Curiosités de tous bords
Le rare, le jamais vu, l’inconnu même, voilà ce qu’offre aux yeux émerveillés l’âge d’or des grandes découvertes. Tirés des malles d’aventuriers voyageurs, marchands ou savants, ces trésors prennent la forme de bijoux, de parures, d’objets orfévrés en or d’Amérique, en ivoire d’Afrique, en nacre d’Inde, en ambre de la Baltique, en jade de cette Chine qui détient aussi le secret des fines porcelaines. Mais ce peut être aussi de pures créations de la nature, toutes plus étonnantes : nautiles du Pacifique, noix des Seychelles, coraux, fossiles qui ouvrent des songes abyssaux, dents de narval qui suscitent des rêves de licornes. Ou encore des cartes de contrées ignorées, des globes qui révèlent leurs connexions, des instruments à déchiffrer les mystères célestes. Leur classement compose et éclaire toutes sortes de visions du monde : les œuvres d’art sont dites aritficialia, les merveilles naturelles naturalia, les appareils de mesure scientifica et les témoignages culturels exotica, ou ethnografica.
Miraculeusement venu jusqu’à nous, le Cabinet de Dresde, ou Kunstkammer, est au milieu du XVIe siècle l’exemple type de ces espaces qui semblent une extension de ce meuble des pays nordiques où loge un univers miniature, mais sont au fond des lieux de savoir et d’éducation offerts à tous les regards. Car très vite les collections des princes électeurs de Saxe, d’abord vitrines d’une puissance politique au sein du Saint-empire, s’ouvrent à un large public venu s’instruire ou s’inspirer. Scientifiques et artistes observent ces objets, apprennent d’eux des représentations du monde différentes, d’autres symboliques et techniques. On copie des formes, des motifs, des styles, on cherche à reproduire des procédés et, partant, on innove en profitant des ressources minières de la Saxe : argent, diamant vert, rubis, émeraude, lapis, jaspe, cristal de roche, et puis ce kaolin béni…