Une aura de mystère
« C’est la maison qui m’attendait », écrit Jean Cocteau face à cette demeure de Milly dont les charmes rencontrent si bien sa propre poésie qu’il l’acquiert avec Jean Marais en 1947. Au lendemain de la Libération, il fuit les tracasseries des uns, les sollicitations des autres, le siège permanent de la rue Montpensier où coups de sonnette et de téléphone épuisent un silence nécessaire au travail. Milly, c’est d’abord la promesse du calme, le refuge d’une campagne proche où poser les fardeaux et se reposer corps et âme. Mais ce havre de paix rêvée devient vite le port de nouveaux embarquements. « Ma maison m’aime », déclare-t-il, presque surpris d’une telle osmose. Elle attend ses retours, tout comme son chien et ses chats, et à chaque séjour il la meuble, la peuple d’objets voyageurs marqués d’insolite ou chargés des ailleurs qui s’y attachent et trouvent un ancrage naturel dans ce rivage un peu inattendu et finalement fait pour les accueillir.
C’est que le lieu a du caractère. Sans être un château, il s’annonce par deux tourelles de pierre et brique au fond d’une ruelle pavée et s’ouvre par un porche aux allures de logis seigneurial, qu’on imaginerait bien doté jadis d’un pont-levis et qui, de fait, est une ancienne porte d’enceinte de la ville close. L’intérieur est celui d’une bâtisse à l’architecture élégante sans prétention, qui conserve le goût d’un XVIIe siècle champêtre dont les croisées donnent sur des jardins d’agrément. Aujourd’hui, malgré les aménagements modernes imposés par les normes muséales, la maison a gardé l’empreinte éclectique de l’illustre « touche-à-tout de génie » ami de tous les arts. Mais tandis qu’on la respire, parmi des pièces qui fleurent le cabinet de curiosités et de travail, où subsistent des échos de visiteurs, de chambre des songes, de bestiaire fantastique, on flaire autre…