Deviens ce que tu es
C’est aussi ce précepte de Nietzsche qu’éclaire ce grand dossier, qui ne laisse dans l’ombre rien de ce qui a fait l’homme ce qu’il est, dans tous ses avatars. Et avant tout un animal. Pas trop mal doué sans doute, éveillé et travailleur comme aimait à dire l’école primaire, avec un bon potentiel d’évolution mais tout d’un primate, à la base. C’est très malin, cette entrée en matière qui renvoie Sapiens tête basse et à quatre pattes. Si ce rewind du film darwinien fait à la fois toucher les épaules et bomber le torse d’avoir su être moins bête, le forward où l’on se projette révèle un paradoxe : ce que nos facultés gagneraient à être augmentées, c’est d’abord ce que nous avons perdu de l’état animal. Cette puissance du muscle qui, transférée au cerveau, nous a laissé un curieux syndrome du membre fantôme ; Einstein fier de sa tête mais enviant le corps de Schwarzenegger.
Entre rétrospective et avance rapide, voilà Sapiens en suspens, et même en suspense : que décidera-t-il d’être, de rester, de devenir ? Quelle image se fait-il de lui, envisage-t-il ? Tous les cas de figure sont ici explorés, au fil de cinq étapes nommées sur le mode du « je suis… » cher au jeu de questions bien connu : Je suis un animal d’exception – Je suis un champion – Je suis un cyborg – Je suis un mutant – Je suis immortel. C’est dire si on fait le tour de cet obscur objet du désir qu’est l’identité humaine aujourd’hui, non sans saluer la diversité des neurones qu’a connectés, pour en juger, un large comité scientifique issu des sciences de la vie, de l’homme et de la société, de la philosophie, du droit, de l’art, de la médecine ou du sport.
Toutes ont leurs normes, aucune n’ignore l’énorme : toujours la grenouille se veut bœuf.
Plus vite, plus haut, plus fort semble un prédicat assez global de l’homme, obsédé par…