Ceux qui voudraient bien le savoir, plus que les pipelettes, ce sont les lecteurs rêvant de suivre, dans l’envers du décor de ses romans parisiens, l’auteur qui n’en livre pas les clés. Il y aurait une excitation de jeu de piste à découvrir, malgré les précautions qu’il met à les déguiser, ses lieux véritables d’inspiration ; comme si leur identification pouvait doter ceux qui subsistent de ce supplément d’âme à l’œuvre dans ses pages et qui se trouverait en quelque sorte ramené de l’imaginaire vers le réel pour en intensifier la charge sensible. Après tout, c’est encore Cocteau qui nous y encourage : « Marcel Proust ne faisait pas de personnages à clef, c’est entendu, mais certains amis entraient pour des choses très fortes dans ses mixtures. » Pourquoi n’en irait-il pas de même pour ses personnages et pour ses lieux ?
C’est au fond l’idée qui sous-tend la grande exposition du Musée Carnavalet en cette année Proust, consacrée aux rapports de l’écrivain avec la ville et justement intitulée « Un roman Parisien ». Tout l’univers de Proust y reprend vie, grâce à près de 300 œuvres – tableaux, archives, photos, films, maquettes, objets personnels et, bien sûr, sa chambre. Le cadre se prête si bien à la double évocation de l’homme et de ses mondes fictionnels qu’après avoir « reconnu » cet environnement en sa compagnie – et Proust en sortant bien dépoussiéré – l’envie vient, en marge de l’exposition, mais aussi des lectures qu’elle incite à reprendre, et pour mieux le « réfléchir » sous de nouveaux contrastes, de convoquer une autre silhouette légendaire de la Belle époque, très rajeunie elle aussi ces temps-ci, un contemporain nécessairement croisé en un certain sens et qui peut nous servir de cicérone dans les arcanes de cette « cathédrale », aux « substructions et étagements divers », que voyait Proust dans son œuvre.
À l’aube d’une année…