’hommes, seul compétent en la matière, pour contester le refus d’homologation (le Conseil des Prud’hommes devient donc curieusement le juge du comportement de l’administration en cette matière).
Date de la cessation du contrat de travail
La rupture effective du contrat intervient à la date prévue par la convention et au plus tôt le lendemain du jour de l’homologation (les parties peuvent néanmoins avoir prévu dans la convention une date plus tardive).
Attention cependant, l’homologation de la convention n’est pas nécessairement le terme définitif de la procédure, car le salarié dispose ensuite d’un délai d’un an pour contester cette rupture devant le Conseil des Prud’hommes par application du dernier alinéa de l’article L.1237-14 du Code du travail : « L’homologation ne peut faire l’objet d’un litige distinct de celui relatif à la convention. Tout litige concernant la convention, l’homologation ou le refus d’homologation relève de la compétence du Conseil des Prud’hommes, à l’exclusion de tout autre recours contentieux ou administratif. Le recours juridictionnel doit être formé, à peine d’irrecevabilité, avant l’expiration d’un délai de douze mois à compter de la date d’homologation de la convention ».
Ainsi, par exemple, le salarié qui se rend compte qu’il aurait pu négocier des indemnités plus élevées peut tenter d’obtenir en justice des indemnités complémentaires. C’est pourquoi d’ailleurs certains employeurs “sécurisent” la rupture conventionnelle en la complétant par une transaction avec le salarié.
* C’est-à-dire du contrat, d’une durée maximale
de 12 mois, ayant pour but un retour à l’emploi, le cas échéant au moyen d’une reconversion ou d’une création
ou reprise d’entreprise. Pendant la durée de ce contrat,
et en dehors des périodes durant lesquelles il exerce
une activité rémunérée, le titulaire du CSP perçoit
une « allocation spécifique de sécurisation professionnelle » égale à 80 % du salaire journalier de référence – soit à peu près l’équivalent du salaire net – pour les salariés justifiant d’un an d’ancienneté dans l’entreprise.
L’hypothèse particulière de la vente du cabinet
Dans l’hypothèse où le candidat acquéreur ne souhaite pas reprendre un salarié de son prédécesseur et que ce salarié appréhende, quant à lui, de travailler avec un nouvel employeur qu’il ne connaît pas, la rupture conventionnelle peut constituer une solution, puisqu’en cas de cession, le licenciement n’est pas possible avant la vente du fait du caractère à la fois général et contraignant de l’article L 1224-1 du Code du travail selon lequel : « Lorsque survient une modification dans la situation juridique de l’employeur, notamment par succession, vente, fusion, transformation du fonds, mise en société de l’entreprise, tous les contrats de travail en cours au jour de la modification subsistent entre le nouvel employeur et le personnel de l’entreprise. »
Cependant, il est possible que, dans ce cas, l’AG2R refuse à l’employeur le remboursement des indemnités versées au titre de la rupture, puisque le cabinet est cédé et non pas fermé.
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