L’Intelligence artificielle au cabinet dentaire, vous n’y échapperez pas ! De multiples publications internationales montrent les possibilités offertes par les algorithmes dans le domaine dentaire. Certaines applications sont en cours d’élaboration, d’autres, déjà, se déploient. Si le suivi à distance de patients en cours de traitement orthodontique ou la brosse à dents intelligente sont bien connus, il sera bientôt possible, grâce à la lecture de l’imagerie par des algorithmes, de détecter la perte osseuse, d’évaluer la nécessité de poser un implant, d’être alerté des risques de péri implantite (à partir des comportements du patients), de faire apparaître des caries interproximales, de retrouver la marque des implants déjà en bouche, de prédire la viabilité d’une endo ou la difficulté d’extraction d’une dent de sagesse mandibulaire, etc.
« Les projets concernant la profession foisonnent, explique Samy Dubois, praticien à Paris et secrétaire général adjoint de l’UFSBD (Union française pour la santé bucco-dentaire). Notre secteur est l’un des plus convoités par les concepteurs de solutions à base d’IA. Mais on est encore loin de pouvoir nous remplacer, et ça n’arrivera pas. » En effet, l’Europe, désireuse d’encadrer ces nouvelles technologies, construit actuellement une réglementation applicable en 2025 fondée sur la « garantie humaine ».
Loi de bioéthique du 2 août 2021
« Cette supervision humaine s’appliquera à l’ensemble des systèmes d’IA quel que soit leur domaine d’application, détaille David Gruson, fondateur d’Ethik IA, une association qui propose des outils et des protocoles pour garantir un regard humain sur les algorithmes en santé. L’Europe a clairement fait le choix de ne pas laisser les algorithmes opérer indépendamment de tout regard humain. Les fabricants doivent en tenir compte au stade de la conception et, depuis la loi de bioéthique du 2 août 2021, les professionnels de santé qui décident d’utiliser des solutions à base d’IA dans le processus de soins doivent en informer leurs patients sans consentement à collecter. »
Si ce principe est entré dans la législation française, c’est grâce au travail d’Ethik IA, qui a mis en œuvre il y a trois ans, sur la proposition de l’UFSBD, un « Collège de garantie humaine » pour suivre le projet Oralien de l’UFSBD.
Des recommandations personnalisées
Oralien est une expérimentation de télésurveillance bucco-dentaire développée avec Dental Monitoring qui fonctionne aujourd’hui dans 48 Ehpad en France. Après formation, le personnel soignant, grâce à des écarteurs, prend un scan de la bouche du résident. Les données recueillies sont anonymisées, cryptées puis réceptionnées sur un serveur sécurisé, avant d’être analysées par un algorithme d’intelligence artificielle sur la base de critères définis par l’UFSBD et sous la responsabilité de chirurgiens-dentistes. Cette analyse de l’état bucco-dentaire et des besoins en soins permet d’établir une recommandation personnalisée pragmatique pour chaque résident sous forme d’alerte : consulter un dentiste (urgence), prévoir une consultation, vérifier l’adaptation de la prothèse, le risque de dénutrition ou encore, envisager une réhabilitation prothétique.
Dans cette expérimentation, le « Collège de garantie humaine » joue le rôle de deuxième avis humain sur une sélection aléatoire de dossiers déjà traités par l’IA. « Nous demandons à deux praticiens de poser leur diagnostic à partir des mêmes images que celles reçues par l’IA, explique David Gruson. Les résultats sont très consolidants. Nous améliorons sans cesse la qualité de l’outil, mais les dentistes apprennent aussi de l’IA. Elle leur dévoile des situations qu’ils n’avaient pas appréhendées. »
Brève rédigée à partir de la séance C55 de l’ADF 2022
Responsable scientifique : Xavier Braeckevelt
Intervenants : David Gruson, Samy Dubois