C’est toujours un bonheur de voir celui avec lequel un véritable talent s’empare d’un matériau, le fait sien, en explore toutes les propriétés et possibilités comme autant de stimulants livrés à son imaginaire. Le médium d’Eva Jospin, c’est le carton, aussi humble et sobre que celle qui le célèbre, loin de tout artifice quoiqu’elle en soit la grande prêtresse. Druidesse pourrait-on même dire, car au Musée de la Chasse et de la Nature, ce sont les mystères de la forêt qu’elle pénètre, équipée d’une serpe à la fois moderne et savante. Entrant à notre tour par les passages qu’elle y ménage, on est saisi d’emblée par ce silence protecteur, cette paix recueillie régnant au sein des lieux consacrés par leur harmonie solitaire : clairières secrètes au creux des halliers, cavités naturelles épanouies dans les chaos rocheux, sites nés de mains immémorielles mais assurément religieuses. Cette dimension est celle du sacré.
Pourtant, si Eva Jospin touche à l’art sacré c’est sans oublier de toucher le bois concret de la matérialité de l’œuvre, plus occupée à forer des orées dont chacun use à sa guise qu’à chaperonner des petits poucets dans une forêt de symboles : en dépit de sa sensibilité aux contes, elle les laisse au coin du feu de la veillée. Par une étrange translation, on s’avise que sa forêt offre une image de fagot hivernal de bois sec, qui renvoie à celle de l’âtre rassurant, sa vivante et dévorante antinomie. D’où vient alors la sensation d’abri sûr, de refuge qui émane de ces ramures vides, décharnées, qui n’ont en rien l’opulence des fourrés nourrissant « la vie dans les bois » de Thoreau ? Peut-être faudrait-il plutôt songer ici, avec les nuances qui s’imposent, au « rebelle » et à son « recours aux forêts » d’Ernst Jünger dans son livre éponyme : « La forêt est secrète. (…) Le secret c’est l’intime, le foyer bien…