Le dieu-cerf : précelte ou préquelle ?
On connaît sous des traits résolument léonins la Bête incarnée par Jean Marais, dont le masque se voit à la maison de Cocteau à Milly-la-Forêt*. On sait moins que l’acteur eût préféré arborer sur son corps humanoïde une fière ramure de cervidé. On lui objecta que la créature devait être carnassière, mais s’il avait eu gain de cause, il aurait magistralement figuré celui qu’il voulait être pour ce rôle et ranimer dans nos mémoires : Cernunnos, l’antique dieu-cerf des Celtes. Or voici que celui-ci ressort du bois, à portée d’une botte de sept lieues (28 km) de Milly, au musée de la préhistoire de Nemours.
Plus oublié que le Grand Veneur qui hante la forêt de Fontainebleau, Cernunnos en était pourtant l’hôte primitif, vénéré par ses premiers occupants, et sans doute dès-avant les celtes qui en auraient repris le culte au point d’en faire leur dieu père, le Dis Pater qu’évoque César. Plus encore que la majesté de l’animal et son chef couronné, il semble que sa faculté de se défaire de ses bois morts pour voir renaître de jeunes rameaux soit l’origine de son prestige, symbole du pouvoir de régénération qu’on lui prête ou recherche à travers lui. Ses bois et la forêt ont partie liée dans le mystère des cycles de la vie, et l’hybridation homme-cerf crée plus qu’un être fantastique : elle porte une espérance d’immortalité. Les motifs gravés ne sont pas rares dans la vieille forêt de Bière aux massifs blocs de grès, et tout Bellifontain qui la quadrille depuis son plus jeune âge sait où « ça sent le gaulois », plaisante expression dont la temporalité un peu vague n’exclue pas la justesse intuitive.
C’est donc à la stupeur générale que des découvertes menées depuis une décennie ont mis à jour, dans le secteur peu arpenté de la Malmontagne, entre Fontainebleau, Bourron-Marlotte et Montigny-sur-Loing au sud-est, un ensemble d’inscriptions…