Voilà quand même une des plus étonnantes histoires des temps modernes. Les derniers Jeux olympiques de l’Antiquité ont eu lieu quelque part entre la fin du IVe siècle de notre ère et le milieu du siècle suivant. La victoire du christianisme les a, à ce moment, enfouis dans les profondeurs de ce que le monde romain appelait « damnation de la mémoire » puisque, au fond, il s’agissait d’un rituel religieux, donc d’une fantaisie païenne. À partir de la Renaissance – au nom significatif –, le regard moderne sur la culture antique change du tout au tout et les fantaisies païennes retrouvent des couleurs séduisantes. Encore faut-il qu’on prenne au sérieux ces « sauts et gambades ». Pour que cette étape soit franchie, il faudra encore une révolution – la première dont les partisans utiliseront ce terme jusque-là réservé à l’astronomie –, la révolution anglaise de 1688, protestante, libérale et parlementaire, dont la figure dominante est le gentleman farmer, très différente de celle du noble français, domestiqué par une monarchie absolue et centraliste.
Une des nombreuses conséquences de ce nouvel état de choses recevra bientôt le nom de « sport ». Une activité aristocratique associant distinction et éducation, fondée sur l’exercice physique. Une certaine sensibilité romantique, qui invente à cette occasion la Nature, fera le reste ; ce n’est pas tout à fait par hasard si c’est cette culture anglaise qui, au début du XXe siècle, inventera le scoutisme (scout : éclaireur militaire). Comme cette modernité est portée, à partir de 1815, par la puissance qui, après l’épisode français, révolutionnaire et impérial, l’emporte décidément sur toutes les autres puissances occidentales, en un temps où l’Occident lui‑même l’emporte décidément sur les puissances non occidentales, rien d’étonnant à ce que certaines personnalités d’esprit à la fois frondeur et fondateur…