Secret professionnel oblige, Kata Raffai ne nous dira pas grand-chose sur sa commande en cours. Tout juste lâchera-t-elle qu’elle est destinée à une grande entreprise du domaine médical, que c’est une affaire de cent calots et qu’elle en a pour « un bon mois de travail », et « peut-être même un mois et demi » si ça coince niveau emploi du temps. Parce que Kata Raffai n’est pas couturière à temps plein. Cette femme de 34 ans est d’abord et avant tout… assistante dentaire, et c’est même « comme ça » qu’elle est connue à Hochfelden, commune située à une trentaine de kilomètres au nord de Strasbourg. « Je suis celle qui travaille depuis 10 ans aux côtés du docteur Lidy », Fabrice de son prénom, orthodontiste.
Kata Raffai s’est mise à coudre par la force des choses, dit-elle, voix calme et sereine, qui tranche avec ce qui attend : « j’ai commencé en décembre 2017 après la mort de notre fille de trois ans d’un cancer. J’étais complètement paumée, je ne savais pas ce que j’allais devenir. Vous imaginez ce qu’on a pu ressentir avec mon compagnon ? » Un silence se forme. « J’étais anéantie, on était tous anéantis ».
Elle achète une machine à coudre, « un truc de base », payée « une centaine d’euros ». Les cliquetis de sa Brother FS40 remplissent ses journées et la maison. « C’était une manière de me vider la tête, d’avancer », murmure-t-elle. Elle essaie des choses, rate, réessaie, réussit. Elle commence par les vêtements pour enfants. Ça tombe bien : elle accouchera d’un petit garçon en septembre 2018. En mai 2020, alors qu’un nouvel enfant, une petite fille, la comble de bonheur, son histoire avec la couture change de bobine : la voilà qui se lance dans la fabrication de calots. « C’était la période du confinement, au cabinet on avait besoin de calots, il y avait pénurie », se souvient-elle. Sa production est d’abord réservée en interne, puis…