Du fracas à l’embrasement
Grand par le talent, l’ardeur et la taille (1,96 m), Nicolas de Staël méritait bien une rétrospective dans un lieu permettant à ses œuvres, de tout format, de respirer au large. Vingt ans après celle de Beaubourg, l’exposition du Musée d’Art Moderne retrace en quelque 200 toiles, accompagnées de films, de photos et d’écrits, l’évolution de son art au fil d’une vie brève, passionnée, et tout autant semée de trous noirs que d’éblouissements. On parcourt dans ses pas la trajectoire chaotique qui amène l’enfant de la très ancienne lignée balte des Staël von Holstein – exilé à cinq ans après la révolution Russe de 1917, et orphelin à huit – à errer de Pologne en Belgique avant d’enfin poser ses valises en France. Une vie de fragments juxtaposés sans cohérence, vrai patchwork de chocs, d’impressions disparates, de lieux, cultures et langages collés à la hâte dans un perpétuel mouvement. Le peintre et son art semblent également composés de parcelles successives, et on sent d’ailleurs que, pour les comprendre en profondeur, cet angle-là de lecture serait peut-être plus pertinent encore que le seul enchaînement biographique. Au demeurant, toute l’histoire peut aussi se regarder comme un combat incessant entre abstraction et figuration, ou plutôt, dans la tradition de Platon, comme un dialogue maïeutique toujours renouvelé entre les deux approches pour accoucher de la forme finale de chaque œuvre.
Très cultivé, féru de littérature et de poésie, Staël jeune a beaucoup étudié la peinture des maîtres, et tout autant celle de ses prédécesseurs ou contemporains, au gré de ses voyages dans les pays du Nord et du Sud. Il en a fait son miel, sans jamais se laisser absorber par un courant ou un mouvement, ni s’arrêter à un procédé définitivement fixé. Ce qui illumine les heures sombres où il broie du noir, c’est la lumière qu’il arrache aux…