Place aux femmes

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  • Publié le . Paru dans L'Information Dentaire n°13 - 31 mars 2021 (page 122-125)
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Elles sont peintres, ont du métier, du talent, de l’ambition, sont intégrées dans les cercles artistiques et les cénacles mondains, voyagent, se voient reconnues des institutions et collectionnées, remportent éloges et médailles et enregistrent des ventes confortables. Entre 1780 et 1830, leur participation au Salon est exponentielle, passant de trois avant la Révolution à plus de cent sous Charles X, ce qui leur fait tenir une place assurément visible auprès des peintres hommes. Cette place, l’histoire de l’art l’a forcément retenue. Eh bien non. Elles ont complètement disparu des radars, sauf notables exceptions. Pourquoi ? C’est ce qu’explore pas à pas cette exposition qui replace dans le puzzle ces pièces manquantes, mystérieusement escamotées, oubliées ou expédiées, si ce n’est pas délibérément cancellées…

La liberté au bout du pinceau

Pas simple, à la fin de l’Ancien Régime, de se déclarer et femme, et peintre. Les deux états auraient même tendance à s’exclure et à obliger les intéressées à choisir : ou femme, ou peintre. Il y a bien certes celles qui peignent en famille, avec leurs pères ou frères, et on note un engouement pour cette profession qui peut offrir une ascension sociale, mais dans l’opinion et vis-à-vis de l’ordre social et moral, leur individuation reste souvent problématique. Au mieux, leurs œuvres sont accueillies avec une aimable condescendance, un indulgent sourire paternaliste, au pire par d’odieux quolibets soupçonnant un homme sous la signature si ce n’est sous le jupon – ce n’est pas d’elles, ou elles ne sont pas femmes – et de façon générale on trouve de l’inconvenance à laisser les filles fréquenter ces ateliers où elles voient Dieu sait quoi et ces galeries du Louvre où logent de jeunes galants. Aussi, pourquoi vouloir sortir du rôle que leur a fixé la nature : épouse, mère, maîtresse de maison ? Un brin de talent de société, passe encore ; c’est le signe d’une éducation accomplie et un « plus » apprécié dans le panier de la dot. Après, c’est de l’effronterie, contraire à la décence et à la vocation d’une femme honnête.

Tenace, ce préjugé va être battu en brèche dès les années 1780 puis à la faveur de la Révolution, mais il regagnera du terrain au cours d’un XIXe siècle tendant à écrire une histoire de l’art sans femmes, et perdure encore du fait de ce passage à la trappe. Une « silenciation » et une « invisibilisation » – ainsi qu’on les analyse désormais – très efficaces, puisqu’à ce jour, seuls les spécialistes savent que les femmes peintres ont existé en nombre durant ce qui a été nommé à juste (et joli) titre « la parenthèse enchantée »*. Jusqu’à cette importante exposition qui, non seulement les sort de l’ombre…

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