1. Dents usées : un modèle archaïque peu économe des dents
Des arcades dentaires usées dès le plus jeune âge sont couramment observées dans les documents préhistoriques et historiques (fig. 1). On constate également des rapports occlusaux antérieurs en bout à bout. Ce n’est qu’après la révolution industrielle que l’on observe une nette diminution des usures dentaires. Ce phénomène, associé aux modifications comportementales, est simultané à l’apparition d’un recouvrement incisif de 3 à 4 mm en moyenne au XXe siècle en Europe, alors qu’il était auparavant de 0 à 1 mm [1].
On peut imaginer que l’usure occlusale historique était autant le résultat d’une nourriture abrasive que la conséquence de l’utilisation du système dentaire comme d’un outil de préhension, section, arrachement. Ces différents usages empêchant l’apparition du recouvrement incisivo-canin. Cette stimulation de la croissance et de la densité osseuse se traduisait souvent par une bonne santé parodontale, mais provoquait également de larges altérations coronaires chez des individus relativement jeunes, à l’espérance de vie faible. Le modèle des dents plates d’herbivores montre qu’elles sont probablement efficaces pour mâcher des aliments ligneux nécessitant un écrasement puissant et répété. Ce modèle doit-il générer un concept occlusal thérapeutique pour les patients actuels qui n’ont pas la même alimentation, le même usage de l’outil dentaire, la même relation des dents antérieures, et qui ont une espérance de vie d’environ un siècle ? Ce qui était normal il y a cent cinquante ans l’est-il aujourd’hui ? La morphologie des cuspides élevées et arrondies permet un écrasement alimentaire suffisant sans exposer de larges surfaces de contact, lesquelles, immanquablement, provoqueront plus d’usure (fig. 2).