Prisu au MAD – UN ART CONSOMMÉ

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  • Publié le . Paru dans L'Information Dentaire n°15 - 13 avril 2022 (page 54-57)
Information dentaire

Les Trente Glorieuses ne le furent pas en tout point, quoique leur nostalgie se porte bien. Mais la justice à leur rendre, ainsi qu’aux inconsolables, c’est la créativité audacieuse, joyeuse, haute en couleurs qu’elles virent et firent exploser dans un monde affamé de vie. L’image rétrospective qu’en donnent les médias, films, séries ou rééditions, paraît souvent mal repeinte, encline à s’emmêler les pinceaux : trop chromo, trop vintage, trop bariolée. On ne sent pas la vraie couleur du temps, comme si les décorateurs ne cherchaient pas leurs accessoires sur les bons rayonnages. C’est pourtant simple à retrouver, répond le Musée des Arts Décoratifs : sur les siens, directement alimentés en temps réel par ceux d’un Prisunic aujourd’hui disparu de la scène et des mémoires, même si un certain esprit s’en est conservé à travers Monoprix. Dans des vitrines-frigo revisitées avec humour, le MAD raconte cette histoire qui, pour celle de l’art, garde un prix unique : c’est l’un des seuls lieux où l’on pouvait trouver, dans le pur esprit d’un Andy Warhol d’ailleurs sollicité, des œuvres de grands designers à côté des boîtes de soupe…

Choc de modernité

« Ça vient de Prisu ! », pouvait-on s’exclamer dans les années 60, fier d’une trouvaille qui épatait le monde sans avoir coûté cher. À vrai dire, ce plaisir de faire son petit effet à petit prix n’a pas disparu : « Monop’ », peut-on encore s’entendre confier devant un article auquel un certain snobisme supposerait une provenance autrement chic. Mais à l’époque, dans sa rime riche avec Prisunic, chic est d’abord une exclamation ravie. L’importance première, la bonne surprise, est d’avoir résolu la question de l’accessibilité. Comme aujourd’hui, c’est le pouvoir d’achat qui la définit, mais doublement entendu alors : pouvoir acheter c’est aussi trouver à acheter, ce qui n’est pas si simple pour un ménage moyen d’une ville moyenne dans la France d’avant les hypermarchés en voiture, où n’est vraiment vu comme accessible qu’un produit mis à portée de main autant que de bourse. C’est dire si, pour la génération des restrictions et les baby-boomers, la découverte entre deux rayons alimentation de désirables objets design et de prêt-à-porter portable est une véritable révolution, économique bien sûr, esthétique incontestablement, mais sociétale. On entre dans la modernité, et on la fait entrer chez soi, en entrant dans Prisu chercher des yaourts – dont par ailleurs le haut format familial, en cône tronqué, au terne carton cireux, n’excite pas les papilles.

Ce qui dilate en revanche les pupilles, c’est l’apparition du plastique moulé et des couleurs acidulées, jugés selon l’âge super bath ou carrément pop. Le plastique est magique et coule partout à flots, avant le choc pétrolier et la pollution aux polymères. On dit d’ailleurs « en matière plastique », pour les objets réalisés dans ce matériau, ce qui met l’accent sur l’adjectif pas encore substantivé et exalte ses infinies propriétés ductiles, propres…

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