Sciences et consciences
Passée l’époque des Grandes Découvertes, c’est au XIXe siècle que l’homme prend vraiment la mesure du monde qu’il habite, quand la masse d’informations convergentes venues de tous les continents lui permet de s’en faire une image globale. Un vertige de perspectives, et un choc psychologique : on ne savait pas la Terre si ancienne, si variée, ni le savoir acquis si précaire et révocable ; encore moins que ces faisceaux de lumières nouvelles pouvaient à ce point bouleverser les représentations.
Le développement des sciences dites exactes, sans précédent, nécessite une vulgarisation auprès d’un public partagé et quelque peu perdu entre émerveillement, incrédulité et inquiétude. Les artistes se font la plaque sensible de toutes ces questions, en particulier de celles que soulève la parution en 1857 de L’origine des espèces de Darwin, dont la théorie de l’évolution révolutionne connaissances et croyances. L’homme n’est plus le centre de l’univers, et sa place au sein du vivant, dans une nature qui le domine bien plus qu’il ne l’ordonne, effraie autant qu’elle inspire. Au rebours d’une tradition millénaire, c’est toute la création du monde qui est à revoir.
C’est bien pourquoi l’exposition prend comme point de départ la révélation qu’il n’est plus ce jardin clos offert à l’homme pour qu’il en jouisse mais une surface sur laquelle il a éclos après bien des tumultes cyclopéens. L’inversion du regard qui en naît propulse au premier rang le paysage : de toile de fond il devient spectacle, dont la contemplation ouvre un abîme de réflexions. Adam et Ève peuvent aller se rhabiller. L’espèce humaine prend soudain un sacré coup de vieux en se découvrant d’étourdissantes fraternités avec ses compagnes de planète, terrestres ou marines, qui – et souvent sous les formes les plus monstrueusement fascinantes – l’ont précédée dans l’arbre de la vie.
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