Situation
– J’ai soigné pendant plus de dix ans Jeanne, souffrant d’une sclérose en plaques. Elle vient de me téléphoner pour m’informer qu’elle ne peut plus se déplacer pour recevoir mes soins à mon cabinet. Gênée par l’une de ses dents, elle souhaite obtenir mon avis.
– Je lui propose de passer à son domicile pour l’examiner. Elle accepte avec plaisir.
– Une fois sur place, je me rends compte de l’impossibilité technique de réaliser le traitement endodontique nécessaire pour soigner sa dent à son domicile.
– Malgré mes explications, Jeanne s’emporte et m’accuse d’un refus de soins. Sa famille critique mon comportement, arguant un manque d’humanité et de compréhension. Elle m’informe aussi de sa volonté de s’en plaindre au Conseil de l’Ordre.
– Suis-je tenu de délivrer des soins à domicile alors que je considère ne pas pouvoir les mener de manière consciencieuse ? Ma responsabilité peut-elle être mise en défaut ? Mon refus peut-il être considéré comme un manque de respect pour ma patiente ?
Réflexions du Professeur Hervé Blocquel
Professeur à la faculté de chirurgie dentaire de l’Université Lille 2
Membre du Comité national odontologique d’éthique
Ce sujet représente une préoccupation de santé publique, avec un comportement empathique envers les patients. Pour y avoir participé, j’en ai tiré de belles émotions, au travers des services rendus à des personnes en détresse, parce que confinées, ou handicapées, et moralement affectées de solitude. La vieillesse, la solitude, parfois la maladie chronique, sont des facteurs anxiogènes du sentiment d’abandon.
Se déplacer à domicile pour soigner nos patients reflète la notion de service rendu, même si celui-ci, dans un premier temps, n’est pas aussi complet que nous l’aurions voulu, ou que s’il avait été réalisé au cabinet ; mais il est souvent payé d’un merci et d’un sourire.
Est-ce toujours…