Cet article rapporte le cas d’une jeune femme âgée de 22 ans, en bonne santé, qui a présenté une colite pseudomembraneuse survenue cinq jours après l’instauration d’une antibiothérapie (clindamycine) dans le cadre du traitement médical d’un abcès dentaire. Le tableau clinique initial, le jour de son hospitalisation, était celui d’une diarrhée fébrile. L’état de la patiente s’est rapidement détérioré avec apparition d’un mégacôlon toxique, d’une perforation intestinale et d’un sepsis. Des hémocultures ont permis d’isoler Clostridium difficile (souche NAP12/ ribotype 087 référence ATCC 43255) et Klebsiella pneumoniae. Malgré l’instauration d’un traitement par métronidazole et l’admission en soins intensifs, la patiente est décédée dix jours après la procédure dentaire. Une autopsie a été pratiquée et a confirmé la toxi-infection à Clostridium difficile avec atteinte du gros intestin et des poumons.
Le choix de la molécule de l’antibiotique utilisée ici (la clindamycine) n’est pas le facteur de risque principal. Des colites pseudomembraneuses peuvent compliquer la prescription de toute antibiothérapie à large spectre, y compris l’amoxicilline seule ou en association, les fluoroquinolones et, dans une moindre mesure, les macrolides. La survenue de cette toxi-infection est initiée par le déséquilibre de la flore intestinale et de la rupture de l’effet barrière de la flore commensale digestive. Si la fréquence de survenue d’une diarrhée post-antibiotique est estimée entre 5 et 30 %, seuls 3 % des adultes sont porteurs asymptomatiques de Clostridium difficile. Il n’existe aucun examen de routine permettant d’identifier cette catégorie de patient à risque de colite pseudomembraneuse. La fréquence de colite pseudo-membraneuse (CPM) est estimée entre 1 et 3 cas pour 100 000 patients ambulatoires sous antibiothérapie. Les principaux facteurs de risques de CPM sont le sujet âgé et la prise de médicaments anti-acides (inhibiteurs de la pompe à protons, anti-histaminiques H2). Devant une diarrhée post-
antibiotique fébrile, il est recommandé de stopper l’antibiothérapie, de réaliser un coproculture (identification des toxines A ou B dans les selles), d’instaurer un traitement par métronidazole ou par vancomycine. Une colectomie partielle ou totale doit être pratiquée en urgence en cas de perforation intestinale. La gravité et l’évolution fatale de cette CPM sont vraisemblablement liées à la virulence de la souche isolée et à l’absence d’une prise en charge chirurgicale, et ce malgré l’instauration rapide d’une antibiothérapie curative adéquate et l’absence de facteurs de risque.
Commentaire
Le choix de prescrire ou de ne pas prescrire un antibiotique repose sur des recommandations (Afssaps 2011). Malgré une bonne observance de ces recommandations, le risque zéro n’existe pas. La prescription d’antibiotiques expose à des effets indésirables le plus souvent bénins (diarrhées post-antibiotiques, rash cutané…), des accidents beaucoup plus rares mais graves et parfois mortels (colite pseudomembraneuse, choc anaphylactique…) peuvent survenir.
La prescription est un acte médical qui doit reposer sur un diagnostic précis. La décision de prescrire ou de ne pas prescrire doit être un acte raisonné, réfléchi, qui doit s’appuyer sur des référentiels actualisés. Toute prescription ou non-prescription doit pouvoir se justifier à partir de données recueillies lors de l’interrogatoire médical et l’examen clinique. Il est impératif que ces éléments soient notifiés sur le dossier médical du patient.
Prescription antibiotique : le risque zéro n’existe pas
- Publié le . Paru dans L'Information Dentaire
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