Féerique Fellini
Trente ans après sa disparition, Federico Fellini n’est pas oublié. Seulement il manque. Sa truculence, son énergie de démiurge, son sens du grotesque, sa lyrique poésie vagabonde manquent, dans une production cinématographique quiparfois se perd entre frénésie stroboscopique sous amphètes et pâle étiologie de névroses imbibées d’antidépresseurs.
Avec Fellini, on ne savait jamais où il allait nous mener, parce que lui-même ne le savait pas toujours, ou l’oubliait en cours de route. À cela, il y avait plusieurs raisons. Ennemi du formatage et du plan de tournage, il adorait de toute façon jouer au chamboule-tout. Ami de l’errance urbaine qu’il pratiquait en maître, il s’autorisait de désorientantes dérives situationnistes jusqu’au bout de la nuit, toujours plus italienne qu’américaine. Et surtout, la frontière entre rêve et réalité était chez lui des plus mince et mouvante. Son imagination la traversait constamment sans rien avoir à déclarer à d’autres qu’à ses deux douaniers de l’inconscient, un psychanalyste jungien et un médium, consultés avec plus de curiosité créative que d’inquiétude malgré ses notoires superstitions et goût de la parapsychologie. La mémoire est le fil conducteur de son œuvre, mais il lui arrivait de les perdre, tous deux, ne sachant plus, en plein tournage, quelle idée le guidait, quelle image fixe l’avait inspiré. Ses films, baignés d’onirisme et hantés de figures carnavalesques ou grand-guignolesques, racontent avant tout ces démêlés avec le réel. Ils apparaissaient déjà dans ses dessins, mais le cinéma était bien le médium qu’il fallait à ses fascinations visuelles et mémorielles. Un cinéma resté très proche de la stupéfiante révolution de l’image, du récit et de l’impact sur l’imaginaire qu’avait créée son invention liant magie et féerie, surnaturel et surréel.
En un sens, Fellini le manie avec cette foi enthousiaste et…