Parmi les recommandations actuelles d’extraction des dents de sagesse (DDS), on retrouve notamment « la prévention d’une résorption coronaire et/ou radiculaire de la dent adjacente ». De plus, il apparaît qu’« en présence d’un risque local de pathologie parodontale sur la 2e molaire, la possibilité de l’avulsion de la dent de sagesse asymptomatique doit être analysée » [1]. On peut noter que cette recommandation présente un grade C (faible niveau de preuve).
Il existe actuellement peu d’informations sur le risque de perdre la deuxième molaire (M2) au cours de la vie, en fonction de la présence ou de l’absence de la dent de sagesse (incluse ou sur arcade).
L’objectif de cette étude rétrospective était d’évaluer si les M2 avec DDS adjacentes présentaient un plus grand risque d’être perdues au cours de la vie que celles sans DDS à proximité.
Il s’agit d’une étude rétrospective basée sur une cohorte de 1 231 hommes (vétérans) suivis entre 1969 et 2007 dans le service de santé des armées (États-Unis). Des bilans dentaires complets étaient réalisés tous les trois ans et comprenaient notamment une évaluation carieuse et parodontale (profondeur de poche, perte osseuse alvéolaire, indice de tartre et de saignement au sondage). La présence ou l’absence des DDS ainsi que leur position étaient également notées (DDS incluse ou sur arcade, niveau de l’inclusion, nature des tissus de recouvrement, angulation de la DDS, distance entre DDS et M2). D’autres éléments démographiques (âge, niveau d’éducation) et liés aux habitudes de vie (tabac, hygiène bucco-dentaire) étaient également recueillis.
Le critère d’évaluation principal était la survie des M2, et l’élément prédictif était la position de la DDS (incluse, sur arcade ou absente).
966 participants ont été inclus dans l’étude (170 avaient au moins une M2 absente à l’inclusion et 85 étaient perdus de vue). L’âge moyen à l’inclusion était de 48 ± 8 ans et la durée de suivi moyen était de 22 ± 11 ans. 30 % des patients n’avaient pas de DDS, 57 % avaient au moins une DDS sur arcade et 13 % avaient au moins une DDS incluse.
Les résultats globaux de cette étude ont montré qu’il n’y avait pas de bénéfice à l’absence de DDS pour la survie à long terme de M2, en comparaison des patients ayant une DDS adjacente. On a cependant observé une tendance non significative à un risque plus élevé de perte de M2 lorsqu’une DDS incluse horizontale (inclusion > 45°) était présente à proximité.
En revanche, la mauvaise hygiène bucco-dentaire et le tabagisme étaient des facteurs susceptibles d’avoir une influence significative sur la perte de M2.
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Il existe peu d’études à fort niveau de preuve (prospectives randomisées et contrôlées) sur l’intérêt des extractions prophylactiques des DDS asymptomatiques pour limiter les complications associées, et elles n’ont pas permis de conclure sur ce sujet [3]. De plus, le risque de la perte de M2 ne fait pas habituellement partie des critères d’évaluation de ces études. La question de la systématisation des extractions de DDS se pose régulièrement du fait des complications associées, même si elles sont rares (paresthésies, douleurs prolongées, infections, fractures, troubles des ATM). La prévention des lésions carieuses et parodontales sur la molaire adjacente (M2) est l’une des indications fréquemment retenues pour les extractions prophylactiques, mais il existe peu de données sur ce sujet dans la littérature. Ainsi, l’intérêt de cette nouvelle étude est de montrer que la présence ou l’absence de la DDS n’a pas d’influence sur la survie de M2. L’étude est fondée sur un échantillon de grande taille et un suivi de longue durée. Certaines limites de l’étude méritent d’être soulignées, comme le pourcentage relativement faible de patients sans DDS par rapport à aujourd’hui et l’absence de femmes dans la cohorte. De plus, il n’est pas précisé la raison de l’absence des DDS dans ce groupe (extraction ou agénésie ?) : cela pourrait amener à penser que certains patients ont eu les DDS extraites avant leur inclusion dans l’étude du fait d’une pathologie et que seuls les patients avec des DDS « saines » ont été inclus.
Cette étude à long terme chez l’adulte n’a donc pas démontré d’augmentation du risque de perte de M2 en rapport avec la présence de DDS incluse ou ayant fait son éruption, ni dans le cas où la DDS était absente.
Il faut donc retenir que la présence d’une DDS asymptomatique (incluse ou non) à proximité immédiate de M2 n’est pas nécessairement un facteur prédictif d’une pathologie à long terme sur cette deuxième molaire. Les conseils d’hygiène, une surveillance clinique et radiologique régulière doivent en revanche être systématiquement renouvelés dans cette situation.
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